Portrait au crépuscule

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Portrait au crépuscule, l'affiche du filmPortrait au crépuscule

Russe : 2011
Titre original : Portret v sumerkakh
Réalisateur : Angelina Nikonova
Scénario : Olga Dykhovitchnaia , Anguelina Nikonova
Acteurs : Olga Dihovichnaya, Sergueï Borissov, Roman Merinov
Distribution : Rezo Films
Durée : 1h 45
Genre : Drame
Date de sortie : 22 février 2012

Globale : [rating:4][five-star-rating]

Le titre dit tout. C’est en effet un portrait sociétal d’une rare lucidité que propose la jeune cinéaste russe dont c’est le premier film. Et ce n’est rien de dire que l’ensemble a quelque chose de profondément crépusculaire, voire apocalyptique. Un cinéma sans concession qui ne s’embarrasse ni d’effets de manche ni de voyeurisme à deux roubles pour toucher, triturer le spectateur.

Synopsis : Marina, jeune et belle femme vivant dans un quartier plutôt chic d’une grande ville russe a tout pour elle. Un mari, un appartement, un bon boulot d’assistante sociale. Et un amant pour compléter le tableau de la parfaite femme épanouie. Après un rendez-vous avec ce dernier, une succession effrénée de déconvenues, du vol de son sac à l’arrachée au viol, la fait basculer. C’est le visage de la vraie Russie qui se dévoile alors au spectateur par le regard de cette héroïne pas comme les autres qui se livre à une vengeance inattendue…

Sans pitié

Filmé dans un décor on ne peut plus sordide d’une banlieue russe où, faute d’être réhabilités ou détruits, les bâtiments de l’ère soviétique n’en finissent pas de s’écrouler, ce premier film affronte et torpille à sa manière un pays, toutes époques confondues. La Russie, ce pays où l’on aime autant boire que chanter, où la corruption est un sport national jusque (et surtout !) dans les instances censées incarner un reste de rectitude et de déontologie. L’éternelle patrie des tsars, des poètes, des plus grands romantiques du monde est ici fracassée jusque dans son histoire. Car le déterminisme tragique du Russe et qui le poursuit depuis toujours ressurgit dans ces images. Un peuple soumis et qui tend la joue droite après avoir été cravaché sur la gauche et ne cesse de se repaître de nostalgie, adulant les « héros » qui l’ont laminé.

Le comportement du personnage principal qu’incarne avec une classe mêlée d’une folle désespérance la superbe Olga Dihovichnaya (également auteur du scénario) s’inscrit complètement dans cette logique qui échappe aux Occidentaux. Sans en dévoiler trop, disons qu’elle va tirer jusque dans leur dernière limite les ficelles de sa vengeance pour un final au fond terriblement romantique, mais de ce romantisme trop russe pour accéder à notre entendement.

Portrait au crépuscule, photo du film

Puissant mais sans voyeurisme

En optant pour la force suggestive de l’image, la cinéaste, sans jamais céder au voyeurisme, réussit un film d’une rare puissance, tant visuelle que narrative. Un film finalement très politique où la revendication prend ancrage dans la furtivité de certains plans, celui d’un appareil photo revendu le même prix qu’une course de taxi sauvage (1), celui d’une femme qu’on laisse tomber sans lui venir en aide. Dans la brutalité de son propos, la cinéaste va aussi régler quelques comptes avec la gent masculine. Dans ce pays où le machisme revêt les formes les plus insoutenables, elle dresse le portrait d’une guerrière et l’on ne peut s’empêcher de songer à l’Anna Karénine de Tolstoï, qui détonnera par son comportement au milieu d’une aristocratie corsetée par ses principes. L’aristocratie aujourd’hui n’intéresse plus personne et ce sont les nouveaux riches qui occupent le devant de la scène. Mais le combat de cette femme reste au fond le même. Simplement ses moyens de lutte ont changé…

(1) taxis sauvages : dans les pays de l’Est, l’autostop existe peu mais les automobilistes sont souvent interpellés pour servir de taxi dit « sauvage ». Le prix de la course se négocie alors âprement par rapport aux tarifs réguliers en vigueur.

Résumé

Un premier film très prometteur venu de Russie et qui la décrit avec un aplomb et une désespérance inouïs. Le genre de film qui laisse une trace. En plus d’un superbe portrait de femme, la cinéaste, sans féminisme, dépeint une société engluée dans un machisme d’un autre siècle. Un choc.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=YKrqDoEkX5M[/youtube]

1 COMMENTAIRE

  1. Bonsoir, je dois faire paraître un billet sur ce film qui n’est pas aimable. On ressent de la tristesse et de l’étouffement. C’est un film sans concession, pas aimable avec une actrice russe qui irradie de tout son charme. La vie en Russie ne fait pas envie du tout. On comprend que l’on puisse se saoûler à la vodka et fumer autre chose que du tabac. Le pays aussi triste que le climat. La ville où se passe l’histoire est débilitante. Bonne soirée.

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