Critique : Frida viva la vida

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Frida viva la vida

Italie : 2019
Titre original : –
Réalisation : Giovanni Troilo
Scénario : Jacopo Magri, Marco Pisoni, Giovanni Troilo 
Avec : Asia Argento, Hilda Trujillo Soto, Graciela Iturbide
Distribution : Eurozoom
Durée : 1h38
Genre : Documentaire
Date de sortie : 17 novembre 2021

3.5/5

Le photographe et réalisateur italien Giovanni Troilo est manifestement attiré par la peinture : le film qui précédait Frida viva la vida, consacré à l’artiste mexicaine Frida Kahlo, avait pour titre Le ninfee di Monet – Un incantesimo di acqua e luce et était consacré à Claude Monet. 

Synopsis : Le film présente les deux facettes de Frida Kahlo : d’un côté, l’artiste révolutionnaire, pionnière du féminisme contemporain; de l’autre, l’être humain, victime d’un corps torturé et d’une relation tourmentée. Au fil de la narration d’Asia Argento, ces deux aspects de l’artiste sont révélés par le biais des paroles de Frida, tirées de ses lettres, journaux intimes et confessions privées. Le film présente tour à tour entretiens, documents originaux, reconstructions captivantes et tableaux de l’artiste conservés dans certains des plus extraordinaires musées du Mexique.

Un accident qui a décidé de sa vie

« J’ai perdu trois enfants et d’autres choses qui auraient pu combler mon horrible vie. Ma peinture a pris la place de ces choses ». C’est par ces mots de Frida Kahlo que commence Frida viva la vida. Née à Mexico en 1907, décédée dans la même ville en 1954, cette artiste a vu sa notoriété grandir petit à petit de son vivant et bien plus encore après sa mort. A titre d’exemple, lorsque, en 1929, elle épouse le peintre Diego Rivera, de 21 ans son aîné, celui-ci est un peintre internationalement reconnu alors que Frida commence tout juste à se faire un nom dans son pays. Aujourd’hui, Frida Kahlo est une des artistes du 20ème siècle les plus connues dans le monde et sa célébrité est indéniablement plus grande que celle de Diego Rivera !

Frida a donc qualifié sa vie d’horrible et, bien sûr, le film va nous expliquer pourquoi. S’il se montre muet sur la poliomyélite qui a touché Frida lorsqu’elle avait six ans, il est beaucoup plus disert sur le terrible accident de bus qu’elle a vécu alors qu’elle avait 18 ans, le bus dans lequel elle était avec Alejandro, son petit ami de l’époque, ayant percuté un tramway. Résultats : Frida s’est retrouvée avec le pied droit en lambeau, la jambe droite fracturée, la colonne vertébrale brisée, son abdomen et sa cavité pelvienne transpercé.e.s par une barre métallique. Des blessures dont elle eut à subir les conséquences durant toute son existence, le fait d’accumuler les fausses couches n’étant pas la moindre. Par contre, cet accident a eu pour elle une conséquence positive puisque c’est à partir de là que Frida Kahlo s’est mise à peindre. En effet, après un mois d’hôpital elle a passé 8 mois alitée dans la demeure familiale, 8 mois dans un lit au dessus duquel ses parents avaient installé un miroir ce qui lui permettait de peindre en utilisant son propre reflet comme modèle. De quoi, peut-être, faire naitre son crédo « je me peints car je suis le sujet que je connais le mieux ». Toujours est-il que sur les 143  tableaux qu’elle a peints, 55 sont des auto-portraits. On notera que c’est Frida Kahlo elle-même qui refusait d’être enfermée dans le mouvement surréaliste, affirmant qu’elle peignait la réalité telle qu’elle la voyait.

La richesse du documentaire

Pour raconter la vie de Frida Kahlo, Giovanni Troilo a utilisé plusieurs « procédés » différents. La présence d’Asia Argento peut surprendre car on ne voit pas très bien les liens qu’elle peut avoir avec Frida Kahlo. Par contre le fait d’être italienne la rapproche du réalisateur. En tout cas, force est de reconnaitre qu’on la voit et qu’on l’entend peu et sa présence n’apporte pas grand chose au film ! Par contre, ce qui donne une grande partie de sa substance au film, ce sont les interventions de deux femmes, deux mexicaines, qui elles ont des liens très forts avec Frida. Hilda Trujillo Soto est la directrice du Musée Frida Kahlo qui occupe depuis plusieurs années la « maison bleue », la maison du quartier de Coyoacán qui a vu naître Frida Kahlo et où elle est décédée. Hilda, qui est également directrice du musée Anahuacalli, musée d’art préhispanique conçu par Diego Rivera, est peut-être la personne qui connait le mieux l’histoire de Frida Kahlo.

L’autre intervenante dont on apprend beaucoup est la très renommée photographe Graciela Iturbide à qui Hilda Trujillo Soto a fait appel lorsque la décision a été prise de rouvrir la salle de bain de la maison bleue, après 50 ans de fermeture sur décision de Diego Rivera. Une salle de bain qui est une sorte de résumé de Frida Kahlo, avec ses corsets, ses béquilles, ses drogues pour calmer la douleur et les portraits de personnalités communistes qu’elle admirait. On notera que Graciela Iturbide n’adhère pas à la thèse qui fait de Frida Kahlo une icône du féminisme : pour elle, cette femme très libre, en particulier sexuellement, était quand même soumise à un homme, Diego Rivera, son mari. A côté de ces interventions, ainsi que de celles de Alfredo Vilchis, un peintre d’ex-votos, et de la photographe Cristina Kahlo, petite-nièce de Frida, le film donne à voir de très nombreux tableaux, ce dont on se félicite, d’autant plus qu’ils sont en général intelligemment placés dans le contexte de la vie de Frida. Giovanni Troilo a également été puiser dans des images d’archive et il nous régale de très belles séquences, souvent prises à partir de drones, montrant la ville de Mexico à une période où elle est la plus belle : l’époque où les jacarandas sont en fleur. Par contre, on se montre moins réceptif à un procédé récurrent : les déambulations dans divers lieux d’une jeune fille habillée en blanc, qui ne ressemble pas du tout à Frida Kahlo et dont on se demande ce que sa présence peut apporter au film.

Ce qui manque dans le documentaire

Très complet en ce qui concerne l’apport de Frida Kahlo à la peinture du 20ème siècle, sur ses douleurs physiques ainsi que sur la partie sentimentale de sa vie avec des hommes, Diego Rivera, son mari, en premier lieu, mais aussi Leon Trotski dont tout porte à croire qu’il fut son amant, Frida viva la vida est beaucoup moins prolixe en ce qui concerne deux facettes importantes de la vie de Frida : sa bisexualité qui, par exemple, l’a conduite, semble-t-il, à avoir une relation avec la chanteuse de ranchera Chavela Vargas ; plus important, on regrette que l’attirance de Frida pour l’idéologie communiste soit si peu développée. En fait, il faut attendre l’évocation des funérailles de celle dont André Breton avait dit « L’art de Frida Kahlo est un ruban autour d’une bombe » pour en prendre conscience au travers d’une anecdote : le Directeur des Beaux-Arts de l’époque a été licencié parce qu’il n’a pas fait retirer le drapeau communiste du cercueil de Frida Kahlo !

Conclusion :

Même s’il n’est pas totalement exhaustif quant à la vie si riche de Frida Kahlo, Frida Viva la vida a l’énorme mérite de nous la présenter au travers de rencontres avec des personnes qui connaissent très bien ce qu’a été son existence et aussi, surtout, de nous montrer un grand nombre de ses tableaux, en s’attachant en plus à les situer dans le contexte de son existence. 

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