Critique : Samba

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France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Eric Toledano, Olivier Nakache
Scénario : Eric Toledano, Olivier Nakache, Delphine Coulin, Muriel Coulin, d’après l’oeuvre de Delphine Coulin
Acteurs : Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim
Distribution : Gaumont Distribution
Durée : 1h58
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 15 octobre 2014

Note : 3/5

Samba, c’est le nom d’une danse brésilienne mais aussi celui de cet immigré candide en situation irrégulière, interprété par Omar Sy qui retrouve les réalisateurs d’Intouchables, le deuxième plus gros succès de l’histoire du cinéma français après Bienvenue chez les Ch’tis.

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Synopsis : Le sénégalais Samba Cissé vit en France depuis dix ans et enchaîne les petits boulots de plongeur en attendant une réponse favorable à sa demande d’asile. Arrêté par la police, il se retrouve dans le centre de rétention de l’aéroport de Roissy sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. Il fait alors la rencontre d’Alice, cadre dynamique qui se remet d’une dépression nerveuse en devenant bénévole dans une association de défense de sans-papiers.

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Un conte de fées social trop léger

Omar Sy trouve le rôle le plus dramatique de sa carrière dans cette comédie sociale où les réalisateurs Olivier Nakache (frère de Géraldine pour ceux qui se poseraient la question) et Eric Toledano persévèrent dans leur envie de mêler satire de notre société et comédie populaire avec un ton qui leur appartient. L’humour dont fait preuve Samba, personnage positif et chaleureux, n’évacue pas la violence vécue par les immigrés clandestins, leur solitude (ce qui se ressent dans le beau personnage de l’oncle jamais intégré en plusieurs décennies de présence) ou la privation de libertés dépeintes avec une relative justesse malgré quelques écueils liés surtout à la tonalité trop légère. Malgré un réel talent dans l’écriture des dialogues, dans la caractérisation de certains personnages et la dimension semi-documentaire, leur regard optimiste sur le monde atténue la noirceur du sujet à ses dépends. Samba relève du conte de fées et certaines tragédies sont ainsi trop superficiellement croquées (l’agressivité de l’homme dont Samba séduit la ‘fiancée’). Le scénario capte tout de même justement cet élément peu flatteur de la société française où l’étranger peut devenir, doit devenir, un fantôme et se taire.

L’observation de l’association des sans-papiers reste superficielle ce qui, sur un tel sujet, est pour le moins maladroit et fait hérisser quelque poils. Tout cela est un peu trop gentil et naïf et rappelle le slogan ‘black, blanc, beur’ de l’après victoire en coupe du monde en 1998. En bref certains spectateurs vont prendre fait et cause pour les gentils immigrés et ensuite s’empresser d’acheter l’essai honteux d’Eric Zemmour dont le journal gratuit Metro reprend les propos suivants : ‘On nous sanctionne si l’on est trop machiste, trop raciste ou trop homophobe’. Encore heureux, a-t-on envie d’ajouter. Certes, ce n’est pas de la responsabilité des auteurs du film, mais en s’attaquant à un tel sujet (ou plus précisément à un tel cadre narratif dans lequel évolue leurs personnages), on ne peut s’empêcher de tisser des liens avec la France d’aujourd’hui telle qu’elle est et non telle qu’elle devrait être ou telle qu’on la rêve. Leur mise en scène de qualité correcte souffre de nombreuses lourdeurs de style comme la paranoïa de Samba dans le métro représentée par le regard appuyé des autres passagers.

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Une histoire d’amour pleine de charme

Le charme du film, car il en a, repose sur le duo amoureux qu’Omar Sy forme avec Charlotte Gainsbourg, rapidement une évidence. Leur premier échange de regards est joliment capté, chacun se regardant en douce comme malgré eux. En assistante sociale amateur qui ne parvient pas à garder la distance nécessaire, elle est délicieusement charmante. En femme usée et maladroite qui se laisse surprendre par ses sentiments pour cet inconnu, elle évoque son jeu fragile de l’Effrontée, loin des personnages plus forts qu’elle a récemment interprétés et nous rappelle même la soirée où elle remporta le César du meilleur espoir devant son célèbre père. Elle s’est éloignée depuis longtemps de cette touchante maladresse dans ses rôles, notamment depuis La Bûche de Danièle Thompson qui lui a permis de remporter le même trophée dans la catégorie du second rôle. Avec ce nouveau long-métrage, elle pourrait même devenir la première actrice à avoir remporté un César dans chacune des catégories d’interprétation. Elle est souvent drôle avec quelques bonnes répliques (j’ai du mal à dormir, surtout la nuit) énoncées de façon presque invisible. La timidité d’Alice est palpable, la nonchalance de Samba est parfois mise à mal par les menaces d’expulsion qui pèsent sur son avenir.

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Loin des drames qui l’ont révélé (Un prophète, Le passé, Grand Central… ), Tahar Rahim est Wilson, improbable brésilien sympa qui voit la vie du bon côté, la comédie lui va plutôt bien. Dans son premier rôle important depuis Mauvaise fille de Patrick Mille, la rockeuse Izia Higelin est une stagiaire expérimentée qui forme Alice et lui conseille sans réussite de conserver une distance qu’elle même finit par oublier. Ses fans ne devraient pas manquer la sortie de Fils de de HPG le 29 octobre pour une scène savoureuse. Enfin, Hélène Vincent est sa collègue, drôle membre de l’association un peu lassée de voir débouler la misère du monde dans son bureau.

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Comme pour Intouchables, la musique est de Ludovico Einaudi, l’atout émotion de cette comédie romantico-sociale. On entend ici entre autres son très beau thème Experience qui accompagnait voici quelques semaines le flash-forward dans Mommy de Xavier Dolan. S’il avait été oublié des neuf nominations aux César pour Intouchables, il devient le grand favori de la prochaine cérémonie avec cette très belle partition.

Résumé

Avec ce coup de foudre inattendu menacé par un contrôle d’identité, le duo de réalisateurs confirme qu’ils ont trouvé leur voie, celle d’un cinéma engagé bon enfant qui atténue exagérément l’enjeu de ses sujets par une légèreté excessive qui met parfois mal à l’aise, rassurante mais trop éloignée de la réalité. C’est du cinéma efficace, rassurant, loin d’être honteux mais victime d’une gentillesse qui atténue la critique sociale mais préserve charme délicat de sa partie romantique. Intouchables a atteint péniblement les 19 millions d’entrées (une déception, loin des 56 qu’il visait) et ce nouveau film, même s’il a peu de chances d’atteindre de telles hauteurs, devrait sans peine rendre de nouveau heureux ses producteurs.

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