Test Blu-ray : Frances

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Frances

États-Unis : 1982
Titre original : –
Réalisation : Graeme Clifford
Scénario : Eric Bergren, Christopher De Vore, Nicholas Kazan
Acteurs : Jessica Lange, Sam Shepard, Kim Stanley
Éditeur : StudioCanal
Durée : 2h13
Genre : Biographie, Drame
Date de sortie cinéma : 31 août 1983
Date de sortie DVD/BR : 28 avril 2021

À 16 ans, lycéenne à Seattle, elle remportait tous les prix. À 23 ans, étoile montante et troublante de la scène et de l’écran, on l’admirait pour sa beauté et son talent. À 27 ans, un enchaînement d’événements insignifiants entraîne son arrestation et son internement d’office définitif dans un établissement psychiatrique…

Le film

[4/5]

Réalisé en 1982 par l’australien Graeme Clifford, Frances est un biopic consacré à la vie de Frances Farmer, une célèbre actrice des années 30/40 à Hollywood – étoile filante, sa carrière fut rapidement détruite par une destinée sentant le souffre. Le film nous invite donc à découvrir une partie de la vie de cette femme libre et intelligente, aux penchants gauchistes affirmés, qui connut la gloire et le succès en tant qu’actrice avant d’être mise sur la liste noire et, finalement, d’être internée en hôpital psychiatrique. Frances permettra également au spectateur de se familiariser avec sa vie amoureuse ainsi que sa vie de famille, pour le moins compliquées.

Fait intéressant, le film de Graeme Clifford prend suffisamment de recul pour ne sembler émettre aucun jugement sur l’existence menée par cette femme, et ne fournira pas non plus de réponses « toutes faites » ou trop évidentes aux questions que pose la vie de cette grande Dame du cinéma – à vous donc de décider que penser en ayant en main les différents drames ayant émaillé son parcours.

Le destin de Frances Farmer est si romanesque et tragique qu’à sa disparition en 1970, plusieurs biographies ont vu le jour, certaines remettant en cause les affirmations des autres. Ainsi, une partie de la vie de la starlette semble malheureusement destinée à rester dans l’ombre, et l’on sait par exemple aujourd’hui que certains éléments évoqués dans Frances – tels que l’épisode de la lobotomie – sont sans aucun doute faux. Pour autant, Graeme Clifford et ses scénaristes ne visaient de toute façon ni à l’exhaustivité, ni à la stricte véracité historique : les noms des personnalités réelles ont été modifiées, et certains personnages importants, tels que celui incarné par Sam Shepard et qui servira de voix-off au film, ont même été créés de toutes pièces.

Autant être clair d’entrée de jeu : Frances est un film assez fascinant, qui aura clairement de quoi subjuguer le spectateur, et ce essentiellement grâce à la prestation absolument bouleversante de Jessica Lange. Rien que pour le tour de force que nous livre l’actrice, il semble que le film de Graeme Clifford s’impose comme un incontournable, un film à découvrir à tout prix. Pour autant, on admettra également que par sa durée et son manque flagrant de maîtrise en termes de rythme, le film souffre également des mêmes problèmes que la grande majorité des biopics. Le film se traîne donc par endroits, et ses carences rythmiques tendent vraiment à faire trouver le temps long au spectateur, tandis que d’autres épisodes de la vie de l’actrice sont présentés sur un rythme plus enlevé et rapide.

Le biopic est un Art complexe, dont peu de cinéastes sont parvenus à trouver la clé. La première question est celle de la limite dans le temps : par où commencer, et par où finir ? Frances fait donc le choix de commencer alors que Frances Farmer n’a que seize ans, et qu’elle semble faire preuve d’une certaine attirance pour les écrits de Nietzsche autant que pour les théories communistes. On passera par la suite assez rapidement à ses débuts d’actrice à Hollywood, quatre ans plus tard.

Refusant la façon dont studios et producteurs cherchent à façonner sa carrière, elle refusera de se plier aux règles en vigueur dans le milieu (photos sexy, soirées mondaines, coucheries). Dans une société encore largement dominée par le patriarcat, elle se résignera à épouser un acteur également promis à un brillant avenir au cœur de l’Usine à rêves. Mais ce dernier ne se révélera qu’un pantin à la solde de la Paramount à peine digne de son mépris. Le piège d’Hollywood s’est refermé sur elle, et au cœur de ces années 30 en proie à une forte misère, Frances quant à elle rêve d’un Art « à la Russe », développant un lien avec la réalité sociale. Toutes ses velléités artistiques seront tuées dans l’œuf par un monde du cinéma absolument sans pitié, et prêt à tout pour broyer la moindre brebis galeuse.

La vision de l’Hollywood de l’âge d’or proposée par Frances n’est certes pas reluisante, mais elle nous semble paradoxalement en tous points tangible, de la même façon que la petitesse et la mesquinerie de l’être humain nous apparaissent de la façon la plus flagrante au fil des événements qui marquent la vie de l’héroïne. Et alors qu’elle entame une lente déchéance professionnelle, l’actrice verra apparaître une autre figure oppressive, succédant aux Nababs d’Hollywood : sa propre mère. Fable tragique, nous montrant la face cachée du rêve américain, Frances s’impose finalement comme un véritable brûlot dénonçant l’hypocrisie généralisée régnant aux États-Unis lorsque l’on refuse de mener une existence formatée, et de rester en toute circonstance fidèle à ses principes de vie.

Vie professionnelle et familiale, médias, justice, médecine, nul n’est épargné, tous semblent aller dans le sens d’une vision on ne peut plus subversive de l’American Way of Life. Si bien sûr la réalité de la vie de l’actrice proposée au cœur de Frances a sensiblement été modifiée afin d’aller dans le sens voulu par le cinéaste et ses scénaristes, la charge émotionnelle et politique n’en demeure pas moins d’une force assez mémorable. Reste maintenant à lancer le projet d’un biopic de Lindsay Lohan doté de la même force revendicatrice et subversive, afin de dresser un portrait au vitriol de l’Usine à rêves à l’ère des réseaux sociaux !

Le Blu-ray

[4,5/5]

C’est sous les couleurs de StudioCanal que débarque aujourd’hui Frances au format Blu-ray, le film de Graeme Clifford intégrant la prestigieuse collection « Make My Day ! » dirigée par Jean-Baptiste Thoret. Côté Blu-ray, la définition est précise, les couleurs riches et bien saturées, les noirs sont profonds, et la restauration a pris soin de préserver le grain argentique d’origine. Bien sûr, les plans « à effets » (générique, mentions écrites, fondus enchaînés) accusent des effets du temps, mais le reste s’avère d’une propreté et d’une stabilité tout à fait étonnantes, surtout au regard du DVD jusqu’ici disponible en France, sorti en 2005, déjà chez StudioCanal. Côté son, VF et VO sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0, et les mixages s’avèrent propres, sans souffle, respectant parfaitement les ambiances créées par le film. Le doublage français d’origine est mixé à un niveau plus bas que son homologue dans la langue de Shakespeare. On vous conseillera cela dit de plutôt privilégier la VO, non seulement parce qu’elle est d’un niveau technique supérieur, mais aussi et surtout parce qu’elle vous permettra d’apprécier à sa juste valeur la performance d’actrice incroyable de Jessica Lange.

Du côté de la section suppléments, on retrouvera avec plaisir la traditionnelle présentation du film par Jean-Baptiste Thoret (9 minutes), que vous pourrez choisir de visionner avant le film, et qui s’avère donc exempte de tout #Spoiler. Parfaitement à l’aise devant la caméra, Jean-Baptiste Thoret reviendra rapidement sur la carrière-éclair de Graeme Clifford avant d’évoquer le film et le portrait de femme qu’il nous propose. On pourra également se régaler d’une analyse du film par Mathieu Larnaudie (56 minutes). Auteur d’une biographie de Frances Farmer intitulée « Notre désir est sans remède », il reviendra sur plusieurs aspects du film et de la vie de l’actrice, s’amusant à confronter les faits énoncés dans le film (essentiellement tirés de la bio de l’actrice signée William Arnold et intitulée « Shadowland ») avec la réalité. Très intéressant !

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