Critique : La danse du serpent

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La danse du serpent

Costa Rica, Argentine : 2019
Titre original : Ceniza Negra
Réalisation : Sofia Quiros Ubeda
Scénario : Sofia Quiros Ubeda
Interprètes : Smashleen Gutiérrez, Humberto Samuels, Hortensia Smith
Distribution : Eurozoom
Durée : 1h22
Genre : Drame
Date de sortie : 4 mars 2020

4/5

Née il y a 30 ans en Argentine, Sofia Quirós Ubeda a fait des études en Design du Son et de l’Image à l’Université de Buenos Aires. Son premier court métrage de fiction, Entre la Tierra, a été réalisé en 2015. En 2017, son court métrage Selva avait été retenu par la Semaine de la Critique cannoise. Un court métrage dans lequel le rôle principal était tenu par une jeune adolescente âgée alors de 11 ans, Smashleen Gutiérrez. On  retrouve Smashleen 2 ans plus tard dans La danse du serpent, le premier long métrage de Sofia Quirós Ubeda, le premier long métrage du Costa Rica sélectionné à Cannes, une fois encore à la Semaine de la Critique. Dans ce film, très féminin comme l’est une grande partie du cinéma costaricain, elle se prénomme toujours Selva et elle est prodigieuse. Sur le tapis rouge, n’oubliant pas l’Argentine, Sofia Quirós Ubeda portait à son poignet un foulard vert, symbole du combat des femmes argentines pour le droit à l’avortement dans leur pays.

Synopsis : Selva (13 ans) vit dans une ville côtière des Caraïbes. Après la disparition soudaine de sa seule figure maternelle, Selva est la seule qui reste pour prendre soin de son grand-père, qui ne veut plus vivre. Entre ombres mystérieuses et jeux sauvages, elle se demande si elle aidera son grand-père à réaliser son désir, même si cela peut impliquer de traverser ses derniers moments d’enfance.

une arrivée difficile dans l’adolescence

Selva est une gamine de 13 ans qui vit dans la province de Limón, au bord de la mer des Caraïbes, avec Tata, son grand-père, un vieillard physiquement très sec, un homme dont le regard peut laisser penser que sa vision est déficiente. Très proche d’eux, Elena est une vieille femme que Tata aime bien, qui s’occupe souvent de lui mais qui a des rapports parfois difficiles avec Selva. Dans sa vie quotidienne, Selva entretient avec les copines de son âge des rapports comme peuvent en avoir les filles de son âge un peu partout dans le monde. Toutefois, alors qu’elle arrive tout juste dans l’adolescence, elle se retrouve confrontée à la mort, Elena disparaissant dans la forêt et la santé de son grand-père devenant de plus en plus vacillante.

Quotidienneté et tension magique

Comment ne pas être particulièrement élogieux face à La danse du serpent ? Une intrigue qui pourrait tenir sur un timbre poste, le premier long métrage d’une jeune réalisatrice … Et nous voilà face à un film dont l’intérêt ne faiblit jamais, un film très poétique et remarquablement filmé. Un film qui mélange avec bonheur observation du quotidien et tension magique, un film dans lequel la nature est un personnage à part entière qui aide à l’évolution d’une jeune fille qui, tout en étant confrontée à la mort, abandonne son enfance pour passer à l’adolescence. La mort, Selva la voit comme une transformation, une re-naissance, à l’image des serpents qui changent de peau et retrouvent une nouvelle vie. Dans La danse du serpent, le côté fantastique n’est jamais appuyé, il vient prendre sa place de façon très naturelle à côté du réalisme et nous, spectateurs, sommes en quelque sorte hypnotisés par cette poésie trouvant sa source dans ce surnaturel discret. En fait, le cinéma de Sofia Quirós Ubeda n’est pas sans faire penser à celui de Apichatpong Weerasethakul, un Apichatpong Weerasethakul « light » et qui, surtout, aurait oublié d’être abscons.

Une jeune comédienne exceptionnelle

Le très beau film de Sofia Quirós Ubeda est magnifiquement servi par Smashleen Gutiérrez, l’interprète de Selva. Elle qui, en 2017, tenait déjà le rôle de Selva dans le court-métrage éponyme de Sofia Quirós Ubeda, a beaucoup travaillé avec la réalisatrice durant les 2 années qui se sont écoulées entre le tournage de Selva et celui de La danse du serpent, le film étant construit autour d’elle. Le résultat de ce travail est exceptionnel, la jeune comédienne s’avérant d’un naturel confondant et particulièrement juste que ce soit dans ses rapports avec ses copines ou avec Tata, Elena, les animaux et la mort. Humberto Samuels, l’interprète du grand-père, c’est dans une maison de retraite que Sofia Quirós Ubeda l’a rencontré. Il parait que le tournage l’a fait rajeunir de 10 ans ! Quant à Hortensia Smith, l’interprète d’Elena, c’est une danseuse qui fait partie de la communauté dans laquelle le film a été tourné.

Autre atout majeur du film, la beauté des images, les jeux d’ombre et de lumière dans la forêt tropicale, des qualités que l’on doit à Francisca Saéz Agurto, la Directrice de la photographie. Le travail sur le son de Christian Cosgrove est également très important, avec, en particulier, le mystère apporté par les bruits nocturnes de la forêt tropicale. Curieusement, il y a peu de musique dans ce film, alors qu’elle occupe une place assez importante dans les conversations. En effet, on nous apprend que le père de Selva aime le rock, que sa mère aimait la guaracha, alors que les préférences de Selma vont vers la musique arabe. Le peu de musique qu’on entend est l’œuvre d’un compositeur français, Wissam Hojeij, qui a su élégamment faire cohabiter la couleur sud-américaine de la guitare avec la couleur arabe de la flûte Nay et de la darbouka, tout en injectant habilement cette musique dans la matière sonore globale du film.

Conclusion

Il y a 2 semaines, à propos de la sortie de Une mère incroyable, nous nous félicitions de la présence dorénavant très visible du cinéma colombien dans la cinématographie mondiale et, plus généralement, de la place de plus en plus importante prise par le cinéma sud américain dans les festivals. Si on fait une petite entorse avec la géopolitique en classant ce pays en Amérique du Sud ou bien, tout simplement, si on étend notre propos aux pays latino-américains, c’est aujourd’hui vers le Costa Rica qu’on tourne notre regard. Un pays qui, en particulier depuis les années 70, s’implique dans la production cinématographique mais dont les retombées sur nos écrans ont, jusqu’à présent, été très faibles. La danse du serpent ne peut que nous donner l’envie de mieux connaître le cinéma de ce pays.

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