Critique : Reservoir dogs

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Reservoir dogs

Etats-Unis, 1991
Titre original : Reservoir dogs
Réalisateur : Quentin Tarantino
Scénario : Quentin Tarantino
Acteurs : Harvey Keitel, Tim Roth, Michael Madsen, Chris Penn
Distribution : Metropolitan Filmexport
Durée : 1h39
Genre : Gangster / Interdit aux moins de 16 ans
Date de sortie : 2 septembre 1992

Note : 4/5

C’est ainsi que tout a commencé … Reservoir dogs est un premier film exemplaire qui laisse déjà présager l’œuvre à venir de Quentin Tarantino, tout en étant à lui seul une formidable épopée de gangster. Le réalisateur y accomplit même son plus grand tour de force : le récit sans fioriture va à l’essentiel, sans épuiser d’emblée le dictionnaire des références cinématographiques. Ce faux huis-clos évolue certes dans son univers singulier, mais la surenchère des citations plus ou moins directes ne se focalise pas encore exclusivement sur la quête presque névrosée de la jouissance cinéphilique. Il s’agit d’un film dense à la sécheresse narrative appréciable, qui contient d’ores et déjà les qualités indéniables du cinéma selon Tarantino sans pour autant en faire sa principale raison d’être. Bref, ce petit chef-d’œuvre nous rappelle magistralement pourquoi nous apprécions tant depuis près d’un quart de siècle les films de son réalisateur et, surtout, pourquoi nous ne perdons guère espoir qu’il saura tôt ou tard se renouveler, afin de nous surprendre comme lors de ses débuts brillants.

Synopsis : Le caïd Joe Cabot et son fils Eddie ont engagé six truands pour cambrioler une joaillerie. Afin de limiter le risque de reconnaissance mutuelle après les faits, les voleurs qui ne se connaissaient pas auparavant doivent tous porter des noms de couleurs. Quand le casse tourne à la fusillade, Mr. White et Mr. Orange, grièvement blessé, se réfugient les premiers au point de chute convenu, un hangar désaffecté. Mr. Pink les rejoint bientôt et commence à s’interroger sur le traître supposé qui aurait révélé leur plan infaillible à la police, arrivée trop rapidement sur les lieux du crime.

L’essence de l’arc-en-ciel

Produit dans un contexte économique très différent des conditions actuelles, Reservoir dogs est moins un représentant hors pair du cinéma américain indépendant du début des années 1990 qu’un film universel et donc intemporel. Le seul point de repère pour le dater tant soit peu se trouve du côté des comédiens, tous excellents et pratiquement tous au début de leur carrière, qui ne s’est hélas pas avérée trop impressionnante pour la plupart d’entre eux. Sinon, la narration de Tarantino y conjugue à la perfection le langage esthétique et dramatique du rapport direct, voire viscéral avec le spectateur. Une tension palpable parcourt le récit du début jusqu’à la fin, alors que la recherche fiévreuse de la taupe devient de plus en plus accessoire. A partir de la situation de crise initiale, rendue encore plus insoutenable par le décalage radical entre le bavardage détendu de la séquence avant le générique et la suivante, où les tripes du gangster sont étalées sur la banquette arrière de la voiture de fuite, le fil de l’intrigue est progressivement tissé et enrichi jusqu’à la conclusion sanglante. L’élégance suprême du style du film réside alors dans sa capacité à cacher les ficelles de la manipulation et d’accéder par la même occasion au niveau rare et précieux du cas d’école de film de genre.

Nullement comme une vierge

Quentin Tarantino a ainsi beau morceler l’histoire, par exemple en trois chapitres explicatifs sur les motivations des hors-la-loi, ou bien tester quelques pirouettes qui arriveront à la maturité ultérieurement, comme la blague des toilettes racontée par Mr. Orange dont on retrouvera indirectement le dispositif dans Pulp Fiction lors de celle autour de la montre héritée du père, dans l’ensemble, Reservoir dogs est d’une pureté formelle bluffante. La complaisance de l’érudition filmique et l’aventure parfois autosuffisante du décalage de ton n’y a pas encore pris le dessus, comme dans les films du réalisateur depuis le tournant du siècle. Ici, tous les éléments tendent vers une efficacité maximale, soutenue par une maîtrise précoce de la part de Tarantino des principaux moyens d’expression filmique. Or, l’aspect peut-être le plus séduisant du film est curieusement sa sobriété apparente. Celle-ci relève en fin de compte de la magie dont le réalisateur détient le secret, à savoir donner l’impression d’une fluidité née de la facilité, qui est en fait le fruit – acquis au prix d’un talent exceptionnel et d’un travail considérable – d’une volonté incessante de jongler avec le patrimoine du cinéma, d’où qu’il vienne.

Conclusion

Même si Quentin Tarantino n’avait fait que ce film de gangster parfaitement maîtrisé, il aurait mérité sa place dans les annales du cinéma. Ce n’est pourtant qu’une ébauche jubilatoire du potentiel qui allait se développer surtout dans ses deux films suivants, Pulp Fiction et Jackie Brown. Egalement grâce à l’interprétation sans faille de Harvey Keitel, Tim Roth et Steve Buscemi, Reservoir dogs reste en tout cas l’un des plus recommandables premiers films qui soient !

https://youtu.be/YNvLLKLwmwY

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