La Roche-sur-Yon 2018 : Virus tropical

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Virus tropical

Colombie, 2017
Titre original : Virus tropical
Réalisateur : Santiago Caicedo
Scénario : Entique Lozano & Paola Gaviria, d’après la bande dessinée de Powerpaola
Distribution : –
Durée : 1h37
Genre : Animation
Date de sortie : –

Note : 3/5

Changement de ton plutôt radical dans notre programme personnel du Festival de La Roche-sur-Yon avec ce film d’animation colombien étrangement zen. Les tribulations d’une jeune fille, depuis la naissance jusqu’à la fin de l’adolescence, y sont le fil rouge d’une histoire à la volonté manifeste de tout dire sur les étapes initiales d’une vie. Bien que tout y passe, des querelles entre sœurs aux conflits générationnels, Virus tropical fait preuve d’un regard agréablement détendu sur ces moments charniers dont, rétrospectivement, seule la somme a une certaine importance. Le film de Santiago Caicedo nous rappellerait presque Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, si les préoccupations géopolitiques de l’époque qu’il évoque, à partir du milieu des années 1970, n’y étaient pas complètement laissées de côté. Ce qui nous semble assez juste en fait, en partant de la perception d’une gamine, qui a surtout retenu de la visite du pape qu’elle ne devait pas salir sa robe. Le récit enchaîne ainsi sans gravité notable les hauts et les bas d’un foyer familial écartelé entre Quito et Cali, les îles Galapagos et un projet de mode milanaise abandonné à la dernière minute, aussi parce qu’il aurait sans doute dénoté dans la banalité charmante de ce destin d’enfant très commun.

Synopsis : La conception de Paola relève du miracle, puisque sa mère n’aurait normalement pas dû avoir d’autres enfants. Alors que les médecins pensent d’abord que sa grossesse est nerveuse ou causée par un virus tropical, elle finira par accoucher de sa troisième fille, dont l’arrivée ne tardera pas à mettre la vie familiale sens dessus dessous. Paola aura en effet la vie dure, entre sa sœur aînée Claudia qui fera tomber le nourrisson sur la tête et sa sœur cadette Patty qui a juré de se venger d’elle pour lui avoir volé l’affection prioritaire de la part de leurs parents. Sans oublier son père distant, un ancien prêtre, et sa grand-mère qui fera bien sentir à sa petite-fille qu’elle n’a aucun pouvoir sur les décisions importantes dans sa jeune vie.

Scènes de la vie familiale

Une fois les prouesses d’un spermatozoïde pour féconder l’ovule illustrées de façon flamboyante au début du film, l’animation de Virus tropical redevient beaucoup plus sage. L’objectif principal du réalisateur ne paraît en effet pas d’attirer l’attention sur l’aspect plastique de son histoire, mais de veiller à ce que cette dernière soit contée à travers une cohérence esthétique sans faille. Le trait épuré du noir et blanc demeure fidèle à la volonté mixte de souligner l’aspect universel de l’intrigue, tout en lui conférant un côté abstrait. Le point de vue de Paola a alors beau être éminemment subjectif, grâce à la fluidité de sa mise en images, le processus d’identification s’avère des plus aisés. Car qui n’a jamais été malmené, voire volontairement conduit en erreur par ses frères et sœurs aînés ? Qui ne s’est jamais installé de façon névrotique dans un état de rébellion permanent contre ses parents ? Et qui n’a pas vécu ses premiers ébats amoureux en toute intimité, à la fois intimidé et exalté par cette découverte de sentiments romantiques et libidineux ? Le tour d’horizon de ces différents processus d’apprentissage de la vie dès le plus jeune âge est en effet aussi vaste que conventionnel. La narration le parcourt pourtant avec une liberté remarquable, apte à nous faire adhérer sans rechigner à cette série de banalités, dépourvue du moindre sursaut tragique.

Un Ken pour dix barbies

Au niveau thématique, Virus tropical s’emploie avant tout à étudier de manière ludique la condition de la femme en Colombie. L’absence de testostérone au sein de la famille du personnage principal, où le seul homme est un père émotionnellement distant, s’y traduit par de joyeux coups de bec entre filles. Or, ce matriarcat appliqué a aussi ses aspects négatifs, comme par exemple la gêne que Paola éprouve au contact des garçons de son âge, perçus généralement comme une menace. Ce manque d’expérience ne l’empêchera pas pour autant d’en faire à ses propres risques et périls, navigant toujours sur le fil ténu entre l’insubordination juvénile et la reconnaissance des conseils de sa sœur cadette. En comparaison, ceux de sa mère dévoilent plus les difficultés de communication au delà du seuil générationnel qu’une volonté explicite de torpiller les tentatives d’intégration de sa progéniture. Une formidable complicité féminine sous-tend néanmoins le récit, à l’image du chocolat ingurgité à trois en cachette pour narguer la grand-mère venue en visite, de la mise à niveau de la plouc équatorienne en termes d’ordre vestimentaire pour ne plus être la cible de toutes sortes de railleries dans la ville colombienne plus branchée, voire paradoxalement dans l’ultime énervement de Claudia, perçu tel un coup de pouce utile par Paola pour enfin voler de ses propres ailes.

Conclusion

L’absence de bruit et de fureur fait tout le charme de Virus tropical. Rien d’exceptionnel ne s’y passe au fond, si ce n’est le va-et-vient entre les petites crises et les petites joies propres à la vie ordinaire en famille. Et pourtant, le réalisateur Santiago Caicedo sait conférer à ce journal intime animé d’une adolescente une envergure universelle, d’autant plus convaincante qu’elle ne cherche à aucun moment à épater artificiellement le spectateur.

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