Critique Express : Demain je traverse

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Demain je traverse

Grèce : 2019
Titre original : I will cross tomorrow
Réalisation : Sepideh Farsi
Scénario : Sepideh Farsi, Youla Boudali
Interprètes : Marisha Triantafyllidou, Hanaa Issa, Lydia Fotopoulou
Distribution : Solaris Distribution
Durée : 1h21
Genre : Drame
Date de sortie : 15 juin 2022

3/5

Synopsis : Maria est policière, grecque, divorcée et fille unique. Elle jongle avec ses problèmes d’argent, sa fille adolescente, sa vieille mère et la crise grecque. Son commissariat ferme à Athènes et elle doit accepter un poste sur l’île de Lesbos, aux confins de la mer Egée.
Yussof, un jeune syrien qui fuit la guerre pour ne plus être obligé de tuer, arrive à Lesbos dans un camp de réfugiés et veut aller de l’avant en Europe. Il passe par Athènes où Maria revient pour rechercher sa fille qui a disparu.
Leur destin se croise un bref moment dans une Grèce qui semble être une zone de paix, mais qui en réalité ne l’est plus. Celui qui semble être le plus libre des deux, l’est peut-être le moins…

Deux pays en phase de destruction

Demain je traverse : non, ce film ne nous parle pas d’un chômeur français à qui il suffit, comme chacun sait, de traverser la rue pour trouver du travail. Non, la traversée dont il s’agit, c’est celle que fait un syrien pour arriver en Europe. Ce syrien, il s’appelle Yussof Moussa, il a 25 ans et s’il s’est enfui de son pays, c’est pour ne plus être obligé de tuer. Sa traversée s’est mal passée, un enfant étant tombé à l’eau et s’étant noyé. Lui qui avait été obligé d’assurer la conduite du bateau parce qu’il n’avait pas les moyens financiers de payer les passeurs, Yussof, mené dans le camp de réfugiés de Lesbos, va faire connaissance avec la police grecque et, plus particulièrement, avec Maria Ioannos. Celle-ci est une femme divorcée, la bonne trentaine, voire la quarantaine, qui vivait à Athènes avec sa fille Daphné, âgée de 16 ans, et sa mère. Sans que cela soit montré de façon appuyée, on prend conscience qu’elle a, comme nombre de ses concitoyens, de sérieux problèmes financiers qu’elle essaye de résoudre tant bien que mal.

Son poste à Athènes ayant été supprimé, elle s’est retrouvée mutée sur l’île de Lesbos, une île très proche des côtes de la Turquie et qui, à ce titre, voit arriver un grand nombre de migrants en provenance du Moyen Orient. La traversée de Demain je traverse, c’est donc également celle entre Athènes et Lesbos pour la policière Maria et aussi, celle dans l’autre sens, lorsque Maria, accompagnée de Yussof, retourne à Athènes pour s’efforcer de retrouver Daphné, sa fille qui a disparu. L’interrogatoire de Yussof et la mutation de Maria vont amener un rapprochement inattendu entre un représentant d’un pays détruit par une guerre et une représentante d’un pays détruit par une crise économique.

Sepideh Farsi, la réalisatrice iranienne de Demain je traverse, est née à Téhéran en 1965 et elle est venue à Paris pour étudier les mathématiques en 1984. Très vite, son intérêt pour les arts visuels l’ont amenée à se tourner vers la photographie, puis vers le cinéma. Demain je traverse est son 4ème long métrage de fiction. A l’opposé de la mode actuelle, constatée à profusion lors du dernier Festival de Cannes et qui consiste pour de nombreux réalisateurs à revenir au format carré, elle a tourné Demain je traverse dans un format scope dont elle fait un très bon usage. Cette rencontre improbable entre deux personnages venant de deux mondes différents, Sepideh Farsi la portait en elle depuis une dizaine d’années. Au départ, elle devait se dérouler à Rome, elle s’est ensuite déplacée à Marseille, pour finir en Grèce, en grande partie du fait du contexte de crise économique dans ce pays et de l’aggravation de la situation migratoire le touchant du fait de la guerre civile en Syrie, très proche d’un point de vue géographique.

Pour interpréter le rôle de Maria, Sepideh Farsi a hésité avant de porter son choix sur Marisha Triantafyllidou dont elle appréciait le jeu mais dont elle trouvait l’apparence trop douce par rapport à la dureté qu’elle recherchait. Après avoir vu d’autres actrices, elle est revenue vers Marisha en lui demandant d’aller contre sa douceur naturelle. Trouver l’interprète de Yussof a été difficile et c’est finalement dans un groupe de jeunes acteurs issus de l’école d’art dramatique de Damas et réfugiés en Europe qu’elle a trouvé son bonheur : cette traversée vers la Grèce, Hanaa Issa, qui était réfugié en Autriche, en avait l’expérience, l’ayant lui-même effectuée dans sa vraie vie, un véritable plus pour interpréter le rôle de Yussof. Concernant la musique, on est en droit de penser que Sepideh Farsi a un faible pour la trompette puisque, après avoir choisi Ibrahim Maalouf pour la musique de Red Rose, un de ses films précédents, c’est cette fois ci au trompettiste de jazz Eric Truffaz qu’elle a fait appel. Même si on a parfois le sentiment que les conséquences de la disparition de Daphné et la brève histoire d’amour entre Maria et Yussof se marchent un peu sur les pieds, Demain je traverse a le mérite de confronter avec une discrétion louable les problèmes économiques de la Grèce et les horreurs de la guerre civile en Syrie.

https://www.youtube.com/watch?v=BHky0fPzJaU

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