Intégrale Claude Berri #08 : Un moment d’égarement (1977)

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Un moment d’égarement

 
France : 1977
Titre original : –
Réalisation : Claude Berri
Scénario : Claude Berri
Acteurs : Jean-Pierre Marielle, Victor Lanoux, Agnès Soral
Durée : 1h25
Genre : Drame, Comédie
Date de sortie cinéma : 21 décembre 1977

Note : 5/5

Un moment d’égarement débarque sur les écrans à l’hiver 1977. Une date importante pour Claude Berri : on est pile dix ans après la sortie de son premier long-métrage, Le vieil homme et l’enfant. Et comme s’il avait pris conscience que cet « anniversaire » devait marquer un cap dans sa carrière, il signe à cette occasion ce qui s’impose, peut-être, comme le meilleur film de toute sa filmographie. En tous cas, il est certain que Claude Berri, visiblement réconcilié avec les années 70, a clairement trouvé ici la recette miracle, entre justesse d’écriture, alchimie des acteurs et profondeur des thématiques…

 

 

Synopsis : Deux vieux copains, chacun accompagné de leur adolescente de fille. Jacques, venu avec sa femme, entretient des relations apparemment détendues avec sa fille Françoise. Pierre, divorcé, tente de maintenir sur sa fille Martine une tutelle autoritaire qui déclenche quelques heurts. Une nuit, Françoise se jette dans les bras de Pierre qui se réveille au matin amant de la fille de son meilleur ami…

 

 

Pour autant, le schéma narratif au cœur d’Un moment d’égarement n’a rien de révolutionnaire. Au contraire, on frôle même le vaudeville. En effet, le scénario en épouse la structure : d’abord l’exposition, histoire de faire connaissance avec les quatre protagonistes principaux : les deux pères et les deux filles. Puis, l’événement brutal : le personnage de Jean-Pierre Marielle se fait carrément violer par la fille de son copain, incarné par Victor Lanoux. En résultent donc de la gêne et des quiproquos en pagaille, qui vont aller crescendo jusqu’au final du film, à mesure que le personnage de Victor Lanoux apprend ce qui s’est passé, puis l’identité du coupable. Les films français tournant autour de la figure de la « lolita » ne sont pas légion – on notera d’entrée de jeu le courage de Claude Berri de traiter ce thème de façon si ouverte et si libre.

La tendresse et l’absence de jugement vis-à-vis des personnages a toujours été au centre du cinéma de Berri, et constitue même ici une des plus grandes forces d’Un moment d’égarement. Bien sûr, le film est drôle, mais les sentiments des protagonistes ne sont jamais ni ridiculisés ni tournés en dérision : si le spectateur rit, parfois nerveusement, c’est surtout de l’embarras du personnage incarné par Marielle, de son jeu de cache-cache avec celui de Lanoux. On n’y repérera en revanche pas la moindre condamnation morale, ni psychologique : même si elle est parfaitement consciente de la portée de ses actes, il y a dans le personnage de Françoise, incarné par une Agnès Soral alors toute jeune et débutante, toute la simplicité et la candeur sans arrière-pensée d’une jeune fille de dix-sept ans. A contrario bien sûr, du côté des deux pères, on percevra tout l’inconfort déjà relevé au cœur du personnage de « Claude » au centre des films précédents de Berri : des personnages remplis de complexes, de refoulements, probablement typiques des quarantenaires de l’époque, payant le prix d’être nés trop tôt et d’avoir déjà largement dépassé le stade de l’adolescence au moment du grand bouleversement des mœurs de la fin des années 60.

Un moment d’égarement dresse donc le portrait de deux générations avec une justesse absolue. Si bien sûr on suppose que le film relève de la fiction pure, il y a dans cet état des lieux et dans la description de ces relations pères / filles de la fin des années 70 probablement beaucoup des angoisses de Claude Berri. S’il n’apparaît cette fois pas dans le film, on devine qu’on le retrouve à la fois dans les personnages de Marielle et Lanoux. Il est à la fois Marielle, le père sévère qui réprime et refuse que sa fille devienne une « femme » tout en cédant aux avances de la fille de son pote, et Lanoux, le père « copain », laxiste et ouvert au dialogue, tant que sa fille lui en parle avant de passer à l’acte. On retrouve donc Berri à la fois dans l’un et l’autre des personnages, mais force est de constater qu’au final, tous deux s’avèrent aussi dépassés l’un que l’autre, hors du coup, pitoyables et mal dans leur peau – alors même que leurs filles affichent, quant à elles, la liberté sereine de leur jeunesse…

 

 

Conclusion

Réussite incontestable et intemporelle, Un moment d’égarement constitue l’un des sommets de la carrière de Claude Berri cinéaste. On notera par ailleurs que le film a fait l’objet de deux remakes : le premier était américain et signé Stanley Donen (La faute à Rio, 1984 – avec Michael Caine, Joseph Bologna, Michelle Johnson et Demi Moore), tandis que le second était français et réalisé par Jean-François Richet (Un moment d’égarement, 2015 – avec Vincent Cassel, François Cluzet, Lola Le Lann et Alice Isaaz). Mais bien entendu, rien ne vaut le film original…

 

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