Il y a un an, à la rentrée 2015, l’Europe toute entière vivait au rythme fiévreux des flux migratoires apparemment sans fin, ni remède. Les préoccupations collectives ont migré depuis, prises dans un cycle électoral d’ores et déjà en surchauffe dans trois pays occidentaux majeurs, chez nous, chez nos voisins allemands et outre-Atlantique. Le temps de réaction du cinéma est comme souvent en décalage par rapport à l’actualité, grâce au délai en guise de recul, nécessaire à la machine de production cinématographique pour se mettre en marche. Deux des films de sortie en cette fin d’été nous rappellent pourtant que la crise migratoire est faite pour rester : ceux qui ont déjà réussi à franchir la barrière de la forteresse européenne peinent à s’y sentir comme chez eux, tel qu’il le montre le beau film espagnol Fronteras de Mikel Rueda, et les coups désespérés de ceux et celles qui tentent d’entrer après une odyssée périlleuse ne sont pas prêts à se taire, comme l’indique le documentaire La Mécanique des flux de Nathalie Loubeyre.
Or, la France de demain ne se prépare point à devenir une formidable terre d’accueil, bien au contraire. Le nihilisme fait même de plus en plus de disciples, à l’image des jeunes filles sans états d’âme dans le brutal Divines de Houda Benyamina, Caméra d’or au dernier Festival de Cannes, et la bande de malfaiteurs dans le nouveau film de Bertrand Bonello, qui a laissé complètement indifférent notre cher confrère Jean-Jacques. En effet, une lueur d’espoir se situe davantage ce mercredi sur les écrans qui projettent Le Fils de Jean de Philippe Lioret, un réalisateur pas étranger aux films à messages (Welcome), qui sait cependant faire preuve d’une subtilité appréciable du discours qu’il véhicule à travers ses films. Enfin, l’espoir placé en un leader politique n’a jamais été plus grand de notre vivant que lors de l’élection de Barack Obama à la présidence américaine il y a près de huit ans. Le mythe perdure par le biais de l’anecdotique First date de Richard Tanne, tandis que la triste réalité du pouvoir a depuis longtemps rattrapé celui qui s’était fait élire sur la promesse d’un changement radical.
Puis, les sorties de la semaine contiennent aussi leur lot conséquent de films à vocation commerciale. A ce niveau, nous préférons clairement les frasques musclées de Jason Statham dans Mechanic Resurrection de Dennis Gansel et la morbidité ironique de Un petit boulot du regretté Pascal Chaumeil au retour supposé de Mel Gibson dans Blood father de Jean-François Richet. Enfin, la seule reprise officielle du dernier jour du mois d’août, En quatrième vitesse de Robert Aldrich, fait partie de ces films considérés comme des classiques dont l’attrait nous laisse perplexe. Nous lui préférions donc aisément la réouverture de la Cinémathèque Française avec des rétrospectives Josef von Sternberg et Michael Cimino, le cycle François Ozon aux Fauvettes, voire la Semaine de la comédie organisée dans certaines salles UGC.
Blanka de Kohki Hasei (Italie, Drame, 1h15, distribué sur 14 copies) avec Peter Millari, Cydel Gabutero et Jomar Bisuyo
Blood father de Jean-François Richet (Etats-Unis, Action, 1h28, distribué sur 232 copies) avec Mel Gibson, Erin Moriarty et Diego Luna
Divines de Houda Benyamina (France, Drame, 1h47, distribué sur 193 copies) avec Oulaya Amamra, Deborah Lukumena et Kevin Misher (critique)
Le Fils de Jean de Philippe Lioret (France, Drame familial, 1h38, distribué sur 197 copies) avec Pierre Deladonchamp, Gabriel Arcand et Catherine De Lean
First date de Richard Tanne (Etats-Unis, Drame historique, 1h24, distribué sur 28 copies) avec Tika Sumpter, Vanessa Bell Calloway et Parker Sawyers
Fronteras de Mikel Rueda (Espagne, Drame, 1h36, distribué sur 22 copies) avec German Alcarazu, Adil Koukouh et Joseba Ugalde (critique)
La Mécanique des flux de Nathalie Loubeyre (France, Documentaire, 1h23)
Mechanic Resurrection de Dennis Gansel (Etats-Unis, Action, 1h42, distribué sur 212 copies) avec Jason Statham, Tommy Lee Jones et Jessica Alba
Nature morte avec des oranges de Dick Turner (France, Science-fiction, 0h50, distribué sur 9 copies) avec Frédéric Moulin, Laura D’Assche et Isabelle Ziental
Nocturama de Bertrand Bonello (France, Comédie dramatique, 2h10, distribué sur 103 copies) avec Vincent Rottiers, Finnegan Oldfield et Hamza Meziani (critique)
Olmo et la mouette de Petra Costa et Lea Glob (France, Documentaire, 1h25, distribué sur 13 copies)
Un petit boulot de Pascal Chaumeil (France, Comédie dramatique, 1h40, distribué sur 287 copies) avec Romain Duris, Michel Blanc et Alice Belaidi
Reprise
En quatrième vitesse (1955) de Robert Aldrich (Etats-Unis, Policier, 1h46, distribué sur 10 copies) avec Ralph Meeker, Maxine Cooper et Marian Carr