Critique : Primaire

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Primaire

primaire-afficheFrance : 2016
Titre original : –
Réalisation : Hélène Angel
Scénario : Hélène Angel, Yann Coridian, Agnès de Sacy, Olivier Gorce
Acteurs : Sara Forestier, Vincent Elbaz, Patrick d’Assumçao, Guilaine Londez
Distribution : StudioCanal
Durée : 1h45
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 4 janvier 2017

4/5

C’est l’émotion qu’elle a ressentie lorsque son propre fils est arrivé à la fin de son parcours à l’école primaire qui a déclenché chez Hélène Angel l’idée et l’envie de réaliser un film se déroulant dans une classe de CM2. Désirant que son film soit le plus juste possible, elle a passé beaucoup de temps dans des classes, durant deux années, afin de comprendre de l’intérieur le métier de professeur des écoles. Dans un premier temps, elle n’arrivait pas à trouver l’actrice ou l’acteur le plus à même d’interpréter ce héros particulier et puis la chance lui a souri : elle a fini par trouver la guerrière qu’il lui fallait, la comédienne parfaite pour ce rôle difficile, Sara Forestier.

Synopsis : Florence est une professeure des écoles dévouée à ses élèves. Quand elle rencontre le petit Sacha, un enfant en difficulté, elle va tout faire pour le sauver, quitte à délaisser sa vie de mère, de femme et même remettre en cause sa vocation. Florence va réaliser peu à peu qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre…

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Une instit’ très impliquée dans son travail

Ce n’est que très rarement que Florence quitte l’école : à 32 ans, elle est instit’ dans une classe de CM2 d’une école de Grenoble et elle habite un appartement situé dans l’école même. Très impliquée dans un travail qui la passionne, cette mère divorcée a droit à des reproches de la part de son fils Denis, élève dans sa classe, qui trouve qu’elle ne pense qu’à l’école et qui aimerait partir à Java avec son père. Quant à certains et certaines de ses collègues, ils et elles lui disent très crûment qu’elle les fait ch… avec sa recherche permanente de la perfection éducative. Alors que la fin de l’année scolaire approche, elle va se trouver confrontée à un problème particulier qui va bousculer son quotidien et ses certitudes : un jour, on lui demande de s’occuper de Sacha, un élève de CM1 qui a oublié ses affaires de piscine. Très vite, l’odeur pestilentielle dégagée par Sacha,  la saleté de ses vêtements et le fait que personne ne vienne le chercher amènent Florence à s’apercevoir que le gamin est seul chez lui depuis 11 jours, sa mère étant partie une fois de plus pour une durée indéterminée en lui laissant une liasse de billets lui permettant tout juste de s’acheter de la nourriture. Faire appel aux services sociaux serait la solution la plus simple, mais, pour Florence, ce serait aussi la pire des solutions et, malgré le caractère violent et imprévisible de Sacha, elle veut tout faire pour l’éviter, se mettant à la recherche de la mère et cherchant à impliquer Mathieu, un livreur de sushi, ancien amant de cette dernière, dans la garde de l’enfant.

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Un film intelligent

Dans une époque où il est de bon ton de démolir les services publics et où le tir a vue sur les fonctionnaires est devenu le sport favori de certains responsables politiques, un film comme Primaire apparait comme un véritable rayon de soleil dans la grisaille. Pensez donc : un film qui ose clamer que l’école républicaine, gratuite, laïque et obligatoire est, comme la démocratie, le moins mauvais des systèmes, cela interpelle ! Même si le film, très honnêtement, ajoute que, dans l’époque qui est la nôtre, beaucoup est fait pour que les bons élèves deviennent des prédateurs et les mauvais élèves des consommateurs. En se focalisant sur Florence, une institutrice dévouée corps et âme à son métier et, pour diverses raisons, proche du burn-out professionnel, Hélène Angel a parsemé son film de questions liées à l’éducation des enfants. Alors que Florence affirme haut et fort que le but de l’école consiste à donner une autonomie intellectuelle aux enfants, à les rendre capables d’être eux-mêmes, à les « libérer » des adultes, des parents, de la télévision, des religions et de la politique, elle se retrouve sans argument lorsque Christina, la mère de Sacha qui abandonne régulièrement son fils durant de longues périodes, lui affirme que, plus tard, son fils se débrouillera mieux dans la vie que Denis, trop couvé par sa mère. Cette même Florence qui va prendre conscience qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre en s’apercevant que Mathieu, un homme sans formation particulière en matière d’éducation, peut s’avérer plus utile qu’elle pour un gamin comme Sacha, avant tout malheureux, ne serait-ce qu’en lui disant : « ne compte que sur toi ».

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Superbe Sara Forestier

 C’est dans une école désaffectée que Primaire a été tourné, en pleine période scolaire. Quand bien même la justesse du film pourrait laisser penser le contraire, il ne s’agit pas d’une classe existante mais de la réunion d’enfants castés pour les besoins du film. Afin de souder cette fausse classe en apprenant aux enfants à se connaître, le premier travail avec eux a consisté à répéter le spectacle de fin d’année sur lequel le film se termine. L’osmose avec Sara Forestier a été telle que, petit à petit, les enfants en sont venus à se comporter avec la comédienne comme si elle était leur véritable institutrice et ce, même en dehors du tournage. Il faut dire que Sara Forestier qui,  avoue-t-elle, aurait aimé être institutrice si elle n’avait pas embrassé la carrière d’actrice, est confondante de vérité dans ce rôle de Florence, parfaitement taillé pour elle. A ses côtés, Vincent Elbaz campe très bien le rôle de Mathieu, un homme qui ne se sent pas capable de se comporter comme un père vis-à-vis de Sacha mais qui est pourtant la personne à qui ce dernier cherche à se raccrocher. Dans des rôles moins importants, on remarque d’excellentes comédiennes habituées à des seconds rôles dans le cinéma français, telles Olivia Côte en institutrice beaucoup moins attachée à son travail que Florence, Laure Calamy en mère n’arrivant pas à assumer son rôle en véritable adulte et Guilaine Londez en auxiliaire de vie scolaire chargée du suivi individuel de Charlie, une jeune autiste. Sans chercher à enfoncer le clou de façon ostentatoire, Hélène Angel montre le caractère précaire de ce métier d’AVS tout en peignant joliment l’attachement de Madame Duru, cette AVS, pour sa « protégée », interprétée par Hannah Brunt, une véritable autiste, dont le passage devant la caméra a permis des progrès notables dans ses rapports avec les autres.

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Conclusion

Très bien documenté, passionnant de bout en bout, porté par une magnifique Sara Forestier, Primaire est un hymne réussi et très sincère au difficile métier de professeur des écoles.

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