Critique : Ant-Man et la Guêpe Quantumania

0
1270

Ant-Man et la Guêpe Quantumania

États-Unis, Australie, Canada, 2023
Titre original : Ant-Man and the Wasp Quantumania
Réalisateur : Peyton Reed
Scénario : Jeff Loveness, d’après les personnages Marvel
Acteurs : Paul Rudd, Evangeline Lilly, Michael Douglas et Michelle Pfeiffer
Distributeur : The Walt Disney Company France
Genre : Fantastique
Durée : 2h04
Date de sortie : 15 février 2023

3/5

Cela faisait longtemps qu’on ne s’était pas laissé tenter par un film de super-héros. Déjà bien avant la crise sanitaire, nous avions été profondément blasés par ces univers interchangeables et ces histoires répétitives, peu importe qu’ils prennent leur origine du côté des bandes dessinées Marvel ou DC Comics. Le choix d’y goûter à nouveau avec Ant-Man et la Guêpe Quantumania n’était peut-être pas des plus judicieux, tant le film de Peyton Reed répond consciencieusement aux lois de la série avec ses personnages increvables et ses motifs moraux en carton-pâte. Il n’empêche que le spectacle était suffisamment solide pour presque nous donner envie de défendre ce troisième épisode du héros tour à tour incroyablement petit ou grand, globalement peu aimé par la communauté des fans de l’univers Marvel.

Certes, on est très loin d’un quelconque sursaut de renouveau, en mesure de donner un second souffle à ce genre autrefois si populaire qui se dirige irrémédiablement vers son crépuscule artistique et économique. Pour cela, la facture du film part un peu trop dans tous les sens. Truffé de références entre autres à l’univers Star Wars et à toute une culture du cinéma de science-fiction bon marché, le septième long-métrage du réalisateur peine toutefois à adopter un rythme et un niveau de relecture de ces codes anciens qui seraient intrinsèquement les siens.

Au moins, il dispose de suffisamment de perspicacité pour se désintéresser rapidement du héros sur le papier, afin d’aménager des places de choix à deux personnages en apparence secondaires. En effet, le jeu de Michelle Pfeiffer et de Jonathan Majors en anciens compagnons d’infortune désormais ennemis jurés compense largement pour les quelques choix esthétiques discutables de ce blockbuster pas sans mérite.

© 2023 Jay Maidment / Marvel Studios / The Walt Disney Company France Tous droits réservés

Synopsis : Alors qu’il vient de publier le premier livre sur ses aventures précédentes, Scott Lang alias Ant-Man aimerait passer plus de temps avec sa fille adolescente Cassie. Inquiet pour son avenir, alors qu’elle lui reproche de s’asseoir sur ses lauriers au lieu de poursuivre le combat pour plus de justice, il est étonné d’apprendre qu’elle a réussi à élaborer un modèle à distance du royaume quantique. Quand elle lui présente son projet en présence de la Guêpe et des parents de celle-ci, les scientifiques Dr. Hank Pym et Janet Van Dyne, les choses dégénèrent et tout ce beau monde se trouve aspiré dans l’univers parallèle. Le redoutable conquérant Kang y fait à présent régner sa loi. Il entend bien se venger de Janet, qui l’avait jadis trahi, avant de passer de longues années à le combattre.

© 2023 Jay Maidment / Marvel Studios / The Walt Disney Company France Tous droits réservés

King Kang contre les fourmis

Sur les chemins tristement balisés des films de super-héros, nous avons appris à ne plus être trop exigeants en termes d’originalité. On se contenterait presque des miettes laissées de côté, alors que le rouleau-compresseur du manichéisme figé avance imperturbablement vers sa destination hautement prévisible. A ce niveau-là, Ant-Man et la Guêpe Quantumania ne nous a pas déçus. Bien au contraire, la richesse toute relative de deux personnages clés compense largement pour tous les enfantillages autour de la structure dysfonctionnelle de la famille du héros. Tout à coup, ces enjeux-là paraissent plus importants que la simple mauvaise conscience d’un père resté trop longtemps absent. Ils s’agencent alors à partir d’un passé trouble duquel personne n’est sorti indemne.

En effet, les non-dits et les secrets prennent une place prépondérante au sein du récit, qui est sinon composé essentiellement de la découverte de mondes exotiques et de batailles tonitruantes. La gardienne principale de ce double discours est le personnage de Janet, auquel Michelle Pfeiffer confère un aspect agréablement ambigu. Plutôt que de s’égarer dans toutes sortes d’interrogations morales farfelues comme tant de héros de l’univers Marvel avant elle, cette rebelle discrète assume petit à petit une biographie moins exemplaire qu’il ne paraît de prime abord. Son adversaire Kang procède à des manipulations guère plus perverses pour arriver à ses fins. Le jeu intériorisé de Jonathan Majors et sa voix à la douceur trompeuse accomplissent le portrait de l’un des méchants les plus sournoisement inquiétants que le microcosme Marvel a vu naître depuis longtemps !

© 2023 Jay Maidment / Marvel Studios / The Walt Disney Company France Tous droits réservés

Jamais trop tard pour ne plus être un tocard

Une autre forme d’inquiétude, nous la cultivons par contre quant à l’avenir commercial à long terme de ce genre autrefois si lucratif. Ce n’est pas avec des héros aussi peu charismatiques et moyennement intelligents qu’Ant-Man que les studios hollywoodiens continueront de faire les spectateurs se déplacer en nombre dans les salles de cinéma. Sa nature décalée du perdant né un peu benêt, par ailleurs parfaitement intégrée par l’interprétation de Paul Rudd, en fait un anti-héros sans trop de saveur, facilement déclassé par des personnages plus flamboyants qui ne se font pas prier pour lui voler la vedette. Ici, c’est le cas du duo mal assorti précité. Ce dernier ne laisse pas non plus la place aux autres proches de Scott Lang de s’imposer réellement : la Guêpe et une Evangeline Lilly pratiquement inexistante, ainsi que Michael Douglas constamment en porte-à-faux envers ses créatures de prédilection, des fourmis plus ou moins géantes.

C’est à travers elles que s’exprime le seul message vaguement iconoclaste de Ant-Man et la Guêpe Quantumania. De là à déceler dans cette production formatée du début jusqu’à la fin une apologie franche et sincère du socialisme, c’est un pas qu’il serait sans doute exagéré de franchir. Car dans l’ensemble, l’intrigue progresse comme sur des rails, sans accroc, ni bifurcation surprenante, en bien ou en mal. Dans un monde, même parallèle au nôtre, où tout paraît possible, les agrandissements tout comme les rétrécissements immédiats, voire intempestifs, les enjeux dramatiques auraient eu besoin d’être fixés avec un peu plus de fermeté. A partir de ce constat, il ne reste en somme qu’un spectacle solide, aux couleurs passablement kitsch dont la surenchère esthétique ne trouve à aucun moment son pendant au niveau du propos ou du ton de ce film raisonnablement divertissant.

© 2023 Jay Maidment / Marvel Studios / The Walt Disney Company France Tous droits réservés

Conclusion

Pas grand-chose n’a changé dans le monde Marvel depuis que nous en avions pris congé, il y a quelques années déjà. Les vieilles recettes de la détermination héroïque qui triomphera in extremis y ont toujours la cote. Tout comme la courte séquence post-générique dans laquelle cette fois-ci Tom Hiddleston et Owen Wilson font une apparition tout à fait anecdotique. De même, on espère que la brève participation de Bill Murray à cette farce futuriste au ton heureusement pas si pompeux s’est au moins soldée par un gros chèque pour lui. Or, ce sont surtout Michelle Pfeiffer et Jonathan Majors qui ont mérité leur cachet, grâce à la création singulière de leurs personnages respectifs. Pour une fois, ceux-ci ne sont pas trop tombés victimes de la grandiloquence creuse, dont on pouvait accuser sans gêne les productions Marvel dans le passé.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici