Critique Express : Mission régénération

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Mission régénération

Etats Unis : 2020
Titre original : Kiss the ground
Réalisation : Joshua Tickell, Rebecca Tickell
Scénario : Joshua Tickell, Rebecca Tickell, Johnny O’Hara
Interprètes : Ray Archuleta, Allan Savory, Stéphane Le Foll, Paul Hawken
Distribution : Destiny Films
Durée : 1h25
Genre : Documentaire
Date de sortie : 9 novembre 2022

4/5

Synopsis : Les sols de la planète sont LA clé pour inverser le réchauffement climatique. En effet, en les régénérant, nous pouvons totalement stabiliser le climat de la Terre, restaurer les écosystèmes perdus et créer des réserves alimentaires abondantes. De quelle manière la nourriture que vous mangez peut inverser le cours des choses, guérir votre corps et finalement sauver notre monde ?

Raconté par Woody HARRELSON, ce film inspirant et révolutionnaire révèle la première solution viable à notre crise climatique.

 

La solution est sous nos pieds ! On veut y croire …

Les documentaires consacrés au réchauffement climatique et à ses conséquences se suivent, se ressemblent souvent mais … pas toujours ! Mission régénération fait partie des documentaires qui sortent du lot, car, sans pour autant cacher la situation catastrophique dans laquelle se trouve notre planète (et encore, le film datant de 2020, il ne pouvait pas prendre en compte les évènements météorologiques particulièrement inquiétants de l’année 2022 !), il s’avère d’un grand optimisme en proposant un ensemble de solutions qui, prises en compte sérieusement sur l’ensemble de la planète, devraient permettre de faire à nouveau de celle-ci un espace où il fait bon vivre. Pour Joshua Tickell et Rebecca Tickell, le réalisateur et la réalisatrice du film, ainsi que pour les nombreux spécialistes de l’environnement qu’on entend s’exprimer, l’ensemble des solutions peut se résumer en une formule d’une grande simplicité : régénérons le sol qu’on a sous nos pieds. En effet, partout dans le monde, les sols ont commencé à être détériorés dès l’invention des moyens industriels de labour et cette détérioration s’est amplifiée avec l’agriculture industrielle mettant en œuvre un grand nombre de produits chimiques. Gardons en tête le cercle vicieux de l’agriculture industrielle : plus le sol est labouré, plus il s’affaiblit et plus les agriculteurs ont recours aux produits chimiques.

Un sol sain et des plantes saines ont la capacité d’absorber le CO2 alors que, au contraire, du CO2 est rejeté dans l’atmosphère lorsqu’on détruit le sol. Le film montre deux surfaces agricoles voisines : l’une, de type monoculture et traitée de façon industrielle, avec labours intensifs et produits chimiques, est manifestement en voie de désertification, l’autre traitée en mode agriculture régénératrice avec un minimum d’intervention mécanique, une diversification des cultures, la présence de plantes vivaces et d’arbres, l’utilisation de compost et l’intégration des animaux en pâturage, est indiscutablement en bonne santé. Un autre exemple particulièrement impressionnant que nous montre le film, c’est ce que la permaculture a permis d’obtenir sur 35 000 km2 du plateau de Loess (approximativement la surface de la Belgique), en Chine, entre 1994 en 2009, avec la vie qui est revenue sur un endroit qui était le plus érodé de la terre.

En regardant Mission régénération, on ressent vraiment l’envie de croire à la possibilité d’améliorer la santé de la terre et notre propre santé, à celle de mettre un terme au réchauffement climatique, en ayant recours à une solution en apparence aussi simple : régénérer le sol. D’après le film, des sols sains conduisent à une plante saine, une plante saine à un humain sain, à un climat sain. On a l’envie, mais, à la vision de Mission régénération, on ne peut s’empêcher de se poser de nombreuses questions. Peut-on vraiment inverser rapidement la courbe de la concentration en CO2 dans l’atmosphère en se « contentant » de régénérer les sols ? Pourquoi les solutions proposées dans le film sont-elles si rarement évoquées, voire jamais, dans les médias et lors des campagnes électorales ? Pourquoi l’ensemble de la planète ne se mobilise-t-elle pas pour imposer l’ensemble des solutions proposées dans le film ? Pourquoi, lorsqu’un pas majeur est fait en avant comme l’initiative 4 pour 1000 lancée lors de la COP21, le 1er décembre 2015, par Stéphane Le Foll, alors Ministre de l’agriculture de notre pays, n’en entendons nous plus parler 7 ans après ?

En fait, on arrive facilement à prendre à son compte nombre des propositions évoquées dans le film et on est sans doute très nombreux à s’impatienter face à la lenteur des changements espérés. C’est ainsi que de plus en plus de citoyens et de citoyennes sont convaincu.e.s de la nocivité de l’agriculture industrielle, mais est-il pour autant d’actualité de passer massivement à une agriculture plus soucieuse de la santé des sols ? De même, de plus en plus de citoyens et de citoyennes sont convaincu.e.s du danger que représente le glyphosate pour la santé des sols et des humains, mais pourquoi autant de temps est-il pris pour l’interdire ? Par ailleurs, on a beaucoup parlé de la capacité des arbres à absorber du CO2, ne serait-ce qu’à propos de la destruction de la forêt amazonienne sous la présidence de Bolsonaro, mais on parle moins de la capacité de toutes les plantes à faire de même. Pour autant, il n’est pas interdit d’observer une certaine crédulité quant à la capacité qu’auraient les sols de la planète, une fois régénérés, d’inverser rapidement la courbe de la concentration en CO2 dans l’atmosphère. Et quid de cette réhabilitation de la viande de boucherie selon laquelle le problème ne vient pas des animaux, mais de l’endroit où ils se trouvent ? D’après le film, dans une pâture, les gaz à effet de serre des animaux seraient absorbés et on pourrait utiliser l’élevage pour inverser la désertification ! Des affirmations étayées par l’exemple de la gestion holistique de l’élevage opérée par Allan Savory au Zimbabwe, mais que notre esprit critique ne peut s’empêcher de discuter en faisant remarquer que l’espace dont on dispose en Europe pour élever des animaux n’est pas comparable à celui dont il dispose au Zimbabwe.

De toute évidence, même si on peut s’interroger sur la pertinence de tout ce que le film propose pour sauver la planète, Mission régénération est à la fois un film passionnant à regarder et un film important, ne serait-ce, justement, que par toutes ces interrogations qu’il génère chez les spectateurs et qui en amèneront beaucoup à rechercher des réponses. Mission régénération va sortir dans notre pays en version originale sous-titrée et en version française. Dans la version originale, le film est commenté par l’acteur et dramaturge Woody Harrelson, très impliqué dans la cause environnementale. Dans la version française, le commentaire est assuré par Edouard Bergeon, le réalisateur de Au nom de la terre, et c’est Pascal Elbé qui prête sa voix à l’agronome Ray Archuleta, intervenant important du film.


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