Dinard 2019 : The Keeper

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The Keeper

Allemagne, Royaume-Uni, 2018

Titre original : The Keeper

Réalisateur : Marcus H. Rosenmüller

Scénario : Nicholas J. Schofield & Marcus H. Rosenmüller

Acteurs : David Kross, Freya Mavor, John Henshaw, Harry Melling

Distributeur : –

Genre : Biographie filmique

Durée : 1h59

Date de sortie : –

3/5

On n’en est qu’à notre deuxième film pendant notre séjour au Festival de Dinard, mais d’ores et déjà de légères tendances se profilent au sein de la sélection. D’abord, d’un point de vue formel, il s’agit de films grand public, inscrits dans la tradition pas spécifiquement britannique, mais néanmoins travaillée avec passion outre-Manche, de récits épiques, qui tentent de transposer d’une façon largement accessible des destins d’individus isolés dans le cadre d’une nation toute entière qui retient son souffle avec eux. Puis, du côté du fond, une étonnante fierté s’y fait jour, comme si l’idéal britannique, droit dans ses bottes et animé par une solidarité sans faille, avait besoin d’être rappelé à la mémoire des spectateurs du pays malmené depuis des années par les convulsions du Brexit. Dans The Keeper, une co-production avec l’Allemagne, ce qui n’arrange en rien d’éventuels problèmes en termes d’agilité du trait, il est ainsi question d’un ancien prisonnier de guerre, au passé trouble qui le hante à intervalles réguliers, grimpant progressivement l’échelle de la reconnaissance dans son pays d’accueil, un revers tragique à la fois. En effet, la mise en scène de Marcus H. Rosenmüller n’évite pas toujours un certain pathos, sans doute incité par la biographie mouvementée de son héros d’en faire un exemple démesuré de la réconciliation entre peuples ennemis. Il en résulte un film au rythme ample, quoique pas excessivement mélodramatique, qui ne trahit pas pour autant la leçon de modestie et d’intégration volontaire que l’on peut tirer du parcours de ce gardien de but, obligé de se réhabiliter à la dure.

© Parkland Entertainment Tous droits réservés

Synopsis : Fait prisonnier vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemand Bert Trautmann est reçu avec une haine féroce par ses geôliers anglais. Afin de gagner quelques cigarettes de contrebande, il fait des paris avec les autres prisonniers sur des penalties à tirer sur le but qu’il garde stoïquement. C’est ainsi que l’épicier Jack Friar, l’entraîneur du club de foot local, fait attention à lui et finit par l’engager comme remplaçant de son propre gardien de but, guère sérieux. La différence sur le terrain se ressent de suite et Friar s’arrange avec le commandant du camp de prisonniers, afin de faire plus régulièrement appel à Trautmann, qui s’entraîne désormais tout en travaillant dans le magasin de son bienfaiteur. La fille de ce dernier, Margaret, voit d’un mauvais œil cet élan de fraternité intéressée avec l’ennemi, alors que les craintes et les privations causées par la guerre ne sont pas prêtes à s’arrêter.

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Remettre l’oiseau en bois dans sa cage

Est-ce que le manque de popularité toute relative du cinéma britannique prend son origine dans le fait que l’évolution de cette cinématographie nationale se fait à une vitesse très modérée ? En effet, que ce soit le premier film vu à Dinard cette année, Red Joan de Trevor Nunn, ou celui-ci, il est fort à parier que le traitement de leurs histoires respectives n’aurait guère été différent il y a dix, vingt ou même trente ans. De cette fidélité aux recettes éprouvées découle certes une sensation de réconfort, pas sans intérêt dans un monde aux multiples bouleversements. Elle nous prive en revanche de quelque surprise, positive ou négative, que ce soit, condamnant tôt ou tard le cinéma à la dissolution dans la médiocrité ennuyeusement prévisible, d’ores et déjà à constater du côté des films qui sortent directement sur les plateformes de vidéo en ligne. Heureusement, on n’en est pas encore tout à fait là et il serait injuste de faire porter à The Keeper le chapeau exclusif de tant de consensus formel et discursif. Car dans les limites d’une histoire contée selon les règles de l’art édifiant, il s’acquitte plutôt bien de la tâche de montrer que la renaissance de la paix en Europe n’était point une mince affaire au milieu du siècle dernier. Les préjugés y étaient à fleur de peau, non pas à cause d’un excès de richesse matérielle et d’une pénurie de valeurs idéologiques, comme c’est le cas aujourd’hui, mais parce que tout un chacun portait dans sa propre chair les séquelles du terrible conflit. C’est à ce niveau-là que le récit s’avère le plus poignant et le plus juste dans son refus d’enjoliver artificiellement le traumatisme récent d’une guerre meurtrière.

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Aux grands hommes la patrie reconnaissante

Les choses se gâtent par contre, dès que l’intrigue célèbre sans retenue les exploits sportifs du protagoniste. Titubant de victoire en victoire sur le terrain de foot – sur toute la durée du film, Trautmann semble arrêter des centaines de tirs et n’en laisser passer que deux ou trois –, l’Allemand en quête de rédemption fait preuve de tant de zèle que seule sa vie privée pourrait éventuellement le freiner sur sa route vers l’immortalité dans le cœur des fans du ballon rond. Et évidemment, son existence hors des stades était marquée par un nombre si élevé de contretemps tragiques qu’on aurait pu en faire deux ou trois films à la progression dramatique parfaitement maîtrisée. A force de vouloir tous les inclure, la mise en scène tend à surcharger la barque, à indiquer que le sort s’acharne presque contre raison sur ce pauvre homme qui, tout en étant conscient du rôle douteux qu’il jouait pendant la guerre, n’en demandait pas tant. Pour conférer une sorte de logique psychologique à ces événements néfastes, Marcus H. Rosenmüller n’a rien trouvé de plus évocateur que le souvenir autour du ballon du gamin en Ukraine, retravaillé à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’on soit le plus près d’une réalité de toute façon lourdement romancée. Et c’est là que le film se conforme le plus paresseusement au catalogue des conventions de la biographie filmique, à savoir l’impératif de dessiner d’un seul trait les nombreuses facettes contradictoires de la vie d’un homme.

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Conclusion

Et de deux pour des films vus pendant ce festival, qui demeurent plaisants à regarder, en dépit de leurs défauts manifestes. The Keeper répond présent à toutes les appréhensions en termes de clichés sur la difficile réconciliation entre Anglais et Allemands dans l’immédiat après-guerre. Il y parvient cependant avec ce qui s’apparente à un optimisme communicatif, porté également par les interprétations charmantes de David Kross et de Freya Mavor. L’emploi de Gary Lewis, dans le rôle de l’entraîneur de Manchester City, convaincu de la pertinence de la présence de Trautmann dans son équipe, reste par contre hautement superficiel, tel un écho lointain des rôles infiniment plus vigoureux qu’il avait interprétés auparavant.

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