Critique : là où chantent les écrevisses

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Là où chantent les écrevisses

Etats-Unis : 2022
Titre original : Where the Crawdads Sing
Réalisation : Olivia Newman
Scénario : Lucy Alibar d’après le roman homonyme  de Delia Owens
Interprètes : Daisy Edgar-Jones, Taylor John Smith, Harris Dickinson
Distribution : Sony
Durée : 2h05
Genre : Drame, Thriller, Romance
Date de sortie : 17 août 2022

4/5

Paru aux Etats-Unis en août 2018, le roman « Where the Crawdads Sing » écrit par l’écrivaine et zoologiste Delia Owens est très vite devenu un énorme succès de librairie, atteignant en 4 ans plus de 15 millions d’exemplaires vendus. L’actrice et productrice louisianaise Reese Witherspoon a ressenti un énorme coup de cœur pour ce livre qu’elle a d’abord sélectionné pour son club de lecture, contribuant à son succès en librairie, avant de produire son adaptation cinématographique.

Synopsis : Kya, une petite fille abandonnée, a grandi seule dans les dangereux marécages de Caroline du Nord. Pendant des années, les rumeurs les plus folles ont couru sur la  » Fille des Marais  » de Barkley Cove, isolant encore davantage la sensible et résiliente Kya de la communauté. Sa rencontre avec deux jeunes hommes de la ville ouvre à Kya un monde nouveau et effrayant ; mais lorsque l’un d’eux est retrouvé mort, toute la communauté la considère immédiatement comme la principale suspecte. À mesure que la vérité sur les événements dessine, les réponses menacent de révéler les nombreux secrets enfouis dans les marécages.

 La fille du marais

1953 : voir sa mère quitter la cabane construite au milieu des marais à cause d’un mari violent et alcoolique, voir ses frères et sœurs quitter cette même cabane à cause d’un père alcoolique et violent, rester seule avec ce père qui lui aussi va finir par partir, voilà ce que connait Catherine Danielle Clark, plus communément appelé Kia, alors qu’elle n’a même pas 10 ans. Obligée de vivre seule dans cet environnement difficile, elle est rejetée par la communauté de Barkley Cove, la petite ville voisine, pour qui elle devient « la fille du marais », avec de vilaines rumeurs qui courent sur son compte, toutes plus infondées les unes que les autres. Toute la communauté ? Pas tout à fait ! Il y a, heureusement pour Kya, Jumpin’ et Mabel, le couple d’afro-américains qui tient une station service / épicerie et qui fait tout pour lui venir en aide. Il y a aussi Tom Milton, l’avocat local, qui l’encourage à fréquenter l’école. Et puis, il y a Tate, qui, avant son départ, était ami avec Jodie, le frère le plus proche de Kya, Tate, avec qui Kya partage son goût pour la faune des marais, Tate qui va se rapprocher d’elle, avec tact, avec délicatesse, lui apportant beaucoup, ne serait-ce que l’apprentissage de la l’écriture et de la lecture, elle qui n’était même pas restée un jour entier à l’école du fait du comportement des autres enfants envers elle, ne serait-ce que le partage d’une grande affection se transformant en flirt et qui aurait pu aller plus loin si Tate n’avait pas choisi d’accorder la priorité à ses études dans une université éloignée.

Et puis, le 30 octobre 1969, survient un évènement majeur pour Barkley Cove : Chase Andrews, la star locale, aussi bien en tant que quarterback de football américain que comme « coq du village », est retrouvé mort après une chute depuis le sommet d’une tour d’observation dominant le marais. Accident ? Meurtre ? Il se trouve que Kya était sorti avec Chase après le départ de Tate vers ses études et le shérif local est persuadé de sa culpabilité. Dans le procès qui va se dérouler et qui peut déboucher sur la peine de mort pour Kya, tout est local : le jury est constitué d’habitants et d’habitantes de Barkley Cove, l’accusateur est local, l’avocat de Kya, Tom Milton, est local. Et la tâche de cet avocat est a priori très difficile.

De quoi satisfaire un très vaste public

C’est sans doute moins fréquent qu’il y a 20 ou 40 ans en arrière, mais il arrive heureusement que certains films susceptibles de plaire à ce qu’on appelle le « grand public » puissent grandement satisfaire les cinéphiles les plus pointus, même celles et ceux qui dégainent facilement l’insulte suprême d’académisme dès lors qu’un film s’avère facile à comprendre et esthétiquement magnifique ! C’est le cas de Là où chantent les écrevisses, premier film de long métrage réalisé par Olivia Newman, sur un scénario de Lucy Alibar, déjà présente dans l’écriture de Les bêtes du Sud sauvage ! Tout, ou presque, concours à cette rencontre : la très belle histoire de Kya, racontée depuis son enfance à l’âge de 8 ans, jusqu’à son décès à plus de 60 ans, une histoire qui mélange souffrance, solitude, passions amoureuses et succès littéraire lorsque paraissent les livres sur la faune des marais, écrits, dessinés et peints par Kya ; la façon de raconter cette histoire, en commençant par la découverte du corps de Chase Andrews, le 30 octobre 1969 et en remontant le temps en 1953, puis en 1962 avant d’aborder le procès ; L’extraordinaire beauté de la nature dans laquelle vit Kya et qui est bien mise en valeur par la photographie de Polly Morgan, ces marais envoutants où la mousse espagnole dégouline des branches des arbres et où la traditionnelle drague entre adolescents et adolescentes des années 60 se fait en bateau à moteur et non en Chevrolet. A noter que si l’action de ce film est censée se dérouler en Caroline du Nord, il a en fait été tourné en Louisiane, en particulier dans le Fairview-Riverside State Park et à Houma.

Avec cette relation entre Kya et Tate lorsqu’ils sont à l’âge de l’adolescence et qui les voit échanger des plumes d’oiseaux pour manifester l’attirance qu’ils ont l’un pour l’autre, on pourrait penser qu’on est en présence d’un film particulièrement mièvre : en fait, il n’en est rien, Là où chantent les écrevisses ayant par ailleurs des aspects très durs. Réalisé par une équipe presque exclusivement féminine, ce film aborde de façon intelligente, au travers des comportements totalement différents de Tate et de Chase avec Kya, l’importance du consentement dans les relations amoureuses. Franchement, il faudrait vraiment qu’il ait un cœur de pierre pour qu’un cinéphile pointu ne succombe pas au charme de ce très beau film. Et, si il tient vraiment à mettre en avant des bémols dans ce concert de louanges, on peut lui en fournir deux : on est surpris de voir Kya, petite fille puis jeune fille vivant seule dans les marais avec des moyens très limités, faire preuve d’une grande élégance en arborant une nouvelle tenue dans chaque séquence où elle apparait ; on est surpris également de constater comment Kya arrive rapidement à acquérir une connaissance encyclopédique sur la faune des marais alors qu’elle vient à peine d’apprendre à lire et à écrire.

Une interprétation XXL

En plus des qualités relevées plus haut, il y en a une autre, particulièrement importante : le jeu des comédiennes et des comédiens. La jeune comédienne britannique Daisy Edgar-Jones est extraordinaire de naturel et de sensibilité dans le rôle de Kya ; à peine plus âgé qu’elle, Taylor John Smith investit parfaitement le rôle de Tate ; également britannique, toujours dans la même tranche d’âge et tête d’affiche de Sans filtre, la Palme d’Or du dernier Festival de Cannes qui sortira le 28 septembre prochain, Harris Dickinson est parfait dans le rôle d’un salaud ordinaire ; quant à David Strathairn, qui fut dans le passé un acteur récurrent chez John Sayles et qui a tourné dans plus de 100 films, son interprétation de l’avocat Tom Milton est tout simplement superbe.

Conclusion

Nous voici face à un très beau film qui mérite de rencontrer un très vaste public. Cette adaptation d’un roman américain à très gros succès a fait le plein des ingrédients concourant habituellement à un tel résultat : une très belle histoire, son sens profond, la façon de la raconter, la beauté de la nature dans laquelle l’action se déroule, la très belle photographie, une interprétation de très grande qualité. Et, pour finir, « Carolina », une très belle chanson de Taylor Swift, écrite pour le film et qu’on entend durant le générique de fin.  

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