Critique Express : Les miens

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Les miens 

France : 2022
Titre original : –
Réalisation : Roschdy Zem
Scénario : Roschdy Zem, Maïwenn
Interprètes : Roschdy Zem, Sami Bouajila, Maïwenn, Meriem Serbah
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h25
Genre : drame
Date de sortie : 23 novembre 2022

3.5/5

Synopsis : Moussa a toujours été doux, altruiste et présent pour sa famille. À l’opposé de son frère Ryad, présentateur télé à la grande notoriété qui se voit reprocher son égoïsme par son entourage. Seul Moussa le défend, qui éprouve pour son frère une grande admiration. Un jour Moussa chute et se cogne violemment la tête. Il souffre d’un traumatisme crânien. Méconnaissable, il parle désormais sans filtre et balance à ses proches leurs quatre vérités. Il finit ainsi par se brouiller avec tout le monde, sauf avec Ryad…

Une histoire de famille tout à fait universelle

Une famille, des frères, des sœurs, des fils, des filles, des nièces, des neveux, même si leurs niveaux de vie ne sont pas les mêmes, c’est une famille ; il y a de l’amour, il y a parfois des frictions, c’est une famille. Dans la famille que nous montre Les miens, il y a 4 frères et une sœur. Parmi les frères, une personnalité de l’audiovisuel, le présentateur vedette d’une émission consacrée au football, genre Télefoot ou Canal Football Club ; un autre frère est directeur financier et il se montre désespéré de ne pas pouvoir entrer en contact avec sa femme, laquelle vit à l’étranger ; et il y a aussi un chauffeur de taxi et un chômeur. Quant à la sœur, c’est elle qui « tient » la famille depuis la mort des parents. Dans la génération suivante, on trouve aussi bien un serveur de restaurant, un conspirationniste, qu’une jeune fille qui fait des vidéos suivies par des milliers de gens. Tout cela constituant une famille vivant une vie de famille tout à fait banale, n’était peut-être la notoriété d’un de ses membres. Jusqu’au jour où l’un des frères, le directeur financier, subit un grave traumatisme crânien à la suite d’une chute. Souffrant de cet handicap invisible qu’est le syndrome frontal, lui, d’habitude si doux, si gentil, se transforme subitement en homme odieux, à la férocité sans limite, au langage totalement désinhibé, capable de se montrer d’une grande méchanceté avec son entourage, même si, parfois, cela consiste à dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas mais en étant arrêté par un très puissant filtre social. Quand son frère vedette de la télé dit à sa famille « Je vous aime » et qu’il répond « ça ne se voit pas », cela traduit sans doute l’opinion générale de la famille, laquelle n’a en fait jamais osé se montrer aussi franche envers sa « star », même s’il arrive qu’il soit gentiment accusé d’égoïsme et de ne pas être assez disponible pour sa famille. Par contre, quand il dit à sa nièce que ses vidéos sont nulles et qu’elle est laide, il est sans doute le seul à le penser … s’il le pense vraiment ! Dire que ce nouveau type de comportement provoque une sorte de séisme au sein de cette famille jusqu’ici unie est un euphémisme !

Ah, au fait, quelques tout petits détails presque sans importance : Le présentateur vedette se prénomme Ryad, le directeur financier qui souffre d’un traumatisme crânien se prénomme Moussa, autour d’eux, il y a Samia, Salah, Adil, Nesrine, Amir. Eh oui, que voulez vous, l’histoire évoquée ci-dessus et que raconte Les miens se déroule dans une famille française dont tous les membres sont d’origine marocaine. Des détails presque sans importance ? En fait non, car, avec cette histoire au caractère universel qui pourrait se dérouler aussi bien en Bretagne ou en Espagne, ce film montre qu’une famille française aux origines maghrébines peut parfaitement représenter la famille française moyenne et ce n’est pas sans importance ! Petit avantage, toutefois, de ces origines marocaines : la possibilité d’assister au divorce digital, en visio via Internet, de Moussa avec cette épouse qu’il n’arrivait pas à joindre et qui se trouve au Maroc. Le coût ? 300 Euros.

C’est dans sa propre famille que Roschdy Zem a trouvé le sujet de ce qui est son 6ème long métrage en tant que réalisateur : un jeune frère a en effet connu la mésaventure rencontrée par Moussa et le réalisateur n’a pas pu s’empêcher, en vivant les conséquences de ce traumatisme, de voir le potentiel comique caché dans ce drame, lui permettant d’envisager un film dans la lignée de ceux d’un Ettore Scola. Pour l’écriture du scénario, il a fait appel à Maïwenn pour le seconder, grande spécialiste des rapports familiaux au cinéma. Ce n’est peut-être pas un hasard si les scènes les plus fortes du film sont celles entre Ryad, interprété par Roschdy Zem, et Emma, sa compagne, interprétée par Maïwenn. Il parait évident que Roschdy Zem a mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Ryad et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas tendre avec lui-même, faisant, comme il le dit lui-même, « une sorte de mise en abyme de ses dysfonctionnements » : autocentré, consacré entièrement à lui, ayant des difficultés à se confier. Mais peut-être sont-ce ces défauts qu’il reconnait lui-même qui lui ont permis de devenir un des meilleurs comédiens du cinéma français contemporain, voire le meilleur. A côté de lui, un autre très grand comédien, Sami Bouajila dans le rôle de Moussa. Parmi les autres interprètes qui, toutes et tous, donnent une interprétation de très bonne qualité, on remarque particulièrement Meriem Serbah, absolument remarquable dans le rôle de Samia, la sœur de Ryad et de Moussa. Ce film, qui mélange drame et comédie, parfois drôle, parfois émouvant, toujours très juste, était en compétition lors de la dernière Mostra de Venise, il y a 2 mois 1/2.


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