Critique : Steve McQueen : The Man & Le Mans

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Steve McQueen : The Man & Le Mans

Etats-Unis, 2015
Titre original : Steve McQueen : The Man & Le Mans
Réalisateur : Gabriel Clarke et John McKenna
Scénario : Gabriel Clarke
Intervenants : Neile Adams, Chad McQueen, Alan Trustman
Distribution : Marco Polo Productions
Durée : 1h42
Genre : Documentaire
Date de sortie : 4 novembre 2015

Note : 3/5

Quand on évoque de nos jours le nom de Steve McQueen, l’acteur américain et pas le réalisateur anglais, il nous fait penser aux films qui ont fait de lui le roi du cool et l’idole d’une génération entière. Ces histoires de voleurs, de policiers et de pompiers ont fait de McQueen l’une des plus grandes vedettes des années 1960 et ’70. Or, ce que l’on a tendance à oublier, c’est que sa carrière se compose essentiellement de deux parties, avec la production compliquée du film Le Mans comme point charnier entre elles. Cette épopée de course automobile n’a point marqué l’Histoire du cinéma et Steve McQueen : The Man & Le Mans ne prétend aucunement réécrire les annales du Septième art à ce sujet. Le documentaire procède davantage à une mise en perspective fort intéressante entre la passion de l’acteur pour les compétitions de bolides et sa lutte acharnée afin de la traduire dans un film, qui aurait dû être grandiose, mais qui a finalement été un échec relatif.

Synopsis : A la fin des années 1960, Steve McQueen est l’acteur le mieux payé de Hollywood. Ses derniers films, comme L’Affaire Thomas Crown et Bullitt, ont tous été des succès. A travers sa société de production Solar, il joue un rôle de plus en plus important dans le choix et la fabrication de ses films. Son nouveau projet de rêve, produit en association avec le studio indépendant Cinema Center Films, aura comme sujet la course d’endurance des 24 heures du Mans. L’idéalisme de Steve McQueen, qui venait de remporter un succès d’estime dans une course américaine, sera pourtant mis à rude épreuve quand la production de Le Mans s’enlise. Des problèmes dans sa vie privée ponctueront également ce passage à vide dans la carrière sinon exemplaire d’un acteur de légende.

Un rêve solitaire

Dans l’histoire hollywoodienne du siècle dernier, les exemples d’acteurs pris au piège de leurs ambitions démesurées ne manquent pas. Enivrées par leur succès devant la caméra, des vedettes comme Marlon Brando ou John Wayne ont tenté d’occuper des postes aussi décisifs du côté de la réalisation ou de la production, avec des résultats la plupart du temps décevants. La maladie de la confiance en soi hypertrophiée avait également atteint Steve McQueen au bout d’une décennie, qui l’avait vu monter imperturbablement les échelons de la hiérarchie des maîtres du box-office. Il n’était certes pas le seul à s’épanouir derrière le volant d’une voiture surpuissante, puisque Paul Newman fréquentait par exemple les circuits de course à la même époque. Mais à force de goûter à la drogue de l’adrénaline, l’acteur se sentait sans doute investi de la mission suprême de vulgariser ce sport par le biais d’un film hors normes. L’octroi autosuffisant du privilège de l’exclusivité se retrouve dans sa réaction face à la sortie de Grand Prix de John Frankenheimer, un divertissement spectaculaire qui, selon lui, serait néanmoins passé à côté de l’âme des vrais coureurs automobiles. Le documentaire de Gabriel Clarke et John McKenna ne passe nullement sous silence cet aspect peu glorieux de l’aventure, puisque l’exigence absolue de la part de McQueen de créer à travers Le Mans le film ultime sur son dada est pour beaucoup dans le déraillement irrémédiable du projet.

Pèlerinage sur le lieu du crime

Car aussi précis et sobre le fil conducteur du documentaire soit-il, le chemin de Steve McQueen vers l’accomplissement d’une idée illusoire est jonché d’épaves. Le ton n’a heureusement pas tendance à s’apitoyer sur le sort des participants, défunts ou présents dans un décor particulièrement dépouillé, alors qu’il y aurait eu largement de quoi entonner un chant nostalgique et funèbre autour de ce projet mort-né. Décédé en 1980 d’un cancer, l’acteur n’est plus là pour témoigner directement de son investissement fanatique dans la création de ce film en fin de compte mal aimé. Le choix de lui donner surtout la parole à travers des enregistrements sonores, retranscrits parfois à l’image, confère à ces interventions un petit côté de souvenir d’outre-tombe, comme si le fantôme de Steve McQueen hantait encore la genèse difficile de Le Mans. La plupart de ses collaborateurs et de ses proches ne sont pas non plus sortis indemnes de cette course à la perfection perdue d’avance. Leur corps et leur esprit portent encore les cicatrices de cette parenthèse bien intentionnée, quoique mal exécutée, dans un parcours autrement sans faille. Toutefois, l’aspect peut-être le plus saisissant du documentaire est qu’il épouse en quelque sorte la cause perdue de McQueen en ne cherchant à aucun moment à accomplir l’inatteignable. L’échec de Le Mans est avant tout dû à l’impossibilité de retranscrire réellement la sensation jubilatoire de la course à très haute vitesse en images cinématographiques. Un constat cuisant que ce film-ci ne s’efforce nullement de démentir.

Conclusion

Au fond, l’histoire de la production de Le Mans relève de l’anecdote, faute d’avoir abouti à un film mémorable. Ce n’est par conséquent pas tellement le résultat qui importe ici, mais le cheminement laborieux qui y a conduit. Steve McQueen : The Man & Le Mans n’est pourtant pas un making-of glorifié, mais une analyse poignante sur les limites du cinéma et les risques inhérents à un excès d’ambition et d’influence.

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