Critique Express : 107 mothers

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107 mothers

Slovaquie, République tchèque, Ukraine : 2021
Titre original : Cenzorka
Réalisation : Péter Kerekes
Scénario : Ivan Ostrochovský, Peter Kerekes
Interprètes : Maryna Klimova, Iryna Kiryazeva, Lyubov Vasylyna
Distribution : Les Alchimistes
Durée : 1h33
Genre : Drame
Date de sortie : 14 septembre 2022

3/5

Synopsis : Lyesa donne naissance à un petit garçon dans une prison d’Odessa, en Ukraine. Ici, les mères peuvent s’occuper de leurs enfants jusqu’à leurs trois ans. Ensuite, il faut trouver un membre de la famille prêt à le recueillir, ou c’est le placement définitif en orphelinat. À l’approche de l’anniversaire fatidique, Lyesa tente tout pour ne pas être séparée de son fils.

Quelque part entre fiction et documentaire

Le cheminement entre l’idée de départ d’un film et ce que les spectateurs finissent par voir sur un écran est parfois très tortueux. Pour 107 mothers, l’idée de départ est née en Arabie Saoudite lors d’un transit de Martin Kollar, le Directeur de la photographie slovaque du réalisateur de documentaires slovaque Péter Kerekes : en feuilletant des magazines féminins, il a remarqué des bandes noires, tracées à la main, qui barraient les poitrines et les mini-jupes des femmes. D’où l’idée d’un film sur la censure. De l’idée d’un film consacré à la personne ou aux personnes qui ajoutent des bandes noires aux seins des femmes, Peter et Martin sont passés à la censure des films au Nigeria, deuxième puissance cinématographique au monde en nombre de films produits par an. Finalement, ils ont jeté leur dévolu sur la censure dans les prisons, avec les lettres qui arrivent et celles qui partent qui sont lues par des surveillants ou des surveillantes de prison, avec les communications téléphoniques autorisées qui sont écoutées. Le plus souvent ces lettres et ces communications sont destinées aux conjoints ou aux conjointes, aux mères, et le plus souvent, elles débordent d’amour.

Si le titre original du film, Cenzorka, a conservé ce lien avec cette notion de censure, si le film montre à plusieurs reprises des lectures de lettre ou des écoutes par une surveillante, le centre de gravité du film a fini par encore changer. Tout d’abord, pour des raisons liées à la protection des données, le courant n’est pas passé avec les administrations de l’Union Européenne. Le réalisateur s’est alors dirigée vers l’Ukraine et a visité plusieurs prisons ce pays. Dans l’une d’entre elles, La Colonie 74 dOdessa, une des deux seules prisons dUkraine où de jeunes et de futures mères sont incarcérées, il a rencontré Iryna, une des gardiennes, un personnage qui l’a tellement fasciné qu’il a abandonné l’idée d’un documentaire sur la censure pour s’orienter sur une fiction dans laquelle elle interpréterait son propre rôle.

Pour devenir une fiction (très proche d’un documentaire) sur une prison pour femmes, avec des mères, avec des enfants, avec des surveillantes, 107 mères emprisonnées ont été interviewées et beaucoup ont interprété leur propre rôle. Parmi toutes ces femmes, l’intérêt du spectateur va se porter sur deux personnages principaux : Iryna, la gardienne, une fonctionnaire dont la vie n’est finalement pas très différente de celle des prisonnières. En effet, elle habite dans un logement de fonction d’où elle voit la prison depuis ses fenêtres et elle ne sort que très rarement de cet univers. Elle qui cohabite avec des femmes et leurs bébés, elle est, à chaque rencontre avec elle, tarabustée par sa mère qui lui reproche de ne pas faire d’elle une grand-mère. Avec les prisonnières, elle se conduit avec certaines d’entre elles comme une mère, avec d’autres comme une amie ou comme une confidente. Et, par ailleurs, elle lit leur courrier, elle écoute leurs conversations. L’autre personnage principal, c’est Lyesa, une femme qui a tué son mari par jalousie et qui, arrivée enceinte dans la prison, accouche alors qu’elle purge sa peine. Au retour de l’accouchement, 14 jours de confinement, sans même pouvoir voir et allaiter son bébé : sans doute pour éviter une contamination dans un environnement de mères et d’enfants en bas âge. Ensuite, comme les autres mères, elle va avoir la possibilité de passer du temps avec son enfant, ne serait-ce que pour l’allaiter. D’ailleurs, une des plus belles scènes du film voit un chariot avec plusieurs bébés arriver dans une pièce dans laquelle des mères sont assises sur un canapé. Les mères se lèvent, prennent chacune leur bébé dans leurs bras et, dans un grand silence, les bébés se mettent à téter. Comme pour les autres femmes condamnées pour des motifs similaires au sien, la peine infligée à Lyesa est de 7 ans, avec l’espoir, en tant que mère, d’une libération conditionnelle au bout de 3 ans. Si cette libération conditionnelle n’est pas acceptée, il faut trouver une solution pour l’enfant, que ce soit auprès d’un membre de sa propre famille, mère, sœur, ou même, malgré le poids du crime commis, d’un membre de la belle-famille. Sinon, c’est l’orphelinat.

Quelque part entre documentaire et fiction, inspiré de l’histoire véritable de Iryna, Lyuba, Maryna  et de 107 mères de la prison d’Odessa, associant une comédienne professionnelle, Maryna Klimova, dans le rôle de Lyesa, à toutes les véritables mères purgeant leurs peines, 107 mothers se permet, à la toute fin du film, un clin d’œil à la fameuse scène du landau dans les escaliers d’Odessa.


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