Critique Express : J’étais à la maison, mais …

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J’étais à la maison mais …

Allemagne : 2019
Titre original : Ich war zuhause, aber …
Réalisation : Angela Schanelec
Scénario : Angela Schanelec
Interprètes : Maren Eggert, Jakob Lassalle, Franz Rogowski
Distribution : Shellac
Durée : 1h45
Genre : Drame
Date de sortie : 5 janvier 2022

3/5

Synopsis : Alors qu’il avait totalement disparu, Phillip revient à la maison au bout d’une semaine, blessé au pied, sans aucune explication ni un mot pour sa mère, Astrid. Profondément affectée et avec l’aide d’un professeur de Philip, elle cherche à répondre à des questions a priori insolubles : où était-il passé ? À quoi a-t-il bien pu vouloir se confronter ?

Un film sans véritable intrigue mais qui intrigue 

Si l’on met de côté les films qu’on a déjà oublié quelques semaines, voire quelques jours après qu’on les ait vus, le souvenir qu’on a des films peut très souvent trouver sa place dans une des deux catégories suivantes : d’un côté les films qui ont laissé dans notre mémoire la trace d’une histoire qu’on est capable de raconter avec plus ou moins de détails, de l’autre côté les films dont on se remémore parfaitement un certain nombre de scènes, mais pour lesquels il s’avère difficile, voire impossible, de raconter une véritable histoire en reliant ces scènes les unes aux autres. C’est plutôt à cette deuxième catégorie qu’appartient J’étais à la maison, mais … Certes, on se souviendra qu’il est question dans ce film d’une mère, Astrid, et de ses 2 enfants, Phillip et Flo, on se souviendra que le mari d’Astrid, un metteur en scène est mort 2 ans auparavant et que Phillip a disparu dans la nature pendant une semaine. On se souviendra aussi de ces nombreuses séquences au cours desquelles des collégiens répètent des scènes d’Hamlet. Mais, avec toutes les scènes dont on se souvient, comment reconstituer une histoire ? Est-ce un défaut, est-ce grave, docteur ? Pas du tout ! D’autant plus qu’on aime cette façon de tourner en plans séquence, parfois très longs, souvent magnifiques, d’autant plus que la photographie du serbe Ivan Markovic est superbe, d’autant plus que le film dégage une grande tension et qu’il nous fait réfléchir sur rien moins que le sens de l’existence et sur la place de l’art dans notre vie. Alors quelle importance de ne pas bien comprendre ce que viennent faire ces images d’un chien, d’un lapin et d’un âne investissant une cabane au début et à la fin du film, quelle importance de ne plus se rappeler si une histoire de vélo qu’on veut revendre à celui à qui on l’a acheté, un homme qui a subi une trachéotomie et qui s’exprime difficilement, précède ou non celle d’un conseil de classe qui doit statuer sur le cas de Phillip ? Et, même si on ne souvient plus par quoi cette scène est précédée ni par quoi elle est suivie, un amateur de cinéma ne peut que savourer ce plan séquence de 10 minutes, vers le mitan du film, où l’on voit Astrid marcher aux côtés d’un metteur en scène et discuter avec lui à propos d’un film, en désaccord qu’ils sont sur le fait de mettre des artistes au chevet des malades : d’une manière générale, pour Astrid, un acteur ou une danseuse sont dans le contrôle alors qu’un malade ne contrôle rien.

On ne peut qu’être surpris par le nombre de réalisateurs auxquels Angela Schanelec est comparée suite à la réalisation de J’étais à la maison, mais … . Le premier, c’est Yasujirō Ozu et c’est la réalisatrice elle-même qui le revendique, le titre qu’elle a choisi ayant été inspiré par son film qu’on connait sous le titre de Gosses de Tokyo, mais dont le titre allemand était « Ich wurde geboren, aber… ». Mais, à droite ou à gauche, on évoque Robert Bresson, Michael Haneke, Teresa Villaverde, auxquels il ne serait pas stupide de rajouter Michelangelo Antonioni puisque le thème de l’incommunicabilité est très présent dans le film. Cela étant, Angela Schanelec est avant tout elle-même, une réalisatrice confirmée à qui on doit des films comme Marseille et Orly, une réalisatrice qui sait donner de la force à des scènes qu’on pourrait penser insignifiantes, une réalisatrice dont le réalisme n’est jamais très loin du fantastique et qui, grâce à J’étais à la maison, mais …, a obtenu l’Ours d’Argent de la meilleure réalisation lors du Festival international du film de Berlin 2019.

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