Arras 2017 : Marvin ou la belle éducation

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Marvin ou la belle éducation

France, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Anne Fontaine
Scénario : Pierre Trividic et Anne Fontaine
Acteurs : Finnegan Oldfield, Vincent Macaigne, Catherine Salée, Grégory Gadebois
Distribution : Mars Films
Durée : 1h54
Genre : Drame d’adolescents
Date de sortie : 22 novembre 2017

Note : 2,5/5

Qu’est-ce qu’il est précieux, ce cher Marvin ! Sur une thématique qui aurait dû nous toucher profondément, la réalisatrice Anne Fontaine réussit en effet à nous concocter un film qui a au moins une dizaine d’années de retard sur son temps. Tandis que des récits édifiants à la Billy Elliot sur de jeunes homos persécutés chez eux, en province prolétaire, avaient encore de quoi passer pour progressistes au début du siècle, l’évolution sociale en Europe a depuis fait de tels progrès que ce chapitre essentiel de l’émancipation gaie semble désormais être clos, voire caduc. Ce qui n’empêche pas Marvin ou la belle éducation de nous ressortir impunément tous les clichés qui avaient jadis fait office de baume au cœur pour une minorité ostracisée. Car plus rien ne sonne vrai et frais dans cette odyssée d’un adolescent harcelé parmi les siens et par eux, qui voit son seul salut dans l’exode artistique à Paris. Le poncif par excellence de la fuite vers la métropole, où tous les styles de vie trouvent un terrain de jeu préservé, ne donne lieu ici qu’à une mise en abîme pareillement tortueuse, à travers laquelle les tourments du personnage principal sont sublimés de la façon la plus prétentieuse imaginable. Heureusement, l’aspect plutôt antipathique du protagoniste est tant soit peu relativisé par un groupe hétéroclite de personnages secondaires, qui font preuve d’une authenticité infiniment plus plaisante !

Synopsis : Marvin Bijou est le souffre-douleur de ses camarades de classe. Sa différence encore nullement assumée le prédestine à toutes sortes de harcèlements moraux et sexuels. A la maison, son père chômeur ne sait pas quoi faire d’un fils présumé pédé, pendant que sa mère ne lui prête guère attention. C’est son implication dans le groupe de théâtre de son école, qui lui donne envie de suivre sa voie et de monter d’abord en ville, puis à la capitale. Il y fait la connaissance de gens comme lui, tels que le metteur en scène Abel ou le mondain Roland qui l’emmène dans sa Jaguar. Or, pour vraiment se libérer de ses souvenirs douloureux d’une oppression au quotidien pendant son adolescence, il tente d’articuler son règlement de compte personnel par le biais d’un spectacle seul en scène.

Des pavillons délabrés des Vosges jusque sur la scène inondée de Paris, sans passer par Asnières

Quelle tristesse de voir que la prise de conscience de l’homosexualité chez les jeunes a à peine évolué en trente ou quarante ans, depuis la naissance d’une fierté collective en deux étapes cruciales : le mouvement d’affirmation gaie des années ’70 et l’épidémie du sida à partir de la décennie suivante. C’est en tout cas le constat que paraît établir Anne Fontaine avec son quinzième long-métrage. Dans le contexte quelque peu poussiéreux de Marvin ou la belle éducation, les mentalités n’ont nullement évolué, ni du côté des parents bornés, ni de celui d’une progéniture condamnée d’emblée au mutisme, si elle cherche à préserver sa différence. Le point de vue de la narration lorgne alors dangereusement vers la caricature involontaire. Celle-ci est truffée de passages obligés, comme la répétition pénible des sévices à l’école suite au rasage des murs sans succès de la part de la proie inévitable, les phrases toutes faites pour cantonner l’homosexualité dans le domaine de l’aberration des mœurs et même cette comparaison en guise de béquille psychologique sur l’impossibilité de l’enfant gay de chercher du réconfort auprès de sa famille, contrairement à une victime précoce de racisme. Surtout, le personnage de Marvin a l’air de se complaire un peu trop dans son rôle d’éternel incompris, en quête de réalisation de lui-même, quitte à faire dans la prétention à l’état pur, à l’œuvre lors de son spectacle, ainsi que dès les préparatifs de ce dernier, représentés par la projection des prises de sa vie de famille sur le mur devant lequel il rédige ses textes revanchards. Là où le jeune Jules Porier réussit encore à rendre Marvin passablement abordable en tant que point d’identification d’un calvaire que beaucoup trop d’homosexuels ont hélas connu intimement, le rôle de Martin interprété par Finnegan Oldfield est dès lors une figure parfaitement synthétique.

Si vous m’aimez, laissez-moi là

La délivrance de tant de souffrance affectée ne vient pas d’un sursaut de confiance et de courage, comme nous en avons l’habitude dans la pléthore de films semblables qui constituent une part essentielle du cinéma gay contemporain, mais de la variété et de la richesse des seconds rôles. En tête, ce père a priori indigne, un ours au cœur plus délicat qu’il ne paraît, à qui Grégory Gadebois confère une maladresse hautement touchante. Comparés à cette figure paternelle qui invite à la fois au rejet et à l’attendrissement, les autres personnages laissent forcément un impact moins profond. Il appartient toutefois à ces repères passagers d’instaurer une grille dramatique au sein du récit, grâce à laquelle le film dépasse le stade de la lamentation nombriliste. Aussi prévisible et en fin de compte ponctuelle l’attribution de leur fonction soit-elle, Charles Berling en gentleman séducteur, Catherine Mouchet en responsable pédagogique et mère de substitution, Vincent Macaigne en exemple à suivre dont les pieds d’argile n’apparaissent que tardivement, ainsi que Isabelle Huppert dans son propre rôle – fallait-il plus pour cimenter son rang de monstre sacré suprême du cinéma français ? – participent de concert à crédibiliser une histoire, qui n’aurait autrement été que l’enchaînement peu éclairé de préjugés timidement détournés. Cette réappropriation de la cause gaie par l’intermédiaire d’hommes et de femmes, qui réagissent par ailleurs plus qu’ils n’agissent, aurait alors presque de quoi nous réconcilier avec la démarche peu téméraire de Anne Fontaine.

Conclusion

Présenté en avant-première à l’Arras Film Festival, le nouveau film de Anne Fontaine arrive décidément trop tard : trop tard pour l’état d’esprit dominant en France qui ne voit heureusement plus une pierre d’achoppement dans les manifestations variées de l’homosexualité et avant tout trop tard pour le public visé en priorité par cette histoire bien intentionnée, de jeunes homos qui disposent de nos jours de supports sensiblement plus vigoureux et modernes pour construire leur identité gaie. Ce ne seront donc que de vieux nostalgiques un brin masochistes qui trouveront refuge dans ce pamphlet anachronique.

2 Commentaires

  1. Vous ne dites à aucun moment qu’il s’agit apparemment (pas encore vu) de l’adaptation d’un roman à succès récent (je vous laisse chercher). Doit-on conclure, vous ayant lu, que c’est vraiment génial d’être un jeune homo, en 2017, quand on vit dans un village des Vosges ou du Nord (oh, un indice !) ? Faut-il informer les bénévoles du Refuge que leur action est inutile, que le problème est désormais « caduc »

  2. Comment peut-on écrire une telle phrase: » jeunes homos qui disposent de nos jours de supports sensiblement plus vigoureux et modernes pour construire leur identité gaie. » Faut-il être totalement sourd et aveugle? Ou ne jamais sortir de son petit cénacle bobo! Je conseille à l’auteur d’aller faire une courte visite à l’association Le Refuge et juste d’écouter…

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