Critique : Perdrix

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Perdrix

France : 2018
Titre original : –
Réalisation : Erwan Le Duc
Scénario : Erwan Le Duc
Interprètes : Swann Arlaud, Maud Wyler, Fanny Ardant
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h39
Genre : Comédie
Date de sortie : 14 août 2019

4.5/5

Les chemins qui mènent à la réalisation d’un premier long métrage  qui arrive à trouver sa place au Festival de Cannes sont parfois tortueux.  Prenez Erwan Le Duc, 42 ans : des études à Sciences Po et un DESS de management culturel qui le conduisent en 2003 à un poste de chargé de mission au Ministère des Affaires étrangères puis, en 2005, à un autre au Ministère de la Culture. En 2009, première bifurcation : Erwan Le Duc devient chef du service Sport au journal le Monde. En 2011, deuxième bifurcation : il réalise un premier court-métrage, Le commissaire Perdrix ne fait pas le voyage pour rien. Et voilà, en 2019, Perdrix, son premier long métrage, qui fait partie de la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs !

Synopsis : Pierre Perdrix vit des jours agités depuis l’irruption dans son existence de l’insaisissable Juliette Webb. Comme une tornade, elle va semer le désir et le désordre dans son univers et celui de sa famille, obligeant chacun à redéfinir ses frontières, et à se mettre enfin à vivre.

Une belle brochette de personnages

Voilà un film dont le fait d’en raconter ne serait-ce que le tout début serait tout à fait impardonnable tellement ce serait gâcher un grand plaisir pour les spectateurs, dont on espère qu’ils se rendront en masse dans les salles pour découvrir par eux-mêmes les savoureux rebondissements de cette épatante comédie. On se contentera de dire qu’on rencontre dans Perdrix le capitaine de gendarmerie Pierre Perdrix, qui a choisi ce métier par amour des procédures, son frère Julien, Juju pour les intimes, spécialiste des vers de terre, sa nièce Marion, qui souhaiterait aller dans une section sport-étude de tennis de table, quitte à continuer ses études dans une école religieuse, sa mère Thérèse, qui anime depuis son garage une émission radio de courrier du cœur, Juliette Webb, une jeune femme qui passait par là, prête à reprendre à son compte la phrase de Jacques Lacan : « L’amour c’est offrir quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » et, par ailleurs, désespérée de s’être fait voler par une nudiste sa voiture et, plus encore, son journal intime.  Oui, car il y a aussi dans les alentours un groupe de nudistes révolutionnaires dont le but est d’éliminer autour d’eux tout ce qui est bien matériel inutile. Sans oublier la préparation d’une reconstitution de la libération du village par de faux FFI et de faux allemands.

Une comédie française sous influence anglaise

Dans le vaste paysage de la comédie « à la française », il arrive quand même assez souvent qu’on trouve matière à rire mais il est beaucoup plus rare que la parfaite description d’une belle histoire d’amour et une profondeur certaine dans la peinture des sentiments humains que sont le chagrin, l’amitié et l’amour trouvent leur place au milieu de rires qui font plus appel à l’intelligence du spectateur qu’à des instincts beaucoup plus bas. Eh bien, c’est le cas dans Perdrix ! Il faut dire que Erwan Le Duc a passé une grande partie de son adolescence à Londres où travaillait son père et qu’il a alors baigné dans le burlesque anglais des nombreuses séries télévisées de l’époque. A l’influence des Monty Python, s’ajoutent celles de Aki Kaurismäki et de Takeshi Kitano, d’où le goût du réalisateur pour le burlesque décalé, pour « le gag sorti de nulle part ». Tout cela proposé avec un sens du rythme absolument parfait ! Autant dire que, au rayon comédie, on n’a pas fait mieux dans notre pays depuis pas mal de temps.

Un choix concernant les interprètes absolument parfait

A l’intelligence des choix effectués par Erwan Le Duc concernant le scénario, les dialogues et la mise en scène, vient se rajouter un élément très important : le choix des interprètes. Là aussi, le réalisateur a tapé juste. Entraîner Swann Arlaud vers la comédie décalée, lui qui est habitué à des rôles réalistes dans lesquels il excelle,  n’avait rien d’évident au départ : pari tenté, pari gagné ! Son interprétation de Pierre Perdrix est tout simplement parfaite. Mais que dire de celle de Maud Wyler dans le rôle de Juliette ? Comment se fait-il que cette extraordinaire comédienne soit le plus souvent cantonnée à des seconds rôles alors qu’elle prouve dans Perdrix toute l’étendue d’un talent exceptionnellement protéiforme ?

Aux côtés de ces deux excellentissimes rôles principaux, le reste de la « troupe » n’est pas en reste : Fanny Ardant dans le rôle de Thérèse ? Tout à fait à sa place avec son côté immuablement décalé et sa voix si spéciale qui passe très bien dans ses interventions radiophoniques ; Nicolas Maury qui joue le rôle de Juju ? C’est lui qui est Hervé André-Jezak dans la série Dix pour cent : est-il besoin d’en dire plus ? Alexandre Steiger, le lieutenant Smicer dans le film ? Un rôle plus important qu’il n’y parait, par ses commentaires pleins d’humour à froid sur ce qui se passe. Sans oublier la jeune Patience Munchenbach, dont c’est la première apparition au cinéma, très réussie, dans le rôle de Manon. Si on ajoute que viennent se greffer à la musique de Julie Roué des reprises de Gérard Manset, de Henry Purcell, de Antonio Vivaldi, de Edvard Grieg et de Camille Saint-Saens, on conçoit combien peut être très grand le plaisir qu’on ressent à voir ce film.

Conclusion

Une comédie à la fois très drôle, intelligente et beaucoup plus profonde qu’il n’y parait, c’est rare. Perdrix fait partie de ces exceptions. On ira même jusqu’à affirmer que, dans cette catégorie de films, on n’a pas fait mieux dans notre pays depuis pas mal de temps. Le fait que ce film sorte en plein milieu du mois d’août va-t-il nuire à son succès ? Espérons que ce ne soit pas le cas !

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