Critique : K contraire

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K contraire

France, Ukraine, 2017

Titre original : –

Réalisatrice : Sarah Marx

Scénario : Sarah Marx, Ekoué Labitey & Hamé Bourokba

Acteurs : Sandor Funtek, Alexis Manenti, Sandrine Bonnaire, Lauréna Thellier

Distributeur : Les Valseurs

Genre : Drame social

Durée : 1h24

Date de sortie : 22 janvier 2020

3/5

Mi-ange, mi-démon, le jeune acteur Sandor Funtek est la raison principale d’aller voir ce premier long-métrage. Il suffit en fait de la première séquence de K contraire, au cours de laquelle il récite un texte dans le cadre d’un atelier avant de se chamailler avec ses codétenus, pour nous laisser apercevoir tout le potentiel du comédien. Et même si la mise en scène de Sarah Marx ne va jamais plus loin, au cours de son conte social aussi sobre que déprimant, afin de le pousser dans ses derniers retranchements, la graine de l’espoir d’assister là aux débuts d’une brillante carrière est néanmoins plantée avec adresse. L’occasion de briller, voire de nous épater avec un tour de force digne des meilleures jeunes têtes brûlées du cinéma français récent, fait par contre malheureusement les frais d’un ton qui frise constamment l’abattement. Ainsi, le personnage principal ne réussit à aucun moment de sortir la tête de l’eau, de prendre en toute sérénité la mesure de sa liberté conditionnelle, qui ressemble en fait davantage à un couteau sous la gorge. Or, la réalisatrice sait faire abstraction d’un misérabilisme trop flagrant, grâce à un rythme narratif soutenu, dépourvu de trop d’intrigues annexes. Car si le sort s’acharne autant sur ce jeune homme, écartelé entre ses différentes responsabilités sociales et familiales, qui lui tombent dessus tel un couperet dès qu’il franchit la porte de la prison, c’est aussi parce que tous les personnages de son entourage croulent sous le même engrenage de petites misères matérielles et accessoirement affectives.

© La Rumeur Filme / Orange Studio / Les Films du Cercle / Les Valseurs Tous droits réservés

Synopsis : Après avoir purgé une partie de sa peine, le jeune Ulysse doit gérer simultanément sa réinsertion dans le monde du travail et la prise en charge de sa mère Gabrielle, souffrant d’une dépression chronique. Son ami David a beau lui procurer un emploi en tant qu’associé dans l’exploitation d’un camion-restaurant, il risque de ne jamais s’en sortir face aux dépenses nécessaires pour soigner sa mère. Il accepte alors la proposition de David de se faire rapidement de l’argent en vendant des bières dopées à la kétamine lors d’une rave en province.

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En manque sur le fil

Pourquoi le nouveau projet de vie d’Ulysse, ce nouveau démarrage après de premiers écarts de conduite sanctionnés par des peines de prison, n’a-t-il aucune chance de réussir dans K contraire ? Ce n’est pourtant pas un criminel invétéré, un membre de la société définitivement perdu pour elle faute d’une volonté claire de rédemption. Tel qu’il se présente à nous, par le biais d’une belle nonchalance un peu sauvage qu’on peut deviner dans le jeu plutôt subtil de Sandor Funtek, il appartient davantage à cette catégorie d’hommes prématurément aigris, encore suffisamment attentifs au monde potentiellement périlleux qui les entoure pour ne pas se faire avoir, mais déjà marqués au fer rouge de l’échec existentiel sans appel. Malgré sa tête de chenapan à qui l’on pardonnerait tout, il fait preuve d’une étonnante passivité, aucune de ses urgences du quotidien ne trouvant de solution grâce à son intervention. Ce n’est que dans le cadre codifié de la prison qu’il daigne affirmer son opinion dès le début du film, pour une chose au demeurant aussi anodine que la température du repas servi à ses camarades, tandis que sa stratégie à l’extérieur s’apparentera plus tard à un flottement névrosé, le poussant à réagir plutôt qu’à agir. En ce sens, la conclusion reste quand même cohérente dans le contexte d’un projet scénaristique, qui souhaite avant tout étudier le cercle vicieux d’une réinsertion impossible, au lieu de chercher à le briser artificiellement.

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Tout en bas de l’échelle alimentaire

Au moins, le protagoniste n’est pas le seul à mener le combat, jour après jour, pour une sorte de quiétude matérielle plus que fragile. Il se démène toutefois à titre individuel dans sa roue d’exercice en guise d’échappatoire à la misère inéluctable, les autres personnages ayant des soucis parfois encore plus importants à gérer pour eux-mêmes. Sauf qu’Ulysse ne dispose d’aucun moyen de pression pour se faire respecter, puisque la situation de sa mère malade, interprétée par Sandrine Bonnaire avec son habituelle simplicité désarmante, le rend cruellement dépendant du moindre coup de pouce, aussi tordu soit-il. Au fur et à mesure que le récit avance, dans toute son envergure modeste, il devient donc évident que le plan miracle pour décrocher le pactole, censé couvrir les besoins d’argent les plus pressants, ne se matérialisera jamais. L’association avec David – joué par Alexis Manenti avec un flegme qui exprime beaucoup de dégoût – , dont le parcours s’avère au moins aussi cabossé que celui de Ulysse, devra par conséquent perdurer jusqu’à sa fin tragique. Cette dernière l’est moins par sa gravité que par les conséquences qu’elle aura sur la parenthèse en liberté du personnage principal, d’emblée compromise par une situation de départ bloquée de toute part. Le constat social sur la possibilité d’obtenir une deuxième chance en France aujourd’hui est ainsi particulièrement sombre, sans autre subterfuge pour faire face à la misère que le paradis fort illusoire de la drogue, soit douce comme la clope omniprésente, soit plus costaude à travers l’infiltration de divers niveaux de la société par la kétamine.

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Conclusion

Il y a bon nombre de choses prometteuses à noter dans K contraire : le jeu de Sandor Funtek bien sûr, mais également l’économie épurée de la narration pratiquée par Sarah Marx ! Grâce à elle, l’intrigue avance à une vitesse convenable pour éviter tout écueil susceptible d’inciter à un excès de commisération de la part de personnages dépeints sans la moindre complaisance. En somme, il s’agit d’un drame social sans fioriture, quoique sans signe distinctif majeur non plus.

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