Critique : Seul sur Mars

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Seul sur Mars

Etats-Unis, 2015
Titre original : The Martian
Réalisateur : Ridley Scott
Scénario : Drew Goddard, d’après le livre de Andy Weir
Acteurs : Matt Damon, Jessica Chastain, Kristen Wiig, Jeff Daniels
Distribution : 20th Century Fox
Durée : 2h22
Genre : Science-fiction
Date de sortie : 21 octobre 2015

Note : 3,5/5

Dans la science-fiction filmique, la fiction a souvent le dessus sur la science, comme si le besoin de divertir était plus primordial au cinéma que celui d’instruire. Le risque est toujours grand de dévier vers le langage d’une émission ludique sur les mystères de l’univers. C’est sans doute la raison pour laquelle peu de films se sont aventurés dans cette direction, quitte à diluer le message éducatif par le biais d’une explication farfelue. Ce fut le cas dans Mission to Mars de Brian De Palma, à l’intrigue plutôt semblable à celle de Seul sur Mars jusqu’à ce que les Martiens débarquent. Le pari de Ridley Scott est légèrement différent, puisque il fait l’impasse sur toute fantaisie extra-terrestre pour mieux se concentrer sur les efforts concertés d’une opération de sauvetage démesurée. Le rapport entre l’infiniment petit – un homme seul et abandonné sur une planète – et l’infiniment grand – les distances à parcourir en dépit de la fragilité du progrès technique accompli par l’homme – y joue alors un rôle moins important que l’optimisme étonnant grâce auquel la mission tient sur une durée importante. Contrairement à Gravity de Alfonso Cuaron, l’autre grand opéra de l’espace de notre époque, l’intensité dramatique est ici plus diffuse, quoique au moins aussi prenante que lors de la dérive en temps réel plus près de la Terre.

Synopsis : Dans un futur proche, la troisième mission de la Nasa sur Mars est depuis dix-huit jours sur la planète rouge, quand une tempête violente l’oblige à abandonner précipitamment ses recherches. Cinq membres de l’équipage réussissent à décoller in extremis, alors que le sixième, Mark Watney, disparaît dans l’ouragan. Les autres cosmonautes pensent qu’il est mort et entament leur retour sur Terre, où il est célébré comme un martyr. Or, Watney a survécu comme par miracle. Il arrive à rejoindre la base, encore fournie en vivres pendant quelques semaines, mais désormais dépourvue de moyens de communication avec la Nasa. Commence alors pour lui le combat difficile pour la survie dans un environnement hostile et à des millions de kilomètres de toute présence humaine.

Mr. Bricolage

L’aspect le plus ingénieux de Seul sur Mars est qu’il se concentre presque exclusivement sur le côté scientifique de l’aventure, sans pour autant paraître barbant ou trop théorique une seule seconde. Il aurait été facile, voire prévisible, d’explorer abondamment les abîmes psychologiques dans lesquels une telle situation plongerait un homme tout à fait seul. Le décor martien aurait pu devenir une prison suffocante pour l’âme et le corps dans une parabole sur les excès de la conquête spatiale entreprise par l’homme. Il n’en est strictement rien. Au contraire, le récit s’implique dans une frénésie optimiste, qui sonnerait certainement fausse et hypocrite si elle était exprimée avec moins de conviction. Une lueur d’espoir entoure en permanence le périple de cet homme, qui n’abandonne jamais. Car Mark Watney est le genre de héros à qui tout réussit, à l’exception du malheureux accident initial. Or, la mise en scène particulièrement adroite de Ridley Scott parvient à insuffler un pragmatisme salutaire dans ce genre de héroïsme radical. Bien que la mort ne guette réellement que quand elle est annoncée un peu trop platement, la course contre la montre reste haletante jusqu’à la fin dans ce bel hommage à la suprématie de la science et surtout à la coopération constructive entre des talents variés.

We are the world

Aussi ironique et téméraire l’interprétation de Matt Damon soit-elle, le protagoniste n’a rien d’un surhomme, capable de surmonter par ses propres forces les nombreux obstacles qui lui barrent la route vers un habitat plus adapté. La réussite de son expédition de sauvetage dépend d’une multitude de facteurs plus capricieux les uns que les autres. Le va-et-vient régulier entre Mars et la Terre enlève ainsi la sensation de huis-clos encore si redoutable dans le film précité avec Sandra Bullock. Ce que le récit perd alors en termes d’unité temporelle et spatiale, il le gagne souverainement du côté d’une structure narrative plus chorale. Les personnages secondaires disposent certes d’un arrière-plan personnel encore plus approximatif que Watney, mais comme lui, ils sont condamnés à l’action ininterrompue s’ils ne veulent pas être responsables de l’échec cuisant d’un projet scientifique plus important que la vie d’un seul homme. D’ailleurs, le détail le moins réaliste de l’intrigue nous paraît l’envergure gargantuesque de l’opération et la somme mirobolante qu’elle coûterait, le tout juste pour sauver un homme dont les chances de survie sont de toute façon minimes. Heureusement, il n’y a guère de place pour un tel cynisme ici, dans cet hymne formidable à l’ingéniosité et à l’altruisme humains. Soutenu par des prestations techniques sans faille, Ridley Scott le conte sur un ton joyeusement détendu, sans toutefois perdre de vue les implications plus existentielles de cette fiction, qui fait sans relâche la part belle à la science sous toutes ses formes.

Conclusion

Pour nous, le cinéma est une éternelle invitation au voyage. Rarement le dépaysement a été aussi revigorant que dans cette aventure spatiale, située si loin de nous et pourtant animée par un irrésistible esprit de résistance et de découverte. De la part d’un réalisateur septuagénaire, un film si moderne à la fois dans la forme et le propos relève sinon du miracle, au moins de l’exploit cinématographique hautement recommandable !

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