Critique : Jours de France

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Jours de France

France : 2016
Titre original : –
Réalisation : Jérôme Reybaud
Scénario : Jérôme Reybaud
Acteurs : Pascal Cervo, Arthur Igual, Fabienne Babe, Nathalie Richard
Distribution : KMBO
Durée : 2h17
Genre : Drame, romance
Date de sortie : 15 mars 2017

3/5

A 47 ans, le réalisateur cannois Jérôme Reybaud propose Jours de France, son premier long métrage, présenté le 3 septembre dernier à la Semaine de la Critique de la Mostra de Venise. A la fois road-movie permettant de visiter quelques belles régions de notre pays et film sur les relations sentimentales à l’heure des réseaux sociaux, film à la fois irritant et passionnant, Jours de France marque l’émergence d’un réalisateur s’engageant avec pas mal de bonheur sur les traces d’un Paul Vecchialli.

Synopsis : Au petit matin, Pierre quitte Paul. Au volant de son Alfa Roméo, il traverse la France, ses plaines, ses montagnes, sans destination précise. Pierre utilise Grindr, une application de son téléphone portable qui recense et localise pour lui les occasions de drague. Mais Paul y a recours aussi pour mieux le suivre. Au terme de quatre jours et quatre nuits de rencontres – sexuelles ou non – parviendront-ils à se retrouver ?

Road-movie, rencontres, poursuite

Lassitude d’une relation qui n’aurait que trop duré ? Besoin de retrouver une liberté affective et, surtout, sexuelle ? Besoin de retrouver son identité ? Toujours est-il que, vers la fin d’une nuit comme les autres, Pierre, la petite quarantaine, réunit quelques affaires, quitte l’appartement qu’il partageait avec Paul, son compagnon, et se met en route dans son Alfa-Roméo blanche. A part celui de rencontrer des hommes, a-t-il vraiment un but dans cette pérégrination ? En tout cas, de telles rencontres peuvent se faire aussi bien à l’ancienne, en déchiffrant des graffitis dans des toilettes publiques, qu’en utilisant son smartphone, sur lequel a été installée l’application Grindr, une application qui permet à Pierre de recenser les hommes disponibles dans son environnement immédiat. Une application qui permet également à Paul, manifestement toujours amoureux, de pister son compagnon.

Nous voici donc face à un double road-movie au cours duquel les spectateurs sont conviés à parcourir la France des campagnes, des petites villes et des villages, des montagnes et des bords de mer et qui nous permet aussi de constater le côté éminemment serviable de ces jeunes hommes, en particulier dans leurs rapports avec les femmes. En fait, Pierre va rencontrer plus de femmes que d’hommes au cours de son périple, une femme dont la voiture est tombée en panne, une actrice de théâtre, une libraire, une femme âgée cheminant vers une épicerie lointaine avec son caddie, une jeune voleuse, une femme vivant isolée dans le Queyras, en pleine montagne. Entre chaque rencontre, qu’elle soit masculine ou féminine, les paysages traversés sont filmés depuis les véhicules de Pierre et de Paul avec accompagnement de musique, le plus souvent baroque, et un souci du détail particulièrement étonnant, chaque route étant la véritable route évoquée dans les dialogues ou indiquée sur les smartphones.


Un film étonnant

Quel film étonnant, oubliant volontairement de fournir des détails sur des points importants tout en en négligeant aucun sur des aspects beaucoup moins essentiels ! C’est ainsi que, jusqu’au bout, on ne saura pratiquement rien sur le couple formé par Pierre et Paul : depuis combien de temps étaient-ils ensemble ? Comment se fait-il qu’ils connaissent si bien l’application Grindr alors qu’ils sont présentés comme étant un couple établi ? De même, jusqu’au bout on ne connaîtra pas la raison profonde pour laquelle Pierre a décidé de prendre la tangente. Par contre, tout ce qui concerne  son itinéraire est précisé d’une manière ou d’une autre dans les moindres détails : les nombreux villages prétendant être précisément au centre de la France, le col du Glandon, Abriès, le col Agnel, l’Estérel … , et on retrouve le même souci du détail pour les véhicules des protagonistes.

Au final, les rencontres masculines de Pierre sont peu nombreuses, parfois charnelles, parfois touchantes, parfois drôles. Plus nombreuses sont les rencontres avec des femmes, des rencontres souvent improbables avec des femmes toutes plus merveilleuses les unes que les autres et qui donnent naissance à des moments de poésie ou de réflexions littéraires. Dans ce film qui nous montre de façon presque documentaire une facette de la France qu’on connait mal et où se manifeste en filigrane la coupure entre Paris et la France rurale, le ton est souvent mélancolique même si apparaissent de temps en temps quelques touches de drôlerie, comme cette remarque d’un patron d’un bar de Savoie qui se plaint qu’on ne cesse de parler du « vivre ensemble » et jamais du « crever seul », voire un côté carrément absurde, comme la rencontre entre Pierre et la voleuse.

Des retrouvailles qui font plaisir

C’est une colline de l’agglomération cannoise qui a constitué pour Jérôme Reybaud le point de départ de son film : La Croix des Gardes, lieu de rencontres et de drague homosexuelles. Un lieu qu’il a pratiqué dans sa jeunesse et qui l’a ouvert au hasard des rencontres. Concernant les interprètes, on retrouve Pascal Cervo, souvent présent chez Vecchiali et qui joue ici le rôle de Pierre, et Arthur Igual, qui joue Paul et qu’on avait remarqué dans un rôle assez similaire dans L’art de la fugue de Brice Cauvin. A leurs côtés, on a plaisir à retrouver une pléiade de comédiennes et de comédiens trop souvent oubliés par le cinéma français : Fabienne Babe (La femme dont la voiture est tombée en panne), Nathalie Richard (La libraire), Laetitia Dosch (La voleuse), Liliane Montevecchi (L’actrice), Jean-Christophe Bouvet (Le patron de bar), Marie-France (La femme qui vit isolée dans le Queyras). Sans oublier Dorothée Blanck, la femme au caddie, décédée peu de temps après le tournage.

Conclusion

Lorsque vous arrivez l’heure de la conclusion concernant un film qui vous a tout autant irrité que subjugué, un film dont vous pensez qu’il aurait gagné en force à être raccourci de plusieurs minutes, pas de doute : vous vous trouvez gêné aux entournures. Et là, vous vous dites que, malgré ses défauts, il parait évident que Jours de France n’est pas un film qui s’oubliera rapidement et facilement.

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