En cette semaine des Oscars, où le seul film américain d’envergure est l’œuvre d’un réalisateur au style clinquant nullement prisé par l’Académie, c’est curieusement un vent du Festival de Cannes qui souffle sur les sorties de ce mercredi. En effet, deux de nos trois coups de cœur y ont été sélectionnés à la Semaine de la Critique l’année dernière. De quoi patienter sereinement jusqu’à l’annonce des films retenus pour l’édition 2022, qui devrait avoir lieu dans trois semaines, le jeudi 14 avril.
C’est à une étude du mal que ces deux découvertes cannoises s’appliquent, chacune à sa façon, quoique avec une maestria filmique qui devrait vous inciter sans tarder à les regarder en salles. Dans Bruno Reidal de Vincent Le Port, il est question d’un fait divers du début du siècle dernier en guise de point de départ à une explication forcément incomplète des pulsions meurtrières du jeune protagoniste. Alors que dans le premier film égyptien Plumes de Omar El Zohairy, Grand Prix Nespresso de la Semaine, la magie prend un tournant vers l’étrange et un propos féministe à demi-mots. Enfin, Bouli Lanners parle-t-il bien l’anglais ? Tel n’est pas vraiment l’enjeu de L’Ombre d’un mensonge, son cinquième long-métrage comme réalisateur, dans lequel l’acteur interprète avec beaucoup de candeur un homme en voie de rétablissement d’une attaque cérébrale.
Deux ans après la première fermeture de nos chères salles obscures pour cause de pandémie, le programme des sorties hebdomadaires n’est toujours pas revenu tout à fait à sa composition d’avant. En dehors de l’absence ou en tout cas de la présence très discrète du cinéma américain, semaine après semaine, la bonne santé du genre documentaire est à noter. Car une fois de plus, vous aurez le choix entre pas moins de quatre films en quête de la vie réelle, traitant de sujets aussi divers et variés que la jeunesse hitlérienne, le handicap et la nature.
Peut-être le plus inclassable parmi eux est En nous de Régis Sauder. Dix ans après Nous Princesse de Clèves, le réalisateur revient à la rencontre de ses héroïnes d’antan pour un regard tout en nuances sur le temps qui passe et la vie qui continue. L’approche rétrospective est de même de rigueur dans Fils de Garches de Rémi Gendarme-Cerquetti sur les enfants malades de l’amyotrophie spinale, ainsi que dans Le Dernier témoignage de Luke Holland sur les souvenirs d’anciens membres de la jeunesse hitlérienne. Puisque l’auteur américain Jim Harrison nous a quittés il y a six ans, en mars 2016, ses monologues sur les grands espaces des États-Unis dans Seule la terre est éternelle de François Busnel et Adrien Soland résonnent forcément aussi un peu comme un hommage posthume.
Les autres films français à l’affiche dès aujourd’hui valent a priori surtout le détour en tant que plaisirs plus ou moins coupables. L’avis très mitigé de notre cher confrère Jean-Jacques sur La Brigade de Louis-Julien Petit nous fait craindre une avalanche d’humour sirupeux. Ce qui ne nous paraît guère plus édifiant que les images d’Épinal que Christophe Barratier a imaginées pour son adaptation de Marcel Pagnol dans Le Temps des secrets. Restent alors le thriller suffoquant Une mère de Sylvie Audcoeur dans lequel Karin Viard joue une mère vengeresse, l’incursion pas sans intérêt dans le département d’outre-mer de Mayotte dans Tropique de la violence de Manuel Schapira et le drame sur la guerre en Algérie De nos frères blessés de Hélier Cisterne.
Bref, il vaudrait sans doute mieux s’enthousiasmer devant la ressortie en copies restaurées de quatre films du début de la carrière de Jacques Doillon, concoctée par le distributeur Malavida. Ce n’est certes pas le réalisateur français le plus virtuose. Mais son thème récurrent de l’adolescence trouve quatre variations passionnantes dans les films sortis entre le milieu des années 1970 et celui de la décennie suivante que vous pourrez revoir dès à présent sur les écrans des meilleures salles de répertoire.
Ambulance de Michael Bay (États-Unis, Action, 2h17, distribué sur 430 copies) avec Jake Gyllenhaal, Yahya Abdul-Mateen II et Eiza Gonzalez
La Brigade de Louis-Julien Petit (France, Comédie sociale, 1h37, distribué sur 425 copies) avec Audrey Lamy, François Cluzet et Chantal Neuwirth (critique)
Bruno Reidal de Vincent Le Port (France, Drame judiciaire, 1h41) avec Dimitri Doré, Jean-Luc Vincent et Roman Villedieu
De nos frères blessés de Hélier Cisterne (France, Drame historique, 1h35) avec Vincent Lacoste, Vicky Krieps et Jules Langlade
Le Dernier témoignage de Luke Holland (Royaume-Uni, Documentaire, 1h35, distribué sur 6 copies)
En nous de Régis Sauder (France, Documentaire, 1h39)
Fils de Garches de Rémi Gendarme-Cerquetti (France, Documentaire, 1h26)
L’Ombre d’un mensonge de Bouli Lanners (Belgique, Drame, 1h39) avec Michelle Fairley, Bouli Lanners et Clovis Cornillac
Plumes de Omar El Zohairy (Égypte, Comédie dramatique, 1h52) avec Demyana Nassar, Samy Bassouny et Fady Mina Fawzy
Seule la terre est éternelle de François Busnel et Adrien Soland (France, Documentaire, 1h52)
Le Temps des secrets de Christophe Barratier (France, Comédie, 1h44, distribué sur 639 copies) avec Guillaume De Tonquédec, Mélanie Doutey et François-Xavier Demaison
Tropique de la violence de Manuel Schapira (France, Drame, 1h32) avec Gilles-Alane Ngalamou Hippocrate, Céline Sallette et Dali Benssalah
Une mère de Sylvie Audcoeur (France, Thriller, 1h27, distribué sur 111 copies) avec Karin Viard, Darren Muselet et Samir Guesmi
Reprises
Rétrospective « Jacques Doillon Jeune cinéaste » (1974-84) de Jacques Doillon (France) : Les Doigts dans la tête, La Drôlesse, La Femme qui pleure et La Vie de famille