Critique : Hedi, un vent de liberté

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Hedi, un vent de liberté

hedi-afficheTunisie, Belgique : 2016
Titre original : Inhebbek Hedi
Réalisation : Mohamed Ben Attia
Scénario : Mohamed Ben Attia
Acteurs : Majd Mastoura, Rym Ben Messaoud, Sabah Bouzouita
Distribution : Bac Films
Durée : 1h33
Genre : Drame, Romance
Date de sortie : 28 décembre 2016

3.5/5

Déjà réalisateur de 5 court métrages, Mohamed Ben Attia s’est lancé à 40 ans dans son premier long métrage. Hedi un vent de liberté faisait partie de la sélection officielle lors du dernier Festival international du film de Berlin et il s’est vu décerner deux récompenses : le Prix du meilleur premier film et le Prix d’interprétation masculine attribué à Majd Mastoura.

Synopsis : Kairouan en Tunisie, peu après le printemps arabe.
Hedi est un jeune homme sage et réservé. Passionné de dessin, il travaille sans enthousiasme comme commercial.
Bien que son pays soit en pleine mutation, il reste soumis aux conventions sociales et laisse sa famille prendre les décisions à sa place. Alors que sa mère prépare activement son mariage, son patron l’envoie à Mahdia à la recherche de nouveaux clients.
Hedi y rencontre Rim, animatrice dans un hôtel local, femme indépendante dont la liberté le séduit.
Pour la première fois, il est tenté de prendre sa vie en main.

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Une vie tracée par d’autres

Pour Hedi, l’avenir semble tout tracé. Tracé par d’autres, certes, mais tracé. Tracé par son patron, qui, constatant les problèmes de commandes de véhicules du fait de la crise économique qui sévit en Tunisie, a décidé d’envoyer ses commerciaux faire du démarchage à domicile un peu partout dans le pays : pour Hedi, durant la semaine précédant son mariage, ce sera à Mahdia, à 100 km de Kairouan, la ville où habitent sa famille et sa promise. Tracé, surtout,  par Baya, sa mère, une mère étouffante qui prend les décisions à sa place et qui organise ce mariage avec Khedija, qu’Hedi fréquente depuis 3 ans mais qu’il ne connait pas vraiment. Une mère qui ne cache pas la préférence qu’elle a pour Ahmed, le frère ainé, lequel, après de brillantes études, travaille en France comme ingénieur. Toutefois, pour Hedi, tout cela n’a guère d’importance : pour l’artiste qu’il est, sa vraie vie se déroule lorsqu’il dessine et son rêve, c’est qu’un jour ses dessins puissent être publiés. Jusqu’au jour où sa rencontre avec Rim, une animatrice de l’hôtel où il loge à Mahdia, va arriver à le métamorphoser : elle est belle, elle est indépendante, elle est libre et, pour elle, faire publier ses dessins ne doit pas rester à l’état de rêve, ce doit être un projet !

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Le poids de la tradition chez un jeune tunisien

Dans un passé récent, nombreux (et souvent excellents !) ont été les films en provenance de pays du Maghreb ou du Moyen Orient montrant et dénonçant le poids des traditions sur la vie des jeunes filles et des femmes. Beaucoup plus rares ont été les films montrant que, dans ces pays, la situation des hommes n’est pas forcément toujours enviable. Certes, l’asservissement qu’ils subissent n’est pas comparable à celui enduré par de trop nombreuses femmes mais le cas présenté par Hedi un vent de liberté est intéressant. Voilà un homme de 25 ans qui, si rien ne change, va se retrouver marié à une femme qu’il n’a pas choisie et qu’il connait à peine. Peut-on parler d’une vie épanouie dans ces conditions, d’autant plus si, professionnellement, le travail effectué ne correspond pas vraiment aux aspirations du jeune homme ? En fait, c’est un parallèle entre le destin d’Hedi et celui des jeunes tunisiens avant et après la révolution de 2010-2011 que Mohamed Ben Attia a cherché à dresser : avant cette révolution, sous la présidence de Ben Ali, les tunisiens et, tout particulièrement, les jeunes tunisiens s’efforçaient tant bien que mal de vivre leur vie sans se poser trop de question. La révolution leur a montré que des choix étaient possibles, situation donnant naissance pour certaines personnes, dont Hedi fait partie, a certaines difficultés existentielles. En fait, Hedi a vécu coup sur coup deux révolutions : celle qu’ont vécu tous les tunisiens et qui a abouti au départ de Ben Ali, puis sa rencontre avec Rim qui lui a montré qu’il pouvait s’opposer à sa mère et choisir lui-même sa propre vie. Des bouleversements importants, mais c’est le prix de la liberté !

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Apprendre à canaliser son énergie

Il était évident que le poids de ce film allait en grande partie reposer sur les épaules de l’interprète d’Hedi. Il parait que Majd Mastoura, le comédien choisi, a dans la vie, un comportement profondément différent de celui de Hedi. Autant Hedi est introverti et calme (« calme » est d’ailleurs ce que signifie ‘Hedi » en arabe tunisien), autant le comédien serait extraverti et, souvent, exubérant. Majf Mastoura a donc dû apprendre à canaliser son énergie pour entrer dans le personnage d’Hedi. On peut penser qu’il a presque trop bien réussi cet apprentissage, le Hedi du début du film arborant en permanence, de façon un peu trop ostensible, le masque de l’homme qui ne goutte pas la vie qu’il mène. A ses côtés, Rym Ben Messaoud, qui interprète le rôle de Rim, respire la liberté et la joie de vivre : une belle découverte. Quant à la Tunisie que nous montre le réalisateur, elle ne peut qu’attrister les spectateurs : une crise économique évidente, des hôtels presque vides, désertés par les touristes.

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Ce premier long métrage du réalisateur tunisien Mohamed Ben Attia est une réussite très prometteuse, tant au niveau de la forme que du fond. On n’est pas vraiment étonné de constater que les frères Dardenne ont coproduit ce film !

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