Le dernier loup
France, Chine – 2015
Titre original : Le dernier loup
Réalisateur : Jean-Jacques Annaud
Scénario : Jean-Jacques Annaud
Acteurs : Feng Shaofeng, Shawn Dou, Ankhnyam Ragchaa
Distribution : Mars Distribution
Durée : 1h55
Genre : Action, aventure
Date de sortie : 25 février 2015
Note : 2/5
La retraite dans le monde du cinéma ne suscite pas les mêmes fougues et débats que dans le monde «civil». Métier de passion et de passionnés, il n’est pas rare, et même courant, de voir des réalisateurs de plus de 70 ans (le record étant détenu par Manoel de Oliveira et ses 106 ans) réaliser encore des films. C’est le cas ici pour Jean-Jacques Annaud du haut de ses 71 ans, qui nous livre à nouveau une épopée animalière, dont lui seul à le secret. La formule marche-t-elle toujours aussi bien en 2015 ?
Synopsis : 1969. Chen Zhen, un jeune étudiant originaire de Pékin, est envoyé en Mongolie-Intérieure afin d’éduquer une tribu de bergers nomades. Mais c’est véritablement Chen qui a beaucoup à apprendre – sur la vie dans cette contrée infinie, hostile et vertigineuse, sur la notion de communauté, de liberté et de responsabilité, et sur la créature la plus crainte et vénérée des steppes – le loup. Séduit par le lien complexe et quasi mystique entre ces créatures sacrées et les bergers, il capture un louveteau afin de l’apprivoiser. Mais la relation naissante entre l’homme et l’animal – ainsi que le mode de vie traditionnel de la tribu, et l’avenir de la terre elle-même – est menacée lorsqu’un représentant régional de l’autorité centrale décide par tous les moyens d’éliminer les loups de cette région.
Les loups relégués au second plan
Tuons immédiatement le suspens. Le dernier loup est une déception. Deux frères marquait déjà un léger déclin du réalisateur dans le domaine du film animalier, manquant de souffle et tombant trop souvent dans le comique de personnage qui nuisait à l’intrigue. Toutefois, il avait au moins le mérite de centrer son récit sur les deux tigres, magnifiques représentants d’une nature que tente de dominer l’homme par tous les moyens. Un message toujours d’actualité dans son nouveau film, à travers la captivité du loup. Mais ici, en terme de narration, le gros point noir est la relégation au second plan du Loup du titre. Il arrive tardivement dans le récit, est peu montré et n’a qu’un impact minime sur l’histoire, plutôt objet des ambitions de son maître, que véritable dynamiteur des péripéties. Au-delà du côté mignon de l’animal, il est difficile de s’y attacher plus, faute de présence à l’écran. Annaud a tenté de mixer les genres, rajoutant le film d’aventure à son métrage. Le réalisateur a donc gardé les influences de son dernier opus en date, Or Noir (très bon film d’aventure à l’ancienne), pour les intégrer à son nouveau scénario. A jouer sur les deux tableaux, il s’y perd un peu. Frustrés qu’il n’est pas placé son loup au cœur du récit, on l’est également par le côté aventure du long-métrage qui, bien qu’il nous propose de superbes paysages, peine à installer le danger, des enjeux dramatiques forts et un souffle dont Or Noir bénéficiait.
On note cependant une certaine réussite en ce qui concerne le côté humain, qui pour le coup était l’un des gros points faibles de Deux frères. Le personnage principal nous immerge au rythme de ses découvertes dans la culture Mongole, ses principes et ses croyances vis à vis de la nature. A ce titre, Annaud a su parfaitement exposer les problématiques liées au fragile équilibre de la faune et la flore. Et de nous entraîner alors dans une spirale infernale destructrice, qui partant de presque rien (le commerce illégal des gazelles), a tôt fait de détruire ce fragile équilibre.
Trop de trucages visuels
Malgré un récit assez bancal, mais pas foncièrement raté, la face technique du film peine à convaincre. Le gros point noir du film qui rend difficile toute immersion, est le recours à la technologie numérique. Là où à l’époque L’ours frappait fort, c’était par une absence totale de trucages visuels. L’animal, dressé, effectuait les cascades du film. Ici, sur les scènes les plus ambitieuses (comme l’attaque nocturne), on sent vite l’artifice sur les plans larges, lorsque des dizaines d’animaux sont présents dans le cadre. Parfois assez grossiers, les effets nuisent à la crédibilité de l’action. Ce genre de film (à l’instar d’un film d’arts martiaux par exemple) suscite l’admiration parce qu’il transpire le «vrai», parce qu’on se dit que les animaux sont vraiment là sous nos yeux à effectuer toutes ces actions si difficiles à commander. Et malheureusement, en ayant recours à des artifices, le danger n’est plus là, et donc la croyance au spectacle qui nous ait montré disparaît. Heureusement tout n’est pas que trucage, et de nombreuses prises ont été réalisées avec de vrais loups, en chair et en poil. Mais pas forcément les plus transcendantes.
A l’inverse, les décors et lieux du tournages sont splendides, et donnent un cachet véritable au film. Les grandes steppes, les montagnes et les lacs bénéficient du format scope pour s’exprimer et amener la notion de gigantisme dans les images, et par conséquent sur le récit. Ce dernier n’en tire d’ailleurs pas toute la richesse possible, les contre-temps dû à la distance et pouvant engendrer de graves conséquences, ne sont que trop peu utilisés.
Conclusion
Au final, Annaud rate le coche. Le film n’est pas mauvais : des personnages humains réussis, de sublimes décors, et une toile de fond passionnante sont malheureusement contrebalancés par une absence de souffle, un trop plein d’effets numériques et un Loup trop peu présent à l’écran et par conséquent dans nos cœurs. On pouvait se permettre d’attendre plus de la part d’un grand nom, qui a su nous subjuguer à de multiples reprises par le passé.
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