Critique : Les voleurs de chevaux

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Les voleurs de chevaux

Kazakhstan, Japon : 2019
Titre original : The Horse Thieves. Roads of Time
Réalisation : Yerlan Nurmukhambetov, Lisa Takeba
Scénario : Yerlan Nurmukhambetov
Interprètes : Mirai Moriyama, Samal Yeslyamova, Madi Minaidarov
Distribution : ASC Distribution
Durée : 1h24
Genre : Drame
Date de sortie : février 2021

4/5

Coproduit par le Kazakhstan et le Japon et présenté en première mondiale en ouverture du festival de Busan d’octobre 2019, Les voleurs de chevaux a pour origine un fait divers qui s’est déroulé au Kazakhstan. Auteur du scénario, le kazakh Yerlan Nurmukhambetov a réalisé le film avec la japonaise Lisa Takeba. C’est une soirée organisée lors du Festival de Cannes 2017 qui est à l’origine de leur rencontre et c’est Lisa Takeba qui a appris à Yerlan Nurmukhambetov qu’un producteur japonais, Shozo Ichiyama, était intéressé par cette histoire tirée d’un fait divers.

Synopsis : Olzhas, 12 ans, est le fils aîné d’une famille qui vit dans les contreforts du Tian Shan, la grande chaîne de montagnes qui traverse l’Asie centrale. La vie unie de la famille est interrompue quand un gang de voleurs de chevaux vole le troupeau qui appartenait au village. Pour compenser les dettes, la famille est obligée de vendre la maison et de déménager. La mère désespérée demande de l’aide à un homme.

Dans les steppes de l’Asie centrale

Lorsque, au petit matin, Ondasyn part en camion au marché de la ville la plus proche dans le but de vendre une vingtaine de chevaux, son fils Olzahs, âgé d’une dizaine d’années, est déçu de ne pas être autorisé à se joindre à lui et aux 2 autres paysans qui l’accompagnent. « Trop loin » lui a répondu Ondasyn, aider Aigul, sa mère, dans la récolte des tomates sera plus utile. Avant de partir, Ondasyn a demandé à Olzahs de lui apporter sa montre et, dans le camion, il choisit un des 5 chatons qu’un des 2 autres paysans a apportés afin de les vendre au marché et il le glisse sous sa veste. Cette montre, ce chaton, deux « détails » qui vont avoir de l’importance dans la suite du film. Une suite qui commence au marché, avec un trio d’acheteurs qui proposent un bon prix pour les chevaux, mais qui demandent que le camion les livre à une heure de route de la ville. Ayant connaissance du titre du film, pas besoin d’être devin pour subodorer ce qui va se passer ! Beaucoup moins prévisible est l’arrivée dans le village d’un homme mystérieux le jour même où dont organisées les funérailles d’Ondasyn. Seule Aigul le connait, et, comme il avait disparu depuis 8 ans, elle était persuadée qu’il était mort.

Un western très particulier

Le titre, Les voleurs de chevaux, les paysages dans lesquels se déroule l’action, une steppe au pied d’une chaine de montagne et dans laquelle les arbres sont rares, tout laisse penser qu’on a affaire à un western. Une impression qui n’est pas franchement fausse. On a même droit à une poursuite entre 2 cavaliers avec échange de coups de feu. Toutefois, si western il y a, il s’agit d’un western très particulier. Un western dont le personnage principal est un garçon de 10 ans, un western dans lequel Olzahs et Kairat, l’homme mystérieux, chevauchent au pas et non au grand galop, un western où il n’est pas question de vengeance après la mort d’Ondasyn mais de reconstruction pour Aigul, sa veuve, et de construction pour Olzahs, son fils, un western dans lequel le réalisateur fait souvent appel à des ellipses et qui prend des chemins de traverse pour s’intéresser aux travaux des champs au sein d’une communauté paysanne, aux enfants du village émoustillés par la vision d’un couple qui se baigne dans la rivière, à la description du marché dans une petite ville du Kazakhstan, aux rites des prières et des obsèques musulmanes. De l’action, certes, il y en a, mais très peu, distribuée au compte-goutte. De la tension, il y en a, beaucoup, et la façon d’obtenir cette tension mérite d’être rapportée : alors que, le plus souvent, dans les westerns d’antan, la musique était chargée de générer des sentiments chez les spectateurs, et, tout particulièrement, lorsqu’il s’agissait d’un sentiment de peur, il n’y a pratiquement pas de musique dans Les voleurs de chevaux. Et c’est justement cette quasi absence de musique qui est la cause principale de la tension que l’on ressent en tant que spectateur !

Deux particularités et un jeune comédien

La distribution de Les voleurs de chevaux présente deux particularités : la première, c’est d’y retrouver une comédienne qui peut s’enorgueillir d’avoir obtenu un Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes. C’était en 2018, pour son rôle de Ayka dans le film … Ayka. Elle s’appelle Samal Yeslyamova et elle joue ici le rôle de Aigul, la mère d’Olzahs. Un rôle qui n’a pas le caractère extrême qu’avait celui de Ayka, mais dont elle s’acquitte avec beaucoup de force et de sobriété. La seconde, c’est de trouver un comédien japonais, Mirai Moriyama, interprétant le rôle de Kairat, kazakh pur sucre et cavalier émérite. 3 mois de travail acharné lui ont permis d’être crédible dans ce rôle, tant dans l’expression orale que sur le dos d’un cheval. Ce comédien japonais est par ailleurs un danseur de réputation internationale qui s’est déjà produit plusieurs fois dans notre pays, tant auprès de Sidi Larbi Cherkaoui que de Kaori Ito. Quant au jeune Madi Minaidarov, l’interprète d’Olzahs, il est excellent comme le sont le plus souvent au cinéma les gamins et les gamines de son âge !

Conclusion

Ce western contemplatif tourné dans les steppes du Kazakhstan et dont le personnage principal est un garçon de 10 ans, possède une grâce indéfinissable et, presque tout du long, il distille une grande tension en se servant d’un atout surprenant : l’absence presque totale de musique.

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