De retour en salles au mois de février 2023

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L’Aventure de Mme Muir © 1947 20th Century Fox / Swashbuckler Films Tous droits réservés

On ne peut qu’admirer la belle symétrie de ce mois de février 2023 en termes de ressorties en salles. En toute logique, nous n’aurons droit qu’à quatre mercredis de sorties en ce mois le plus court de l’année et pourtant, ces quatre semaines seront remplies de découvertes et de retrouvailles de premier ordre ! La forme joliment régulière de l’agenda des sorties vous donnera un peu de répit au début et à la fin du mois, avec respectivement un seul film à l’affiche de vos salles de répertoire les 1er et 22 février. Or, au cours des deux semaines centrales, il sera quasiment impossible de refaire intégralement sa cinéphilie grâce à la trentaine de films proposés dans de belles versions restaurées.

L’immense, l’incontournable, l’inespéré morceau de résistance sera évidemment l’intégrale (ou presque) de la filmographie du maître Bertrand Tavernier. Deux autres cinéastes reçoivent de même l’honneur d’une rétrospective partielle : Orson Welles et Jeanne Moreau. Puis, vous aurez aussi l’occasion de recroiser d’autres cinéastes plus ou moins indispensables tels que Joseph L. Mankiewicz, Louis Malle, James Cameron, Duccio Tessari et George A. Romero.

Devant la caméra, de grands noms se bousculeront soit sous forme documentaire à travers le regard inquisiteur de Delphine Seyrig sur le métier d’actrice dans les années 1970, exprimé à travers les propos francs d’actrices de légende comme Juliet Berto, Ellen Burstyn, Marie Dubois, Louise Fletcher, Jane Fonda, Maria Schneider et Barbara Steele. Soit dans des scénarios ayant marqué l’Histoire du cinéma avec Gene Tierney et Rex Harrison, Kate Winslet et Leonardo DiCaprio, Romy Schneider et Anthony Perkins, ainsi que le gratin du cinéma français chez Tavernier.

Daddy Nostalgie © 1990 Jeanne-Louise Bulliard / Cléa Productions / Little Bear / UGC / Tamasa Distribution
Tous droits réservés

Tout Tavernier

Annoncer une intégrale, puis relativiser tout de suite la chose en ajoutant un « presque », cela pourrait avoir tendance à minimiser le travail colossal fourni par le distributeur Tamasa. Car en fin de compte, seuls trois films du regretté Bertrand Tavernier (1941-2021) en sont exclus : Voyage à travers le cinéma français, La Passion Béatrice et Autour de minuit. A savoir que ce dernier avait d’ores et déjà bénéficié d’une ressortie pas plus tard qu’en novembre dernier. Sinon, toutes les œuvres pour le cinéma de ce réalisateur hors pair y sont. Ce qui fait 22 films au grand total, depuis L’Horloger de Saint-Paul en 1974 jusqu’à Quai d’Orsay en 2013 ! 39 années foisonnantes de cinéma à revoir dès le 15 février. Avec toujours le même dilemme que cette offre hautement exemplaire est hélas trop riche pour la regarder en intégralité avant qu’elle ne disparaisse de l’affiche des salles du Quartier latin à Paris ou ailleurs en province au bout de deux ou trois semaines …

D’abord Philippe Noiret, puis Philippe Torreton et Jacques Gamblin : Bertrand Tavernier a tenu dans presque tous ses films à dresser le portrait d’une masculinité constamment tiraillée entre force et faiblesse. Peu importe le cadre historique dans lequel ses personnages évoluent, il y est presque toujours question d’un mal-être, sans que l’on ne puisse considérer Tavernier comme un réalisateur pessimiste. Pour cela, sa maîtrise et son amour du cinéma sont beaucoup trop enracinés dans une vision à la fois ironique et engagée du monde d’hier et d’aujourd’hui. Est-ce que ce point de vue va jusqu’à un militantisme féministe, comme le prétend la bande-annonce du cycle ? Malgré les prestations impressionnantes de Romy Schneider, Isabelle Huppert, Sabine Azéma, Jane Birkin, Sophie Marceau, Marie Gillain et Mélanie Thierry, permettez-nous d’en douter. Mais c’est aussi à cela que peut servir la ressortie d’une manière si privilégiée d’une filmographie, de se refaire une nouvelle opinion globale à son sujet, quelques années après son achèvement.

A noter que cette rétrospective splendide coïncide avec celle à la Cinémathèque Française à Paris du mercredi 15 février au dimanche 5 mars.

Lumière © 1976 Nicole Brun / Orphée Arts / Tritone Cinematografica / France 3 Cinéma / Carlotta Films Tous droits réservés

Jeanne Moreau, cinéaste

Comme si le cinéma français n’était pas déjà assez mis à l’honneur le 15 février, Carlotta Films nous sort le même jour l’intégrale d’une réalisatrice infiniment plus confidentielle que Tavernier. En tant qu’actrice, Jeanne Moreau (1928-2017) fait définitivement partie du panthéon du cinéma mondial. Toutefois, ce que les admirateurs de ses interprétations dans Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle et Jules et Jim de François Truffaut ne savent pas forcément, c’est qu’elle s’était de même essayé à trois reprises à la mise en scène, entre 1976 et 1984. Là aussi, le fait de ressortir ces films assez obscurs permettra de se faire une idée sur la carrière de Jeanne Moreau derrière la caméra, peut-être trop vite abandonnée.

Pour son premier film, Lumière, elle reste en quelque sorte en terrain connu, puisqu’elle y évoque le quotidien de quatre comédiennes amies dans une véritable ode à la solidarité féminine. La notion guère plus universelle de l’éveil des sentiments à l’âge de l’adolescence est au cœur de L’Adolescente avec Simone Signoret en mamie provinciale et un tout jeune Jacques Weber. Enfin, direction le documentaire pour le troisième film de Jeanne Moreau dans lequel l’actrice interroge sa consœur légendaire Lillian Gish dans son appartement à New York au cours de l’été 1983, moins de dix ans avant la disparition de l’icône du cinéma muet américain.

Le Procès © 1962 Roger Corbeau / Paris-Europa Productions / Finanziari Cinematografica Italiana / Hisa Film /
Potemkine Films Tous droits réservés

Orson Welles X 2

A quand une véritable rétrospective digne de ce nom de l’un des plus grands réalisateurs de l’Histoire du cinéma ? La nature très hétéroclite de la filmographie de Orson Welles (1915-1985) y est probablement pour quelque chose dans la ressortie plutôt sporadique de ses films. Estimons-nous donc heureux que le distributeur Potemkine nous en présente à nouveau deux à partir de mercredi prochain, le 8 février. Et pas des moindres soit dit en passant, puisque Le Procès et F for Fake nous plongent corps et âme dans l’univers mi-cauchemardesque, mi-espiègle du réalisateur de Citizen Kane.

Pas non plus complètement sorti de l’actualité ces derniers temps, grâce à Netflix et son coup double de la restauration de De l’autre côté du vent et du film de David Fincher Mank sur le scénariste du chef-d’œuvre du maître, Orson Welles a su se renouveler maintes fois au cours d’une carrière en dents de scie. La production européenne Le Procès, d’après Franz Kafka bien entendu, lui avait permis par exemple de réunir en 1962 un casting de premier ordre. Anthony Perkins, Jeanne Moreau – encore elle – et Romy Schneider y sont au service d’un univers oppressant, mis en scène magistralement par Welles. Onze ans plus tard, F for Fake, au titre initial français de Vérités et mensonges, appartient à ce drôle de genre de la docu-fiction dans lequel le magicien amateur se fait un malin plaisir de brouiller les pistes.

L’Inde fantôme © 1969 Nouvelles Éditions de Films / Gaumont / Malavida Films Tous droits réservés

Louis Malle en Inde

Trois mois après la première partie de la grande rétrospective Louis Malle orchestrée par Malavida Films, êtes-vous impatients d’en découvrir la suite ? Ce sera chose faite à partir du 8 février, jour de la sortie du documentaire fleuve L’Inde fantôme tourné par le réalisateur au cours d’un long voyage sur le sub-contient. Il vous restera donc exactement une semaine avant la déferlante Tavernier pour une partie de dépaysement garantie en sept épisodes et autant d’heures. Reste à savoir en combien de séances les salles de répertoire vont programmer cette série à l’origine conçue pour la télévision, qui représente une étape fondamentale et charnière dans l’œuvre de Louis Malle. Le plaisir de la découverte d’un pays lointain à une époque qui ne l’est pas moins peut par ailleurs être prolongé à travers une exposition organisée avec le soutien de la Cinémathèque Française à partir de leur fonds d’archives Louis Malle, à la disposition des exploitants qui souhaitent l’afficher.

Les deux prochaines étapes de la rétrospective « Louis Malle Gentleman provocateur » sont pour l’instant prévues pour le mois de mai avec Lacombe Lucien, Au revoir les enfants et Milou en mai, puis avec ses films étrangers Black Moon, Atlantic City – Lion d’or au Festival de Venice en 1980 –, My Dinner with André et Vanya 42ème rue à la rentrée.

Big Guns Les Grands fusils © 1973 Pathé Films / Mondial Televisione Film / Les Films du Camélia Tous droits réservés

Amour et décomposition

Six films restent au menu de ce mois de février amplement fourni en belles ressorties. Parmi eux, deux jouent la carte du romantisme à quelques jours de la Saint-Valentin. Face au rouleau compresseur Titanic de James Cameron, qui tentera certainement à partir du 8 février de répéter l’exploit commercial de la ressortie d’Avatar à la rentrée dernière, permettez-nous d’opter sans trop d’hésitation pour le bien plus subtile et intimiste L’Aventure de Mme Muir de Joseph L. Mankiewicz, de retour à l’affiche dès aujourd’hui. L’amour fantastique entre les personnages interprétés par Gene Tierney et Rex Harrison convient en effet mieux à nos états d’âme actuels que le spectacle tonitruant dans lequel s’étaient engagés Kate Winslet et Leonardo DiCaprio il y a un quart de siècle.

Le cinéma de genre n’est pas trop en reste puisque vous aurez le choix au fil des semaines, du 8 au 22 février, entre le drame poisseux Noir et blanc de Claire Devers, Caméra d’or au Festival de Cannes en 1986, le thriller mafieux Big Guns Les Grands fusils de Duccio Tessari avec un Alain Delon arrivé alors à l’apogée de sa gloire et enfin l’œuvre matrice des films d’horreur tels qu’ils continuent à faire recette jusqu’à ce jour avec La Nuit des morts-vivants de George A. Romero. On se réjouit de revoir cette production foncièrement indépendante dans de bonnes conditions techniques, ce qui n’est hélas pas donné à tous les films tombés dans le domaine public.

Inutile de s’attendre à de la haute définition pour le film peut-être le plus atypique de ce programme mensuel de ressorties. De toute façon, la vraie valeur de Sois belle et tais-toi ! de Delphine Seyrig, au cinéma à partir du 15 février, réside dans la franchise avec laquelle les actrices interrogées dressent le bilan de leur rôle de femme dans le milieu machiste du cinéma. Déjà un documentaire choc à l’époque de sa sortie au milieu des années ’70, il est à craindre qu’on y retrouve bon nombre de méfaits sociaux qui ont malheureusement su résister à l’épreuve du temps et à l’évolution des mœurs.

La Nuit des morts-vivants © 1968 Image Ten / Studiocanal / Les Acacias Tous droits réservés

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