Critique : Mask (1985)

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Mask

États-Unis : 1985
Titre original : –
Réalisation : Peter Bogdanovich
Scénario : Anna Hamilton Phelan
Acteurs : Cher, Eric Stoltz, Sam Elliott
Durée : 2h00
Genre : Drame
Date de sortie : 29 mai 1985

Note : 4/5

Biopic qui aura fait revenir Peter Bogdanovich sur le devant de la scène, Mask fait partie de ces films dramatiques dont on ne soupçonne pas immédiatement la minutie formelle. Véritable tourbillon d’émotions placé sous un gracieux voile de pudeur, le film, malgré sa parenté scénaristique évidente avec le film de David Lynch, constitue pourtant un anti Elephant Man par l’approche volontairement contenue de son réalisateur. Elephant Films a ainsi eu la judicieuse idée de proposer un superbe combo blu-ray / DVD proposant enfin la version Director’s Cut d’une œuvre longtemps amputée de ses éléments clefs. L’occasion de redécouvrir une belle ode à la différence soutenue par la relation fusionnelle bouleversante d’un fils et d’une mère.

Synopsis : Rocky Dennis souffre d’une maladie dégénérative qui, en outre, a pour conséquence une terrible déformation de son visage. Il compense cette différence en appréhendant la vie avec une forme de légèreté tout en nourrissant des rêves de liberté à travers le projet d’une longue traversée de l’Europe. L’on suit ainsi le parcours de ce jeune homme hors-norme et hors des normes, s’adaptant et évoluant dans différentes sphères sociales incontournables : de l’école aux hôpitaux en passant par le groupe soudé de bikers qui constitue le cocon familial référentiel et protecteur du jeune homme. Mais par dessus tout il y a sa mère : la bouillonnante Rusty Dennis dont l’amour inconditionnel constituera le plus solide des repères de son fils

 

 

Au-delà du Mask : cultiver la différence et le lien

Biopic dramatique marqué par une indéniable justesse de ton, Mask se présente comme un film à l’image de son personnage qui ne s’apitoie jamais sur son sort en prônant une forme de relativisme optimiste. Ainsi, Bogdanovich évite soigneusement les écueils du genre en proposant une approche naturaliste sans jamais manquer de sensibilité. Loin du voyeurisme auquel on aurait pu s’attendre, le réalisateur utilise toutes les ressources de mise en scène possible pour ménager son spectateur et rendre ses personnages émouvants. Ainsi, au-delà de Rocky et de sa mère Rusty, il parvient à faire exister toute une galerie de personnages rendus identifiables et attachants. Du personnage de Gar superbement incarné par un Sam Elliott, des plus charismatiques, en passant par le muet Dozer ou la douce Diana incarnée par la jeune Laura Dern, il est difficile pour le spectateur de ne nourrir aucune sympathie envers ces personnages positifs. Dans ce film volontairement sous-exposé, Rocky Dennis est, dès la première séquence, présenté comme un jeune adolescent avant toute chose. La séquence d’exposition, programmatique, le présente ainsi par fragments afin d’atténuer au mieux le choc de la vision de son hypertrophie faciale. Jalonné de sublimes plans séquences et de jeux sur la netteté des plans, le film est traversé par une forme d’authenticité édifiante. Difficile ainsi de ne pas ressortir ému au sortir de cette touchante tranche de vie humaniste pétrie d’espoirs et de beaux sentiments.

 

 

Le lyrisme de Bruce Springsteen

Que d’attentes avant de découvrir Mask dans son authentique version. En effet, le film a longtemps été amputé de deux scènes pourtant extrêmement signifiantes. Plus encore, exit la musique qui constituait l’identité du film à travers cinq chansons de Bruce Springsteen dont le lyrisme social s’accordait merveilleusement au film. Hélas, du fait d’un conflit sur les droits de ces chansons entre Columbia et Universel, ces dernières furent tout simplement retirées du film et remplacées par celles, moins signifiantes, de Bob Seger. Dans son combo, Elephant Films a ainsi eu la judicieuse idée de proposer les deux versions du film tout en l’agrémentant de passionnants suppléments allant d’une riche analyse proposée par Jean-Baptiste Thoret en passant par une interview du réalisateur et surtout le captivant commentaire audio de Bogdanovich constituant une formidable exégèse du film.

 

 

Conclusion

Loin du mélodrame misérabiliste auquel l’on aurait pu s’attendre, Mask se présente plutôt comme un chant des marginaux. A travers ce récit d’adolescent, Bogdanovich en profite ainsi pour poser un véritable discours fordien sur la communauté et la manière dont les individus s’agrègent pour mieux se soutenir les uns les autres.

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