Interview de Xavier Gens pour The Divide

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Interview de Xavier Gens pour The Divide

Interview de Xavier Gens pour The Divide

A l’occasion du Festival du film fantastique de Gérardmer édition 2012, Critique Film.fr a eu la chance de rencontrer Xavier Gens pour la promotion de son nouveau film, The Divide. Aujourd’hui, quelques jours avant la sortie DVD de The Divide prévue pour le 1er Juin, nous vous révélons cet entretien. Attention l’interview comporte de nombreux spoile du film.


J : The Divide, ça a été un gros coup de poing, l’introduction m’a particulièrement estomaqué, c’est hyper efficace et ça pose d’entrée tous les enjeux du film en quelques minutes. Mais dans le contexte actuel, maintenant qu’on n’est plus en pleine Guerre Froide et qu’on ne vit plus dans la peur d’un conflit nucléaire entre les USA et la Russie, le spectateur peut se demander s’il s’agit réellement d’une guerre nucléaire, ou si on n’est pas plus dans le cadre d’une expérience, qui aurait visé à raser la ville de New York ?

Xavier Gens : Pour moi The Divide était une manière de traduire la peur qu’on a du terrorisme, le scénario reprend un peu un symbole du terrorisme. Imaginons qu’il y ait une attaque surprise, on ne sait pas par qui, on ne sait pas d’où ça vient.. Là, par exemple, si tout explosait à Gérardmer, on irait tous se cacher quelque part, sans savoir où on est-ce qu’on va, ni avec qui on y va, et on essayerait de réapprendre à survivre les uns avec les autres, sans savoir réellement ce qu’il s’est passé ni comment on en est arrivé là. Le film adopte vraiment ce point de vue, c’est à dire qu’on est témoins à travers Eva (nom du personnage principale, Ndlr) d’un incident nucléaire dont on ne connaît pas les responsables. Je ne voulais pas forcément donner la réponse, chacun est libre de son interprétation. Et puis on voit comment ce groupe d’individus va essayer d’apprendre à former une micro société dans cette cave.

 

Le fait que vous laissiez un certain mystère par rapport à « qui » et « pourquoi » explique le fait que vous ayez aussi peu exposé les militaires à l’extérieur ?

Pour moi les Azmates (nom donné aux militaires, Ndlr) sont censés être l’armée Américaine. Des scientifiques qui cherchent des survivants, et faute de ressources ils ne prennent que les enfants et les enferment dans des caissons cryogéniques pour essayer de les garder en vie le plus longtemps possible, pour un avenir meilleur si avenir il y a. Et finalement, les adultes survivants vont réagir assez mal à leur intrusion, et ça va tourner au vinaigre alors que les soldats sont là également pour piller la cave. On en voit par exemple un partir avec un bidon d’eau.

 

Le fait de devoir faire des choix dans des situations extrêmes est une thématique qui est très présente dans tes films, pourquoi ?

Pour moi c’est intéressant de voir ce qu’on pouvait faire, jusqu’où on pouvait pousser les acteurs dans ce type de situation, et c’est vraiment aussi le plaisir de travailler avec eux sur ce type de situation, c’est à dire qu’un acteur va prendre beaucoup plus de plaisir à essayer de trouver les subtilités de jeu dans ce genre de situations plutôt que dans une scène neutre, sans conflit.. Ce qui est intéressant, c’est de chercher des situations conflictuelle, et de toujours aller plus loin là dedans.

 

Vous parliez du terrorisme pour The Divide, et on se souvient de la montée du Front National dans Frontière(s). Est-ce que c’est important pour vous de faire ressortir les sujets de société ? C’est quelque chose de conscient chez vous ?

Je pense que c’est important. Au fond, tous les types qu’on admire, comme Romero, ont essayé de mettre ce genre de background dans leurs histoires, et c’est vrai que sur The Divide, c’était important pour moi d’essayer de montrer une sorte de symbole de la crise qu’on traverse en ce moment. Et finalement, cette explosion atomique, qui représente un conflit, pourrait bien être le symbole de la crise économique qu’on traverse actuellement, et nous montre ce qu’on détruit.

 

C’est quelque chose qui vient après que tu ais l’histoire ou c’est quelque chose qui..

(XG coupe) C’est plutôt quelque chose qui vient au moment où tu écris le film. Parce que cette histoire, pour toi, c’est l’occasion d’essayer d’amener un sous texte, et finalement le sous texte est important au début pour ensuite raconter l’histoire. Et globalement tu te dis : « si je ne raconte qu’un sous texte, ça va gaver les gens, mais si je ne veux vraiment raconter que mon sous texte, à ce moment là il faut que je fasse un documentaire… Donc je vais raconter l’histoire de gens qui s’entretuent dans un sous sol, les gens vont se dire  »ah ouais c’est bien, il nous fait un film d’horreur », je sais que je peux me faire financer pour ça, et derrière j’essaye de raconter autre chose. »

 

Interview de Xavier Gens pour The Divide

On parle de conflit, ça va d’ailleurs très loin entre certains personnages, celui de Marilyne (Rosanna Arquette) est particulièrement malmené par exemple. Comment est-ce qu’on persuade une comédienne comme elle de faire des trucs pareils ? Parce qu’honnêtement, ça va vraiment très très loin.

(En riant) On n’a pas vraiment à la persuader, c’est plutôt elle qui propose les choses de manière un peu automatique. Franchement moi je suis arrivé, sur le scénario il y avait déjà quelques situations écrites, et le problème de Rosanna c’est qu’elle est beaucoup plus généreuse qu’une actrice ordinaire, et forcément elle va arriver avec des idées auxquelles tu n’as pas pensé, en pensant qu’elle ne le fera jamais.. Et elle, elle le fait. Dans le script original, à un moment donné elle devait tâcher sa robe en mangeant des haricots, puis se nettoyer avec une bouteille d’eau, et elle devait se faire réprimander par Milo (Ventimiglia) parce qu’elle gâchait l’eau. Et là Rosanna est venu me voir et m’a dit « Tu sais, le coup des haricots sur la robe, c’est un peu puéril.. Moi je suis une femme, et une femme dans ma situation ça n’a pas de couche périodique, je pense que ça serait bien que j’aie mes règles devant eux. » Alors ça m’a un peu étonné, je lui ai demandé si elle le ferait devant eux et elle m’a répondu « Oui oui va me chercher du faux sang tu vas voir, on ne leur dit rien. ». Alors moi je fais mettre une caméra sur Lauren et une sur Ashton, qui sont des américains très conservateurs, très puritains, pour avoir leur réaction en direct. L’action commence, Rosanna sort sa main pleine de sang et commence à se laver, et Lauren (German) ne savait pas comment réagir : elle était choquée. Et quand tu vois son expression dans le film et celle d’Ashton Holmes, aucun ne savait pas comment réagir, ils étaient choqués, parce qu’ils ne savaient pas du tout que ça allait se produire. D’ailleurs quand ils sont sortis je me suis fait engueuler. (rires)

 

Il y a donc une part d’impro dans le film ?

Oui, il y a une grosse part d’improvisation dans le film. Toute la scène d’action ou vérité est improvisée, Michael Biehn a beaucoup improvisé son personnage.. En fait, ce qu’on faisait, c’est qu’on répétait en amont les scènes déjà écrites, et à ce moment là on leur disait « Si vous voulez improviser quelque chose allez-y », et j’avais mon scénariste avec moi qui notait ce qu’il y avait de mieux dans l’impro. On le réintégrait au script, et sur le plateau on le refaisait. Et si sur le plateau ils avaient d’autres idées, ils pouvaient improviser sur ce qu’ils avaient déjà improviser, et ça donnait plus de vie au film. D’ailleurs toute la scène de torture de Michael Biehn où ils lui coupent le doigt est simplement écrite, tout le reste autour c’est Milo et Michael qui ont tout  »drivé ». Ils ont poussé les autres à réagir.. D’ailleurs quand Lauren German insulte Milo, elle l’avait vraiment insulté parce qu’il avait énormément poussé, il lui avait entaillé le doigt involontairement avec le cutter… Il y a eu une grosse part d’impro, et il y a un truc dans le film qui est palpable. Les acteurs sont bien plus crédibles comme ça.

 

Il y a eu justement des choses qui ont influencé le scénario ?

Oui, par exemple le rapport entre Michael Eklund et Rosanna Arquette sur le tournage a influencé le script, parce que le personnage de Bobby ne devait pas se retrouver avec la robe de Marilyn après sa mort. Le matin où on tue Rosanna Arquette et où Michael Eklund se retrouve sans « sa poupée », il était réellement triste qu’elle quitte le tournage. Et il me dit « Il faut que je garde un souvenir d’elle ». Je lui ai répondu qu’elle était morte et qu’il fallait qu’elle parte, et il est revenu des loges avec la nuisette toute pourrie de 4 semaines de tournage, c’était génial ! Et il y a pleins de petits trucs comme ça, quand il mange son abricot c’était pas prévu du tout aussi.. En fait tu laisses de la liberté aux acteurs, et ils sont tellement mieux préparés que toi vis à vis de leur personnage qu’ils t’amènent des pépites. Alors on n’a pas tout gardé, mais il y a des fois où.. Toute la scène entre Sam et Bobby par exemple, il n’y avait qu’une ligne dans le scénario : Sam va chercher le pistolet. Et eux ils ont amené tout ce qu’il y a autour, ça vient vraiment d’eux. Et toutes ces petites choses enrichissent énormément le film.

 

Avez-vous l’impression que plus vous tournez, plus vous avez d’expérience, et plus vous vous permettez de laisser de la liberté aux acteurs ?

C’est important oui. Si tu regardes Frontière(s) par exemple, avec le recul aujourd’hui je me rends compte que les meilleures scènes du film, c’est celles où on a laissé de la liberté aux acteurs. Et avec The Divide j’ai vraiment compris ça, j’ai vraiment accepté de laisser de la liberté aux acteurs. Après faut quand même les diriger, à la façon d’un chien de berger, tu laisses tes acteurs gambader mais tu les encadres.

 

On va très loin dans l’horreur psychologique, mais visuelle également parce qu’ils sont obligés de démembrer des corps à la hache, mais..

Oui mais on ne voit rien.

 

Oui, on ne voit rien, on ne voit pas ça de front, mais il y a aussi l’hypothèse du cannibalisme dans le dialogue, ils parlent de cette affaire du crash etc.. Mais on en reste là. Est-ce que pour vous c’est une barrière qui avait été fixée, un tabou ou..?

On en a énormément parlé avec les comédiens, on aurait pu y aller, mais finalement on s’est dit que non. Moi j’avais l’impression de revenir en arrière, comme dans Frontière(s), mais j’avais peur que sans l’évoquer on me dise que je suis passé à côté. Donc on a décidé d’aller à la limite du cannibalisme, d’en parler, mais de ne pas le faire parce que les corps étaient pourris. Donc j’ai préféré ne pas y aller, et puis ça n’était pas le film. L’idée c’était la transformation de l’esprit, plutôt que se manger entre eux. D’un coup on aurait perdu en substance en fait. Et puis Rosanna mangeait déjà pas mal.. (Rires)

 

Frontière(s) était plutôt un petit budget, The Divide en est un aussi, et Hitman était plutôt un plus gros budget. Est-ce que c’est plus intéressant de bosser avec l’un ou avec l’autre ?

En fait quand tu as un gros budget, tu te retrouves avec un studio qui veut transformer ton film en produit, donc tout ce qu’on a déjà dit sur les acteurs tu ne peux pas le faire. Tu suis à la ligne le script, et même si tu trouves ça mauvais, tu ne peux pas le changer. Quand tu veux faire une modification, tu dois écrire à la Fox, qui le fait réécrire, qui le refait valider, et qui tu le renvoies.. Du coup pour changer une ligne de dialogue ça te prend une semaine, et sur un tournage tu n’as pas le temps. Donc tu tournes le film du studio, qui va sortir sa grosse pub, une grosse sortie US quoi, et tu fais pas forcément le film que tu veux. Mais maintenant que j’ai l’expérience de l’avoir fait, je me dis que si je dois le refaire maintenant, ça sera avec des gens avec qui je peux avoir un dialogue. Et avec qui on peut parler de création plutôt que de chiffres de box office. D’ailleurs sur The Divide c’était tout le contraire. Mes producteurs m’ont dit de faire ce que je voulais, on a travaillé sur le script, c’était l’histoire en priorité. Le script au début faisait 90 pages, à la fin il en faisait 117, et en comparaison, Frontière(s) et Hitman, au début on avait 120 pages, et à la fin ils n’en faisaient plus que 80. Tu vois tout de suite la différence de contrôle sur les deux films.

 

Quelque part, les « petits » films, c’est plus des films d’auteurs, non ?

Complètement. Parce que tu fais ce que tu veux, personne ne te dit quoique ce soit. Au montage, mes distributeurs américains m’ont dit « Mais il fait qu’1h45 (au lieu des 2h05 de la version finale), vous avez coupé quelque chose ? », et donc oui, pour que ça fasse 1h45 on avait enlevé toutes les scènes de viols, etc.. Et finalement on les a remise. (Rires)

 

D’accord. Et donc la version courte dont nous a parlé votre attachée presse c’est celle d’1h45 ?

Voilà, c’est ça. Et cette version ne verra finalement pas du tout le jour, il n’y aura que celle de 2h. Et j’en suis très content, c’est beaucoup mieux comme ça. Parce qu’au départ, quand on a tourné on n’avait pas de distributeur, on s’est fait financer de manière un peu indépendante. Et quand tu arrives avec ton film sur les marchés, il faut que tu trouves quelqu’un pour le montrer. Et si tu as un film qui fait plus d’1h45, tu as pas grand monde qui te l’achète, donc on a coupé des scènes. Et quand le distributeur américain nous l’a acheté, ils nous ont dit « Non nous on s’en fout, faites ce que vous voulez. ». Donc on leur a dit « Attendez, oubliez ce que vous venez de voir, on vous montre le vrai film. » et on a remis toutes les scènes.

 

Vous avez donc vraiment eu énormément de liberté sur ce film ?

Ah oui, c’est vraiment incroyable. J’étais le premier surpris, je ne m’attendais vraiment pas à ça. Sur le scénario ça faisait bizarre, sur le tournage encore plus… Le jour où je me suis dit que je ferai vraiment le film que je voulais, c’est quand on a eu la scène où Michael Eklund et Ivàn Gonzàles ont improvisé tous les deux, les producteurs étaient morts de rire et ont trouvé ça génial.

 

Ce n’est pas quelque chose qu’on peut prévoir, si ? C’est presque le hasard ?

C’est le hasard oui. Tu tombes sur des gens cool, qui comprennent le film que tu es en train de faire, et qui pensent comme toi. L’histoire est belle, et ça n’arrive pas tout le temps. C’est pour ça que je me dis bon.. J’en profite un peu avant de repartir affronter les affres des studios (rires).

 

En parlant de sortie, on en a parlé avec Camille (attachée presse, Ndlr) et apparemment le film sortira directement en DVD. C’est un peu dommage, on était tous surpris tout à l’heure parce que c’est quand même un film intéressant à découvrir sur grand écran.

En fait on fait ça parce que c’est mieux d’avoir une belle sortie DVD qu’une sortie salles bâclée. Quand tu vois les derniers films de genre sortis en salles en France, notre film sort en salles partout sauf en France, et ce n’est pas pour rien. Ici il y a beaucoup trop de films qui sortent, les exploitants ne jouent pas le jeu.. Là en sortant en France, le film aurait été interdit au moins de 16 ans, donc UGC par exemple ne l’aurait pas diffusé… Du coup les distributeurs se disent qu’en le sortant en salles on va faire des copies qui vont nous rester sur les bras, et que ça ne vaut pas le coup. Tant qu’à faire, on va mettre une grosse partie de la promo sur la sortie vidéo, et on va faire un peu comme pour Donoma, faire une tournée avec un bus et aller montrer le film comme au cirque. C’est à dire qu’on va donner des rendez-vous ponctuels deux ou trois mois avant la sortie du DVD, et comme ça tu peux faire une distribution salles de ton film avec quelques copies seulement. Les gens vont se déplacer pour le voir le week end où tu passeras dans leur ville, et donc tu sais que tu vas faire ton minimum d’entrées pour le minimum de copies que tu as. Si on sortait The Divide en salles normalement, ça serait entre 20 et 30 000 entrées, et ça vaut pas le coup. Quand tu fais le calcul, c’est mieux de cibler comme ça, et de laisser la meilleure chance au film en lui donnant un succès en tournée plutôt que de bâcler la sortie salles.

 

Et comment tu expliques qu’il faille trouver des solutions comme ça..?

Parce que les exploitants français ne jouent plus le jeu des films de genre. Une copie c’est 800€, nous quand on a sorti Frontière(s) on avait fait 200 copies, et on n’en a placé que 88. Ca fait 122 copies gaspillées, et 800 x 100 ça fait cher… Et la copie si elle ne va pas en salle, tu peux rien en faire. De toute façon il faut rentabiliser les films, et si les films ne voient pas le jour à un moment donné il n’y aura plus de films de genre, donc si on veut qu’ils marchent un peu, il faut trouver le média qui correspond le plus à la cible. C’est un vrai travail de marketing de trouver les bons partenaires. Les films de genre quand tu les présentes à Gérardmer c’est un public averti, ils sont là pour ça, les salles sont blindés. Mais quand tu sors le film en salles, c’est différent. Par exemple Tucker & Dale sort en salles en France. Je suis super surpris, parce qu’il y aura 10 personnes par séances. Les séances seront toutes étalées, et t’auras à chaque fois 10 – 15 mecs dans la salle, du coup le nombre de séances va baisser et on va se dire « C’est un échec, les salles sont vides ! ». Alors que si tu concentres tes séances sur un week end avec trois projections, avec des salles pleines de 500 personnes qui vont voir ton film d’un seul coup, tu es sûr que ton film est considéré comme un succès. Parce qu’au lieu de faire 5 – 6 séances vides par jour, t’en as fait 3 pleines sur un week end. Ca vaut plus le coup, c’est un vrai calcul du distributeur.

Et puis il faut s’appliquer, un film c’est 2 ans de ta vie, il faut trouver le meilleur moyen de le présenter aux bonnes personnes. Je vois pas la ménagère de moins de 50 ans aller voir The Divide au cinéma par exemple. Elle va au cinéma, Intouchables ou The Divide… Le choix est vite fait.

 

Interview de Xavier Gens pour The Divide

Tu ne crois pas qu’on a raté le coche il y a quelque années ? Parce qu’il y a eu 800 000 entrées pour Promenons-nous dans les Bois, le Pacte des Loups qui a aussi cartonné… Enfin ça aurait été aux USA il y aurait déjà eu Le Pacte Des Loups 2, 3, 4…

Non je ne pense pas. Je pense que grâce au Pacte des Loups et à Promenons-nous dans les Bois on a eu Haute Tension, grâce à Haute Tension on a eu Maléfique, et puis grâce à ça on a eu Ils, Frontière(s), Sheitan, Martyrs… Et moi je le vois quand je voyage avec le film, les films de genre français sont hyper reconnus. On est beaucoup plus financés qu’à l’étranger, et je ne pense pas qu’on ait raté le coche parce qu’on a vraiment quelque chose qui est en train d’émerger. Il faut continuer parce que ça cartonne en DVD, il ne faut pas regarder que les chiffres salles, qui peuvent être faibles, alors qu’en DVD et à la télé ça cartonne. Canal + sont ravis ! Donc les films sont vraiment appréciés, faut juste qu’on replace les choses dans le bon ordre. C’est à dire que des magasines comme Mad Movies ne communiquent que sur l’aspect négatif de ces films, et je trouve ça vraiment dommage parce que ce sont des films qui ne rencontrent vraiment leur public qu’une fois qu’ils sont en DVD. C’est à dire que les gens ne vont pas se payer une séance à 10€ pour un petit film de genre quand à côté tu peux voir Avatar. C’est vraiment des aficionados qui vont aller voir des films de genre en salle. Mais après, en DVD ça marche très bien. C’est quelque chose qui se passe plutôt bien, il faut que des producteurs continuent d’y croire et que des réalisateurs continuent de vouloir faire des films comme ça. Moi je pense qu’il y a un bel avenir. C’est juste la manière dont on communique sur l’échec de ces films de genre français qui est faux, parce qu’au final avec un point de vue extérieur, quand tu regardes les chiffres, à l’étranger ça cartonne, à la télé et en DVD ça cartonne.. Donc ce ne sont vraiment pas des échecs.

 

Et pourquoi n’y a-t-il pas de suite alors ?

Il y a des suites. Il y a des suites. Et puis il y a des films qui sortent. D’ailleurs l’année dernière on a 5 ou 6 films de genre, français, qui sont sortis en France.

 

Oui, mais les budgets plafonnent, ça n’avance pas.

Moi je pense qu’on est sur-financés en France.

 

Ah oui ?

Oui, vraiment. Quand on parle avec les anglais ou les espagnols, ils hallucinent. Quand on voit que eux font leur film avec 2 ou 300 000€. C’est simple, en Angleterre c’est 1,5 à 2M€ le prix moyen d’un film de genre. En France on va jusqu’à 10 – 15M€. On est vraiment sur-financés. Et quand eux ils n’arrivent pas à dépasser les 1,5M€, ils nous demandent comment on fait pour avoir autant de sous. Et quand on voit ce que les Espagnols se font pour une misère, c’est que les films français sont trop ambitieux par rapport à leur sujet, par rapport à leur budget. Il faudrait faire des films entre 500 000€ et 1 000 000€, où on réfléchit avec une unité de lieu, de temps, des personnages définis, c’est un peu le principe d’un film de genre, et tu essayes de faire ça comme ça, plutôt que de faire un film qui demande trop de moyens, qui va sembler  »cheap » à l’arrivée et qui finalement va sembler moyen parce qu’il n’y avait pas assez de financement par rapport à l’ambition du film. Donc tu as tapé le plafond maximum pour le type de budget possible en genre, mais comme tu fais un truc encore plus gros… La Horde par exemple, c’est un film qui aurait dû se faire pour le prix de Rec, c’est à dire 800 000€. Rec ça cartonne, c’est hyper efficace, et ça fait pas  »cheap ». La Horde, y’a un truc qui fait  »cheap » dans le film. Il a coûté 2,5M€, et il fait  »cheap ». Pourquoi ? Parce qu’il est trop ambitieux. Il y a un moment donné où il faut rabaisser les ambitions du film pour les ramener à la hauteur du budget. Et s’ils avaient fait un petit polar nerveux avec un peu moins d’ambition et de personnages, tout le monde aurait crié au génie. Et le truc, c’est qu’ils ont voulu faire un Shaun of the Dead avec le budget de La Nuit des Morts-Vivants. Donc c’est ça le vrai problème. Moi je pense qu’il y a un vrai avenir, et je suis assez confiant. Surtout qu’on a une chaîne de TV qui finance. On est le seul pays au monde à avoir une chaîne de TV française qui donne de l’argent pour faire des films d’horreur.

 

Il faudrait une sorte de producteur qui connaisse bien le genre, histoire de cadrer le cinéma de genre…

Le problème c’est qu’il n’y a pas de producteur qui connaisse bien le genre. Le soucis est là. Les producteurs qui l’ont fait l’ont fait par opportunisme, et ils ont pas su encadrer les réalisateurs et ils ont pas su financer le développement. Le développement c’est l’écriture du scénario et de tout ce qu’il y autour du script. Et c’est des mecs qui sont chauffeurs de taxi, ils écrivent leur script quand ils ne bossent pas, et ils font leur film quand ils font leurs piges de taxi. Et ça donne pas un bon film. Faut que le mec il soit payé pour écrire et qu’il ait que ça à faire. Le fantasme de « Ah, ils font du cinéma ils sont blindés ils s’éclatent », mais pas du tout. (Rires)

 

Et puis faire un film ça prend du temps…

Oui, ça prend énormément de temps. Ca prend minimum 2 ans.

 

On a parlé tout à l’heure du travail avec les comédiens, maintenant est-ce qu’en tant que réalisateur tu as eu des défis de mise en scène à relever ? C’est un huit clos, on connaît tous la contrainte d’espace que cela implique…

A un moment donné il y avait un truc que j’avais vraiment envie de faire. Au début du 3ème acte, c’est le seul moment où Eva décide réellement de prendre une décision. Et l’idée c’était de marquer le fait qu’elle prend cette décision par un plan qui monte dans les tuyaux et qui la suit. Le point de vue donné par la caméra est un peu le point de vue de Dieu sur son destin, vis à vis de cette décision. Je dirai que c’est le seul petit défi de mise en scène vraiment compliqué. Après, tout le reste était plus du confort, tu as le temps d’explorer les choses parce que tu n’es que sur un seul décor. Tu as le temps d’y réfléchir, de te dire « Ah tiens, ça je ne l’ai pas fait.. », et tu peux profiter de ton décor au maximum.

 

Le sous sol est quasiment un personnage à part entière non ?

Oui. Oui, on en a beaucoup parlé avec Tony Noble, le  »production designer », qui a designé tout le film Moon. C’est un vieux monsieur qui a une énorme culture hyper pointue… D’ailleurs il a fait la Maman dans Alien par exemple. Et c’est un mec avec qui tu parlerais des heures de design. C’est lui qui a fait les costumes des Azmats avec les rideaux de douche par exemple. Il arrive avec ses idées, il nous dit « Je ne veux pas que les mecs soient là juste avec leurs gilets blancs et leurs masques à gaz, c’est trop léger, si on peut faire autre chose c’est mieux. Attends, j’ai une idée, tu vois ce rideau de douche ? » et puis il commence à mettre un bagpack, un casque… et j’ai trouvé ça génial ! Il a amené énormément de choses comme ça sur le décor, il a eu de très bonnes idées.

 

Où s’est tourné le film ?

A Winnipeg, au Canada. Comme il faisait -30° on n’avait rien d’autre à faire que faire le film. Les acteurs ne faisaient que ça. Le matin ils se levaient, il faisait très froid, donc ils restaient dans la salle de gym et ils courraient, et ils ont fait que ça pendant les 31 jours de tournage. (Rires)

 

31 jours ? C’est presque court pour faire un film non ?

Ça s’étale sur 6 semaines, mais la différence avec la France c’est qu’au Canada tu as 12h de jour au lieu de 8. C’est l’équivalent d’à peu près 40 jours français. C’est pour ça qu’ils arrivent à faire des films avec des budgets un peu moindre. Ils travaillent plus longtemps au quotidien.

 

Et le budget du film était de..?

4 millions de dollars Canadien, ça fait à peu près 3 millions de dollars US, dont 2,5 qui viennent des parents du stagiaire régi. (rires)

 

Vraiment ?

Oui oui, vraiment. C’est un truc de fou en fait. Une semaine avant le tournage on construit le décor, et là l’assurance qui s’assure qu’on va bien pouvoir aller jusqu’au bout commence à douter. Ils finissent par nous dire qu’on ne va pas y arriver, en disant que notre plan de travail n’est pas réaliste… Ils se retirent, et tous les financiers suivent. Du coup on avait tout le décor sur les bras, qui a coûté 500 000$, on avait le studio à payer, l’équipe qui est sur place, les acteurs qui sont sur place… Et on doit commencer le film. Le producteur nous dit qu’il faut tout arrêter, et là on a le stagiaire régi qui se plaint : « C’est mon stage de Printemps, vous ne pouvez pas me faire ça.. Parlez-en à mes parents ! » On en parle à ses parents en leur disant qu’il nous manque 2,5 millions, et ils nous les ont donné. (Rires)

 

Comme quoi, il faut prendre des stagiaires ! (Rires)

Oui, et il faut bien les traiter ! (Rires)

D’ailleurs la pire journée de ma vie c’est quand M. Eklund oblige I. Gonzales à lui faire une fellation. On avait les parents du stagiaire derrière le combo qui regardaient. Je sors du studio et je les vois là à regarder ce qu’on fait. J’avais trop honte, j’ai demandé à ce qu’on coupe le combo.. Ils investissent beaucoup d’argent sur un film où t’as deux mecs habillés en transsexuels qui se tripotent (rires).

 

Au bout du compte, est-ce qu’ils sont satisfaits du rendu ?

Ils sont vraiment ravis.

 

Et en dehors des libertés laissées aux acteurs, qu’est-ce que tu as appris d’autre au bout de 3 films ?

Hmm.. Simplifier le découpage technique je dirai. Sur Frontière(s) et sur Hitman je perdais trop de temps à chercher des plans, ou à trop découper des séquences qui au bout du compte ne le méritent pas. La règle principale, je pense, c’est de garder le point de vue sur une scène, mais le plus longtemps possible sans sur-découper.

 

Quand tu parles de point de vue, tu peux préciser ?

Le point de vue par exemple dans The Divide, c’est 5 minutes de plan séquence qu’on aurait pu découper en 15 plans différents. Au lieu de filmer la découpe d’un corps, on a décidé de le faire en une prise, et la caméra va dans le couloir et reste sur les autres. Quand j’ai proposé ça à la prod’ ils voulaient une scène gore, mais je pense que c’est plus gore de l’entendre sans le voir. Et puis c’est des petites choses comme ça qui te font gagner du temps.

 

Comment des comédiens comme Michael Biehn et Lauren German sont-ils arrivés sur le tournage ?

On a envoyé le script à leurs agents, on les a rencontré et ils ont accepté, tout simplement.

 

C’était ton choix de prendre ces comédiens là ?

En fait c’était Robert Patrick qui devait jouer le rôle de Micky. Mais au moment où on a dû arrêter le film, a été obligés de renoncer. Du coup on est allés chercher Michael Bean, et c’est à ce moment là qu’il a accepté. Mélissa George devait faire le rôle de Lauren German et a dû partir aussi. Et au final on y a gagné je trouve, Melissa George était peut-être un peu trop âgé par rapport au rôle, et Lauren tu la mets devant une caméra et tu vois tous les techniciens qui n’en pouvaient plus… (Rires)

 

A la projection presse il n’y avait pas que les techniciens qui n’en pouvaient plus.. (Rires)

(Rires) Et pourtant elle est toute frêle, mais elle a un truc, elle a une présence. Elle apporte énormément au film.

 

La fin de l’enregistrement étant perturbée par les bruits d’une projection dans la pièce d’à côté, la retranscription coupe un peu subitement, mais l’essentiel est là. Une fois l’entretien terminé, les interviewers passent de journalistes à fans après avoir remercié Xavier Gens. Les carnets passent entre les mains du réalisateur qui les signe avec plaisir, et quelques photos plus tard tous sortent de la salle satisfaits du moment qu’ils viennent de passer. Critique Film.fr remercie sincèrement Xavier Gens pour le temps qu’il a su nous accorder et lui souhaite bonne continuation.

Pour lire la critique de The Divide, cliquez ici

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=hFK6J4v6mTM[/youtube]

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