Critique : 11 fois Fátima

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11 fois Fátima

Portugal : 2017
Titre original : Fátima
Réalisation : João Canijo
Scénario : João Canijo
Interprètes : Cléia Almeida, Rita Blanco, Teresa Madruga
Distribution : JHR Films
Durée : 2h33
Genre : Drame
Date de sortie : 12 juin 2019

3/5

Réalisateur portugais de 61 ans, João Canijo a vu 2 de ses films faire partie de la sélection Un Certain Regard du Festival de Cannes : Gagner la vie en 2001 et Nuit noire en 2004. Cette fois ci, il nous convie à une expérience très particulière : un film de fiction qui fait tout pour ressembler à un documentaire.

Synopsis : Durant 10 jours, 11 femmes d’un même village du Nord du Portugal se lancent dans un pèlerinage de 400 km à pied jusqu’à Fátima. Elles devaient partager un grand moment de joie et communion. Mais l’extrême dureté physique du voyage les mènera à des conflits frisant parfois la crise de nerfs collective. Et malgré leur grande complicité du départ, leurs véritables identités changeront le cours du chemin ….

Des gilets jaunes marchant de Vinhais à Fátima

Située à environ 130 kilomètres au nord de Lisbonne, la petite ville de Fátima est considérée comme étant l’équivalent portugais de Lourdes : là aussi, le 13 mai 1917, la Vierge serait apparue aux yeux, cette fois ci, de trois jeunes bergers, entraînant la construction d’un sanctuaire et l’organisation de pèlerinages, le plus important étant celui dont les festivités se déroulent le 13 mai.

11 fois Fátima nous conduit auprès de 11 femmes, habitantes de Vinhais, tout au nord du Portugal, et qui, en 2016, ont entrepris le pèlerinage du mois de mai : Ti Isaura, la plus âgée, qui conduit le van auquel est accrochée une caravane, une infirmière et 9 marcheuses, la plupart vêtues de gilets jaunes. 374 kilomètres de route, le réveil à 4 heures du matin, des étapes pouvant dépasser 60 kilomètres dans la journée, parfois sous la pluie, parfois sous un franc cagnard. Une véritable performance sportive pour des femmes sans entrainement, avec son lot d’ampoules et  d’insolations ! Une expérience humaine, également, avec les effets de la fatigue sur les relations entre ces femmes, des relations qui, petit à petit, se détériorent et finissent par aboutir à de véritables conflits et des comportements qui n’ont plus grand chose de « chrétien ».

Documentaire ou fiction ?

On connait les films de fiction particulièrement documentés sur les sujets qu’ils abordent. On connait aussi les documentaires où on s’aperçoit plus ou moins rapidement qu’ils sont largement scénarisés. 11 fois Fátima entre dans une catégorie intermédiaire pour laquelle les exemples ne pullulent pas : les films dont on pense d’abord que ce sont des documentaires, dont on se dit ensuite que ce sont des documentaires scénarisés jusqu’au moment où on prend pleinement conscience que ce sont des fictions. Quelle différence cela fait-il pour le spectateur ? Sans forcer le trait : aucune ! Par contre, la différence au niveau de la réalisation est sans doute très importante : dans un documentaire, on aurait eu à l’écran le journal de bord de véritables pèlerines effectuant chaque jour le parcours pédestre. Dans cette fiction, on a donc à l’écran des comédiennes qui, lors du tournage du film, n’ont jamais eu à parcourir les longues distances quotidiennes dont il est question et, même si leur était laissée une grande part d’improvisation, il y avait, bien sûr, la possibilité pour chaque scène de faire plusieurs prises.

Il peut être toutefois important de savoir que ces comédiennes ont réellement effectué le pélerinage l’année qui précédait la réalisation du film. En fait, au départ, l’objectif de João Canijo était de réaliser un film sur un groupe de femmes contraintes de vivre ensemble 24 heures sur 24 sur une période relativement longue. Les réunir sur la durée d’un pèlerinage vers Fátima s’est imposée à lui. On peut trouver excessive la durée du film, on peut trouver lassants les nombreux travellings au cours desquels la caméra suit une ou plusieurs de ces femmes marchant en silence le long d’une route. On est en droit de s’interroger : de tels plans-séquences, souvent filmés de très loin, étaient-ils nécessaires ? Quel est leur apport au discours du film ? En fait, il faut les voir comme étant, pour ces femmes, des plages d’introspection et d’évolution de leur condition physique qui vont impacter leur comportement et nourrir leurs répliques lors des moments où elles sont de nouveau regroupées, à l’arrêt, cette fois ci filmées de près, fatiguées, parfois blessées, énervées, prêtes à en découdre. Petit à petit, on prend conscience que ces femmes avaient entamé ce pèlerinage avec des bagages spirituels différents, avec des motivations différentes. Ces moments où règne une grande tension, où fusent des remarques fielleuses, sont suffisamment puissants pour permettre aux spectateurs d’accepter pendant quelques minutes une phase de repos consistant à accompagner la marche d’une ou de plusieurs de ces femmes de Vinhais.

Un jeu particulièrement naturel

Le fait qu’on puisse pendant très longtemps croire que 11 fois Fátima est un documentaire prouve de façon incontestable que le jeu des comédiennes est particulièrement naturel. Parmi celles-ci, on pourra reconnaître Rita Blanco, la concierge portugaise de La cage dorée de Ruben Alves, et Anabela Moreira, une des soeurs Matamouros dans le récent Diamantino de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt. Tout comme Cléia Almeida et Teresa Madruga, elles avaient déjà tourné avec João Canijo.

Conclusion

L’expérience à laquelle João Canijo soumet le spectateur est assez particulière : l’emmener dans une fiction tout en faisant tout pour lui faire croire qu’il regarde un documentaire. Certes, le film est peut-être un peu trop long mais il n’empêche qu’au fil des minutes, on montre de plus en plus d’intérêt pour ce que vivent ces 11 femmes confrontées à la dureté d’un pèlerinage et pour l’évolution de leurs relations qui en découle.

https://www.youtube.com/watch?v=pNbxnNhy28Q

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