Critique : Blue bayou

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Blue Bayou

Etats-Unis : 2021
Titre original : –
Réalisation : Justin Chon
Scénario : Justin Chon
Interprètes : Justin Chon, Alicia Vikander, Mark O’Brien
Distribution : Universal Pictures International France
Durée : 1h58
Genre : Drame
Date de sortie : 15 septembre 2021

3.5/5

Né en Californie de parents aux origines coréennes, Justin Chon a commencé sa carrière cinématographique en tant que comédien. Tout en continuant cette carrière de comédien, il s’est lancé dans la réalisation de court-métrages en 2013 puis il a réalisé son premier long métrage en 2015. Blue Bayou est son 4ème long métrage en tant que réalisateur. Ce film faisait partie de la sélection Un Certain Regard de Cannes 2021 et il est également en compétition au Festival du Cinéma américain de Deauville 2021.

Synopsis : Antonio LeBlanc, d’origine américano-coréenne, a été adopté et a passé sa vie dans un petit village du Bayou de Louisiane. Aujourd’hui marié à la femme de sa vie, Katy, ils élèvent ensemble Jessie, la fille de cette dernière, issue d’un premier lit. Alors qu’il travaille dur pour offrir ce qu’il y a de meilleur à sa famille, il va devoir affronter les fantômes de son passé en apprenant qu’il risque d’être expulsé du seul pays qu’il ait jamais considéré comme le sien.

Adopté très jeune en Corée

Antonio LeBlanc est né en Corée, mais il est arrivé aux Etats-Unis en 1988, à l’âge de 3 ans. Sa mère avait essayé de le garder le plus longtemps possible, puis avait essayé de le noyer, avant, finalement, de l’abandonner. Abandonné à nouveau par le couple qui l’avait adopté, passé de famille d’accueil en famille d’accueil, Antonio avait vu son existence trouver une certaine stabilité en Louisiane, autour de Henry et Susanne, mis à part le fait que Henry était violent avec son épouse et avec le gamin. Agé de 35 ans, il gagne sa vie en tant que tatoueur, une vie qu’il partage avec Kathy et Jessie, Kathie une jeune femme que Ace, son premier mari, avait quittée, Jessie, la fille que Kathie a eue avec Ace.

 

 

Automatiquement …

C’est en étant confronté à des articles évoquant les cas d’enfants coréens adoptés par des américains et renvoyés dans leur pays d’origine que Justin Chon a trouvé le point de départ de Blue Bayou. Renvoyés pourquoi ? La plupart du temps parce que leurs parents adoptifs n’avaient pas compris le sens exact du mot « automatiquement » ! En effet, s’il était écrit qu’un enfant adopté à l’étranger par des parents américains recevait automatiquement la nationalité américaine, encore fallait il penser à en faire la demande !! Que voulez vous, des arguties bureaucratiques, on en trouve probablement partout dans le monde ! En tout cas, Justin Chon étant lui-même d’origine coréenne, il ne pouvait pas rester insensible à ces situations. Il a donc bâti un film dans lequel un homme qui a vécu depuis plus de 30 ans aux Etats-Unis, qui ne parle que l’anglais, qui est marié à une américaine avec laquelle il va avoir un enfant se retrouve, suite à un malheureux concours de circonstances, sur le point d’être renvoyé dans un pays dans lequel il n’a aucune attache et dont il ne parle même pas la langue. Ce film, il l’a bâti avec un curieux mélange d’approches différentes : il y a parfois une grande délicatesse, parfois une certaine lourdeur dans le propos, le film tombe parfois carrément dans le pathos et, d’un autre côté, Justin Chon se croit obligé de faire des afféteries inutiles dans le but, probablement, d’échapper à une accusation d’académisme.

Un film qui mérite une visite

Une fois mis de côté les quelques défauts évoquées ci-dessus, Blue Bayou est un film qui mérite une visite, ne serai-ce que pour l’intérêt qu’on ne manque pas de porter au sort de ces jeunes coréens adoptés par des américains et renvoyés à l’âge adulte dans leur pays d’origine. Et il n’y a pas que cela à retenir de Blue Bayou ! C’est ainsi que l’on n’est pas vraiment surpris de constater que, aux Etats-Unis comme en France, il n’est pas toujours facile de se faire embaucher lorsqu’on n’est pas dans la « blanchité » absolue. C’est ainsi qu’on aime la description du lien filial entre Antonio et Jessie, sa petite belle-fille : pour elle, Antonio EST son père, point final. C’est ainsi qu’on rit jaune en voyant l’embarras de Ace, policier de son état, face à la situation d’Antonio : en effet, c’est Denny, son collègue, qui est la cause principale des problèmes d’Antonio avec les services de l’immigration mais, en même temps, il craint que cela se termine par le départ de sa fille Jessie vers la Corée, avec Antonio et Kathy. C’est ainsi qu’on apprécie la comparaison avec leur propre cas, à Antonio et à elle, que Parker, une amie réfugiée vietnamienne d’Antonio, atteinte d’un cancer, fait à propos du nénuphar, si fréquent en Louisiane : ils donnent l’impression de ne pas avoir de racines mais ils en ont. C’est ainsi qu’on goûte la façon dont sont montrées La Nouvelle-Orléans et, plus généralement, la Louisiane et ses bayous.

Et puis, bien sûr, comme on s’y attendait, on finit par entendre « Blue Bayou », la chanson de Roy Orbison, une chanson qui rencontra 2 fois un grand succès : la première fois en 1963, chantée par son auteur, la seconde fois en 1977, interprétée par Linda Ronstadt. Dans le film, c’est Alicia Vikander, la très fine interprète de Kathy, qui en donne une interprétation très attachante. Après avoir imaginé donner ce rôle à un autre comédien, le réalisateur Justin Chon a finalement fait le choix d’interpréter lui-même le rôle d’Antonio. Bonne décision ! On notera que la responsabilité de la photographie, par ailleurs très soignée, est partagée entre Ante Cheng et Matthew Chuang.

Conclusion

Même s’il souffre parfois d’une certaine lourdeur, même si certaines scènes glissent un peu trop dans le pathos, même si on peut regretter certaines afféteries inutiles, Blue Bayou a le mérite incontestable de nous intéresser au sujet douloureux des enfants coréens adoptés par des américains et renvoyés à l’âge adulte dans leur pays d’origine tout en nous amenant à réfléchir sur les différentes formes que peut prendre l’appartenance à un pays ainsi que sur les différentes formes que peuvent prendre les liens familiaux.

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