Critique : Les Sorcières de Zugarramurdi

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Les Sorcières de Zugarramurdi

Les Sorcières de Zugarramurdi_afficheEspagne : 2013
Titre original : Las brujas de Zugarramurdi
Réalisateur : Álex de la Iglesia
Scénario : Jorge Guerricaechevarria, Álex de la Iglesia
Acteurs : Carmen Maura, Carolina Bang, Terele Pavez
Distribution : Rezo Films
Durée : 1h59
Genre : Comédie, Horreur
Date de sortie : 08 janvier 2014

3,5/5

Cinéaste espagnol récompensé à de multiples reprises, Álex de la Iglesia a su se démarquer au fil de ses films par un style imprégné d’humour noir, à l’écriture surprenante et originale portée par des personnages décalés. Son dernier film s’inspire du passé de sorcellerie hantant le village basque de Zugarramurdi pour nous offrir une comédie horrifique et fantastique.

La police aux trousses suite au braquage d’un magasin d’or, deux hommes et le jeune fils de l’un d’eux sont contraints de fuir vers la France à bord d’un taxi, avec leur butin. Mais sur leur route se dresse le village de Zugarramurdi, habité par des sorcières…

Les Sorcières de Zugarramurdi_toilettes

Humour noir et sanguin

Dès la scène de braquage initiale, Álex de la Iglesia instaure un rythme soutenu par la vivacité des dialogues et de l’action. Les plans sont rapides, la caméra est mobile et la mise en scène cultive habilement le suspense. Toute la séquence du vol jusqu’à la fuite en taxi est impeccablement orchestrée, les dialogues venant compléter l’action et non l’handicaper. Affublés de costumes de petit soldat et de Jésus pour le braquage – dénotant un courage artificiel qui ne les quittera pas -, les deux personnages constituent d’emblée un tandem comique à l’alchimie réussie.

Mais le revers de la médaille de cette entrée en matière fulgurante se traduit par une retombée de la tension dramatique, qui va alourdir le reste du film. Toutefois, aussitôt après le braquage, Álex de la Iglesia parvient encore à nous captiver par les dialogues entre les personnages, interprétés avec brio, prolongeant le dynamisme de la première séquence ; il profite du huis clos dans la  voiture pour donner lieu à des échanges savoureux, orientés principalement vers les femmes. On comprend rapidement par leurs conversations que les personnages masculins sont dépassés, des losers adultes à la naïveté enfantine, et que la rencontre avec les sorcières va donner lieu à une confrontation des genres. Le réalisateur fait cependant le choix intelligent de ne pas tomber dans une dichotomie simpliste et oiseuse entre homme faibles / femmes fortes, préférant le jeu plus délectable, énergique et visuel du chat et de la souris. Moins victime que pantin entre les mains des sorcières – incarnées surtout par un trio générationnel détonnant, proche d’un monstre à trois têtes -, le duo masculin n’inspire par conséquent jamais la pitié, l’humour noir faisant office de garde-fou. La sexualité et les genres sont passés au crible du rire – homosexualité, travestissement… -, ce qui induit parfois des situations forcées et redondantes, mais qui ont le mérite de n’épargner personne.

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A bout de souffle

On finit cependant par ressentir une impression d’égarement à mesure que l’intrigue progresse : à trop vouloir sourire de tout, on n’éclate plus de rire pour rien. La première partie, jusqu’à l’arrivée dans le village, est certes linéaire mais dément un dynamisme et une spontanéité diablement efficaces. Par la suite, malheureusement, la confrontation sur tous les plans entre sorcières / hommes aurait gagné à moins de lourdeur et plus de liberté. Dialogues omniprésents, personnages trop écrits, psychologie encombrante et prévisible ; la dynamique des gestes et des situations qui nous emporte dès le début perd de son intensité, notamment à cause d’un montage alterné qui rend la narration plus laborieuse. Le second degré qui parcourt tout le film est encombré de détails scénaristiques secondaires auquel le réalisateur s’efforce de donner de l’importance : citons cette histoire de cœur superflue aux mécanismes trop huilés pour séduire. Et on se rit rarement du prévisible, pire, il agace. Le film aurait peut-être gagné à poursuivre dans la veine absurde et jubilatoire du début, sans chercher la grandiloquence et les artifices scénaristiques.

Malgré ces défauts relevant plus du fond que de la forme, il faut par ailleurs souligner la qualité de la photographie, des costumes et des décors, qui apportent une remarquable identité graphique au film : la scène du rituel offre une montée en puissance spectaculaire qui nous fait oublier pendant un temps les faiblesses de l’écriture.

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Résumé

Conte cauchemardesque à l’humour noir corrosif, Les Sorcières de Zugarramurdi parvient à nous embarquer dans sa descente aux enfers et même à nous donner envie d’y rester. Dommage que l’écriture scénaristique et des personnages soit faillible, et que la comédie noire absurde que l’on pressent se terre derrière des ficelles déjà éprouvées.

Les plus :

L’Interview de Álex de la Iglesia.

Le Jeu Concours.

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