Critique : Divines (Deuxième avis)

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Divines

France, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Houda Benyamina
Scénario : Romain Compingt, Houda Benyamina et Malik Rumeau
Acteurs : Oulaya Amamra, Deborah Lukumuena, Kevin Mischel
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 1h47
Genre : Drame / Interdit aux moins de 12 ans
Date de sortie : 31 août 2016

Note : 3/5

Ce premier film, lauréat de la Caméra d’or au dernier Festival de Cannes, n’y va pas par quatre chemins pour évoquer le destin tragique d’une jeune rebelle de la banlieue parisienne. Divines est en effet un film plein de rage et de fureur, qui n’a nullement peur d’insister sur les aspects extrêmes du sort de sa jeune héroïne, quitte à faire appel à des dispositifs formels d’une certaine gravité pesante. Cette vision personnelle d’un cadre de vie hostile est tout à l’honneur de la réalisatrice Houda Benyamina, qui s’engage corps et âme dans ce conte sournoisement apocalyptique sur les laissés-pour-compte d’une société à plusieurs vitesses. Les chemins vers la rédemption sont en effet étroits pour des personnages cruellement en panne de repères sociaux, susceptibles d’alimenter autre chose que l’appât du gain sous sa forme la plus radicale. Cette radicalité se retrouve certes du côté de la mise en scène, plus à l’aise lorsqu’il s’agit d’exacerber le trait du malaise existentiel que dans de rares moments de répit plus constructifs. Mais dans l’ensemble, l’emprise du récit est suffisamment forte pour nous faire sortir comme lessivés de cette histoire proche d’un cri du désespoir.

Synopsis : En situation d’échec scolaire et dépitée par sa mère alcoolique, la jeune Dounia rêve de faire carrière dans l’univers des petites combines criminelles de son quartier. Accompagnée en toute circonstance par sa meilleure amie Maimouna, elle propose ses services à Rebecca, une dealeuse respectée. Alors qu’elle monte rapidement les échelons dans l’organisation, elle tombe sous le charme de Djigui, un danseur sur le point de percer dans le milieu professionnel. Celui-ci s’entraîne sur la scène du théâtre municipal dans les combles duquel Dounia et Maimouna cachent leur trousse de guerre.

La réussite du clitoris

Les hommes ne jouent aucun rôle décisif au fil de l’intrigue de Divines. C’est tout juste s’ils font figure d’objet de fantasmes commandé à la baguette, tel le danseur ou le copain de Rebecca, des personnages qui n’existent qu’en tant que corps physique qui s’offre avec plus ou moins de réticence au regard des filles adolescentes. Ou bien, ils constituent l’ultime obstacle avant l’épanouissement matériel – le caïd aux milliers d’euros cachés chez lui – et l’affranchissement moral, mis en question par le regard d’une tristesse absolue avec lequel le père de Maimouna espère en vain interpeller Dounia à chacun de ses méfaits. Pour le reste, ce sont les femmes qui font la loi, investies non pas par un quelconque vestige du féminisme revendicateur d’antan, mais par le droit de celui qui ose demander sans gêne. On cherchera ainsi en vain une éventuelle délicatesse féminine dans cet affrontement de tigresses, peut-être jamais plus insoutenable que lors d’une séquence au début du film, où le personnage principal crache tout son dépit à la figure de la prof, simplement désemparée face à tant de haine.

La victoire au visage tuméfié

Le problème, c’est que toute cette énergie négative devra trouver tôt ou tard un chemin d’évacuation explosif. Les choix formels de la réalisatrice se montrent alors moins précis, dans une surenchère de l’engrenage qui s’articule au niveau sonore par un recours trop systématique aux thèmes les plus pompeux de la musique classique et qui agence sinon le film selon un schéma tragique assez prévisible. Chaque morceau du puzzle s’apparente à une mauvaise décision prise par Dounia, qui devra donc payer le prix fort pour autant d’insolence débridée. La direction prise par le ton du film, toujours plus grave et toujours plus dramatique, se solde en fin de compte par un déséquilibre préjudiciable, puisque l’alternance entre l’obscurité omniprésente et un soupçon de lumière n’y est plus tellement respectée. Heureusement, l’interprétation à fleur de peau des jeunes actrices Oulaya Amamra et Deborah Lukumuena préserve tant soit peu la sincérité de cette histoire, qui ne sait pas toujours faire preuve de finesse.

Conclusion

Les chaînes d’info ont tendance à l’oublier, mais les banlieues françaises sont en feu et en sang. C’est en tout cas le constat que l’on pourrait tirer de ce premier film admirablement vigoureux. Même s’il se permet certaines libertés narratives un poil tendancieuses, Divines est le genre de film coup de poing qui laisse espérer de beaux lendemains pour la carrière de sa réalisatrice débutante. A condition que Houda Benyamina sache affiner son style tout en restant fidèle à l’intensité fiévreuse de son regard sur un sujet, a priori déjà abordé à satiété !

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