Critique : Vaurien

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Vaurien

France : 2020
Titre original : –
Réalisation : Peter Dourountzis
Scénario : Peter Dourountzis
Interprètes : Pierre Deladonchamps, Ophélie Bau, Sébastien Houbani
Distribution : Rezo Films
Durée : 1h35
Genre : Thriller, Drame
Date de sortie : 9 juin 2021

3.5/5

Diplômé de l’Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle en 2002, Peter Dourountzis était particulièrement intéressé par les rapports hommes-femmes, non pas dans le cadre de la relation amoureuse mais dans celui de la prédation. Conscient du fait  que de nombreux prédateurs sexuels étaient des SDF, il s’est engagé au SAMU Social, ce qui lui a permis de fouiller dans leur logiciel et de consulter les dossiers de Guy George et de Mamadou Traoré. Sa hantise que l’on y voit une glorification des actes d’un tel individu a fait obstacle durant de nombreuses années à son désir de réaliser un film ayant comme « héros » un prédateur sexuel. Comme il avait pris goût à ce qu’il faisait au SAMU Social, il y est resté 15 ans. Et puis, son désir de faire du cinéma est revenu. Après la réalisation de quelques court-métrages, Vaurien est son premier long-métrage et il fait partie de la liste « Sélection Officielle du Festival de Cannes 2020 ».

Synopsis : Djé débarque en ville sans un sou, avec pour seule arme son charme. Il saisit chaque opportunité pour travailler, aimer, dormir. Et tuer.

Un être malsain

Que peut bien rechercher cet homme qui indispose une jeune femme dans un train et qui, face au contrôleur, confesse n’avoir ni papiers, ni identité ? Il a bien un nom, toutefois : Djé, un homme qui sort de prison et qui veut se rendre chez Miguel, un ami. Ce que le film nous montre avant tout, c’est un homme qui pourrait paraître plaisant au premier regard et qui s’avère malsain au second. Un homme qui cherche le contact, mais dont on sent qu’il prend du plaisir à déranger, principalement s’agissant des femmes, un homme dont l’intelligence se complet dans la perversité, un SDF qui refuse l’aide de la maraude sociale : « Vous m’avez pris pour un clochard, j’suis pas à la rue ». Maya, une jeune femme au caractère très fort, va croiser sa route. Cette ancienne étudiante en sociologie fait de la maraude sociale et, loin de rester insensible au charme particulier mais indéniable de Djé, elle va l’introduire dans un squat. Mais elle-même ne serait-elle pas différente de ce qu’elle nous montre ?

Même si on ne ressent guère de sympathie pour cet homme qui, lui-même, n’a aucune empathie pour celles et ceux qu’il croise, on n’arrive que tardivement et difficilement à comprendre que Djé est autre chose qu’un être désagréable et malsain, qu’il est, en fait, un tueur en série. De temps en temps, Peter Dourountzis nous octroie quelques signaux minuscules allant plus loin que le sentiment d’ambigüité ressenti dès le début. L’un de ces signaux est plus fort que les autres : lorsque Djé retire une bague d’une main inerte.

Un « monstre » insoupçonnable

Faisant sien avant l’heure ce cri du cœur d’Adèle Haenel : « Les monstres ça n’existe pas. C’est notre société. C’est nous, nos amis, nos pères ». Djé est blanc, il est séduisant, il est quadragénaire, tout est réuni pour le rendre insoupçonnable. Pour des spectateurs qui veulent absolument ranger les films dans des « cases » bien précises, Vaurien risque de leur poser un problème : ce n’est pas vraiment un thriller, ce n’est pas vraiment un polar, ce n’est surtout pas un film d’horreur, Peter Dourountzis s’étant refusé à filmer les agressions commises par Djé. En fait, on sent le réalisateur très inspiré par ce qui est la marque de fabrique de Michaël Haneke : faire un film dérangeant sur la violence physique sans jamais montrer d’actes réellement violents, un film qui se caractérise avant tout par la tension qu’il dégage. Quant aux lieux dans lesquels se déroule l’histoire et à son environnement social, il est évident que les années passées au SAMU social par le réalisateur ont nourri son film.

Un rôle qui lui va comme un gant

C’est en 2013, avec L’inconnu du lac, que la carrière cinématographique de Pierre Deladonchamps a réellement pris son envol. Vaurien n’est pas le premier film dans lequel ce comédien joue le rôle d’un prédateur sexuel : dans Les chatouilles, le film de Andréa Bescond et Eric Métayer, c’est le rôle d’un pédophile qu’il avait assumé. Même s’il excelle dans des films où il se fond dans la normalité, comme, par exemple, dans Le fils de Jean, il y a quelque chose chez lui qui le rend très crédible dans des rôles où doit transparaître une dose plus ou moins importante d’ambigüité. En résumé, le rôle de Djé lui va comme un gant ! A ses côtés, on note la présence de quelques jeunes comédiennes très prometteuses : Marie Colomb, Inas Chanti et, surtout, Ophélie Bau, l’interprète de Maya, découverte dans Mektoub My Love, Canto Uno d’Abdelattif Kechiche.

Conclusion

Pour son premier long métrage, Peter Dourountzis n’a pas choisi la facilité. En effet, Vaurien est un film difficile à cerner, pas vraiment polar, pas vraiment thriller, un film dans lequel le personnage principal est tout sauf sympathique. Il n’empêche : grâce, en particulier, à l’empathie qu’on ressent pour les personnages féminins, Peter Dourountzis arrive à faire une entrée remarquée dans l’univers impitoyable du premier film !

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