Test Blu-ray : Freaks Out

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Freaks Out

Italie, Belgique : 2021
Titre original : –
Réalisateur : Gabriele Mainetti
Scénario : Nicola Guaglianone, Gabriele Mainetti
Acteurs : Pietro Castellitto, Aurora Giovinazzo, Franz Rogowski
Éditeur : Metropolitan Video
Durée : 2h21
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 30 mars 2022
Date de sortie DVD/BR : 11 août 2022

Rome, 1943, sous occupation nazie, la Ville éternelle accueille le cirque où travaillent Matilde, Cencio, Fulvio et Mario comme phénomènes de foire. Israel, le propriétaire du cirque et figure paternelle de cette petite famille, tente d’organiser leur fuite vers l’Amérique, mais il disparaît. Privés de foyer et de protection, dans une société où ils n’ont plus leur place, les quatre « monstres » vont tenter de survivre dans un monde en guerre…

Le Film

[5/5]

En France, on a découvert le cinéma de Gabriele Mainetti en 2017 avec le très efficace On l’appelle Jeeg Robot, qui s’était imposé comme une « relecture » intéressante du traditionnel film de super-héros à l’américaine. Contrairement à un cinéaste tel que Luc Besson, Gabriele Mainetti était parvenu à étonner le public par sa propension à ne pas reproduire simplement le modèle venu d’outre-Atlantique, mais en le retravaillant selon une sensibilité qui lui est propre, plus européenne, et même carrément plus « italienne ». Par association d’idées, cette singularité tend à rattacher le cinéaste à la grande époque du Bis italien : depuis les années 50 jusqu’au début des années 80, du western spaghetti au poliziottesco en passant par le Giallo, le péplum ou le cinéma d’horreur en mode gothique, le cinéma de genre all’italiana avait en effet bel et bien réussi à créer une originalité bien réelle tout en partant de modèles préexistants.

A sa façon, Gabriele Mainetti s’impose donc comme le dernier descendant d’un « autre » cinéma italien, populaire mais ô combien personnel, dont le plus grand mérite réside précisément dans cette capacité à s’inspirer des modèles étrangers tout en restant profondément ancré dans la culture de son pays. Cet état d’esprit est d’ailleurs encore plus manifeste dans Freaks Out que dans son film précédent, dans le sens où le scénario du film, signé Gabriele Mainetti et Nicola Guaglianone, est ancré dans une réalité historique très précise. Ainsi, au-delà des influences les plus évidentes (Guillermo Del Toro, Tim Burton), les personnages de Freaks Out ne sont pas de simples dérivés de X-Men ou d’Umbrella Academy, : ils sont avant tout les « monstres » de la comédie italienne – ceux de Dino Risi évidemment, mais aussi ceux du Mari de la femme à barbe de Marco Ferreri, de L’Armée Brancaleone et Brancaleone s’en va-t-aux Croisades de Mario Monicelli… Dans le film de Gabriele Mainetti, les gueules cassées, les estropiés, les marginaux et tous les laissés-pour-compte du système se réchauffent le cœur en tuant indépendamment des nazis et des fascistes, avant de manger du salami et de la caciotta. On pense bien sûr ici au personnage du « Bossu » interprété par Max Mazzotta (impossible en le voyant brandir sa mitraillette, de ne pas penser à Tomás Milián dans Brigade spéciale !) ou à Gambaletto, le soldat à la jambe de bois incarné à l’écran par Michelangelo Dalisi.

Et bien sûr, il y a les monstres : Cencio (Pietro Castellitto), Fulvio (Claudio Santamaria), Mario (Gianni Parisi) et Matilde (Aurora Giovinazzo) – quatre personnages géniaux, que l’on aurait même tendance à considérer comme plus « humains » que la normale. Et dès la première scène de Freaks Out, Gabriele Mainetti donne le ton, en plongeant le spectateur au cœur de la magie poétique de ce cirque ambulant mené par Israël (Giorgio Tirabassi), faisant alterner l’émerveillement (Cencio, Matilde), le rire (Mario) mais également la peur (Fulvio), comme pour représenter tous les sentiments que le cinéma est capable de véhiculer. A l’issue de cette scène, la violence de la guerre fera brutalement irruption au cœur du spectacle, détruisant d’un seul coup la magie du spectacle inaugural. Cette séquence développe l’idée d’un cinéma « total », à 360 degrés en quelque sorte, qui l’emportera souvent sur la guerre, la violence et l’histoire au cœur du film : on pense notamment à la longue scène de « vision » de Franz (Franz Rogowski), le nazi-pianiste virtuose à six doigts – une vision provoquée par l’éther qui l’enveloppe totalement, le plongeant littéralement au milieu de bribes de l’avenir.

Mais cette séquence absolument folle ne représente qu’une seule des sublimes scènes qui émaillent Freaks Out, qui s’impose comme une fresque historico-fantaisiste absolument flamboyante, virtuose, excessive, maîtrisée et, surtout, merveilleusement belle d’un strict point de vue visuel (la photo de Michele D’Attanasio est à tomber par terre). Derrière la caméra, la maestria de Gabriele Mainetti est ostentatoire, et son récit est porté à l’écran de manière puissante, le film faisant souvent preuve d’une grande force dramatique, mais également de beaucoup d’humour, de romantisme, d’action et de poésie. Et au final, que dire sinon que Freaks Out s’avère un putain de vrai choc esthétique ? Un chef d’œuvre, assurément, nous démontrant par l’exemple que le cinéma italien peut clairement faire son trou sur le terrain du blockbuster, sans pour autant y perdre son identité. Car Gabriele Mainetti n’imite personne, mais recycle en créant de nouvelles formes – comme l’avaient fait avant lui quelques-uns de ses glorieux aînés, tels que Sergio Leone ou Dario Argento. Ni plus ni moins.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Comme on pouvait s’y attendre, le Blu-ray de Freaks Out édité par Metropolitan Vidéo nous propose véritablement une expérience « Home Cinema » au taquet du taquet de la mort qui tue : l’image est tout simplement superbe, même dans ses passages les plus sombres, et rend parfaitement hommage aux sublimes compositions de plans imaginées pour le film par Gabriele Mainetti et son directeur photo Michele D’Attanasio. La définition est précise, les couleurs très saturées sont respectées à la lettre, et même durant les séquences les plus chaotiques à l’écran (beaucoup de fumées et de couleurs vives qui tranchent net), le master tient la route et nous ravit pleinement les mirettes. Côté son, les deux mixages (VF/VO) sauront en imposer au spectateur, avec des passages littéralement tonitruants et des effets dynamiques de toutes parts. La VO italienne nous est proposée en DTS-HD Master Audio 7.1, la version en française – très soignée dans son genre – en DTS-HD Master Audio 5.1. Un superbe boulot technique pour un film extraordinaire !

Du côté des suppléments, Metropolitan nous propose un ensemble de presque une heure de featurettes souvent très intéressantes. On commencera tout d’abord avec le traditionnel making of (13 minutes), qui reviendra sur tous les moments-clés de la réalisation du film : du tournage aux costumes, le tout accompagné d’entretiens avec le réalisateur et les acteurs. On continuera ensuite avec un sujet consacré aux effets visuels du film (7 minutes), et un autre spécialement dédié à la musique du film (11 minutes). On trouvera également les story-boards de trois scènes du film (6 minutes), une poignée de scènes coupées (5 minutes), un court bêtisier (3 minutes) ainsi que la traditionnelle galerie de photos. De quoi prolonger un peu le plaisir si vous avez aimé le film…

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