Critique : Rêves de jeunesse

0
1617

Rêves de jeunesse

France : 2019
Titre original : –
Réalisation : Alain Raoust
Scénario : Alain Raoust, Cécile Vargaftig
Interprètes : Salomé Richard, Yoann Zimmer, Estelle Meyer
Distribution : Shellac
Durée : 1h32
Genre : Drame
Date de sortie : 31 juillet 2019

4/5

C’est dans la sélection ACID qu’on pouvait trouver à Cannes 2019 Rêves de jeunesse, le dernier film d’Alain Raoust, un de ces réalisateurs qui, malgré leur talent, passent beaucoup de temps entre 2 films à réunir un budget suffisant pour le film suivant. C’est ainsi que le film précédent d’Alain Raoust, L’été indien, était sorti en … 2007.

Synopsis : Salomé décroche un job d’été dans la déchetterie d’un village. Sous un soleil de western, dans ce lieu hors du monde, son adolescence rebelle la rattrape. De rencontres inattendues en chagrins partagés, surgit la promesse d’une vie nouvelle.

Les vertus du collectif

Tourné en 20 jours, Rêves de jeunesse, film beaucoup plus politique qu’il n’y parait, a, en quelque sorte, été rattrapé par le mouvement des gilets jaunes. Après un début sous forme  d’illustration de l’individualisme et du narcissisme qui caractérisent trop souvent notre époque avec des jeunes qui dansent sur une musique techno en s’éclairant avec leurs smartphones, sans aucun lien avec les autres, Alain Raoust va s’attacher, de façon modeste mais efficace, à montrer les vertus du collectif. On retrouve Salomé, une ébéniste qui a pris pendant un mois un travail de gardienne dans la déchetterie d’un village des Alpes de Haute Provence dans lequel elle avait passé un an de sa vie, 10 ans auparavant. Elle a bien sûr en tête le souvenir de Mathis, son ex-amoureux, qui occupait ce même poste et qui, désireux de changer le monde, est mort un mois auparavant lors d’une manifestation de zadistes : impossible de ne pas penser à Rémi Fraisse ! Accueillie à sa descente du « Train des Pignes » par une responsable locale, elle est conduite en pick-up à la déchetterie. « N’hésitez pas à m’appeler, je suis disponible 24 h sur 24, 7 jours sur 7 », lui dit-on. Sauf que la dame en question ne répondra jamais. Sauf que la clé du logement de fonction fournie à Salomé ne fonctionne pas, obligeant Salomé à squatter un van localisé dans la déchetterie. Des signes d’un vivre ensemble qui ne fonctionne pas correctement. D’autres personnages vont ensuite apparaître : Clément, le frère de Mathis, qui sortait avec Aline, la sœur de Salomé ; la mère de Mathis et de Clément ; et, surtout, Jessica et « Le cycliste ». Jessica, aux origines gitanes, elle s’est échappée d’une émission de télé-réalité, elle est excessive, son langage est volontiers vulgaire, tout le contraire de Salomé, très posée, peu causante. Le cycliste, c’est un homme qui débarque dans la déchetterie, il vient de voter front national et il ne s’en remet pas, au point de jeter son vélo dans une des bennes de la déchetterie (une bleue, une blanche, une rouge) avant de suivre lui-même le même chemin.

Une très grande vitalité

Malgré un budget à coup sûr très serré, malgré la présence de quelques petites scories, Rêves de jeunesse n’est pas le genre de film à sous-estimer : on y sent une très grande vitalité, une grande liberté dans la manière de filmer, l’absence totale de formatage à but plus ou moins commercial, la présence perpétuelle de l’inattendu, de la scène qui débarque par surprise. A la vision du film, on a la certitude que le plaidoyer en faveur du collectif et du vivre ensemble est totalement sincère. On s’amuse à la vision des références à la mouvance punk qui foisonnent sur les parois du van occupé par Salomé : pochettes d’albums des Stooges, de Television, … Quant au choix d’une déchetterie comme cadre du film, il n’est pas anodin : n’est-ce pas l’endroit où on se débarrasse de son passé ? Un endroit qui va permettre à Salomé d’engager son existence dans la voie de la maturité. On notera sans surprise, tant les deux films s’affichent dans la même famille, que Cécile Vergaftig, qui a écrit le scénario avec Alain Raoust, était également présente sur le scénario de Tout ce qu’il me reste de la révolution, un scénario écrit en collaboration avec la réalisatrice Judith Davis.

Pas tous très connus !

C’est la jeune comédienne belge Salomé Richard, découverte dans Baden Baden, qui interprète à la perfection le rôle de Salomé. Autre interprète belge, Yoann Zimmer qui joue Clément. Le rôle de Jessica est très bien tenu par Estelle Meyer, entre-aperçue récemment dans Nos vies formidables. Plus connus, on retrouve Jacques Bonnaffé dans le rôle du cycliste et Christine Citti dans celui de la mère de Mathis et Clément. Quant à la photo, on la doit à Lucie Baudinaud et elle met très bien en valeur la beauté de la région choisie comme cadre de son film par Alain Raoust, en fait celle où il a passé sa jeunesse, avec un petit côté western parfaitement assumé. Une impression renforcée par la musique du groupe portugais Dead Combo, souvent proche de celle de Ry Cooder dans Paris-Texas.

Conclusion

A la vision de Rêves de jeunesse, on se prend à espérer que Alain Raoust n’aura pas à attendre 12 ans pour tourner son prochain film. Le meilleur moyen pour y arriver : que, malgré une sortie au cœur de l’été, les spectateurs aient la curiosité d’aller découvrir ce « petit » film, largement supérieur à de nombreux prétendus « grands » films.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici