Cannes 2018 : The house that Jack built

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The house that Jack built

Danemark, France, Suède, Allemage, 2018
Titre original : –
Réalisateur : Lars Von trier
Scénario : Lars Von trier
Acteurs : Matt Dillon, Bruno Ganz, Uma Thurman
Distribution : Les Films du Losange
Durée : 2h34
Genre : Thriller, Horreur, (Comédie ?)
Date de sortie : Prochainnement

4,5/5

Présenté Hors compétition

Le cinéaste danois fait son grand retour à Cannes après avoir été ostracisé pendant sept ans. Un retour hors compétition, qui dit tout ce qu’il pense de l’humanité avec, entres autres réjouissances, mutilations et infanticides. « Avertissement : certaines scènes ou images violentes peuvent choquer les spectateurs » indiquait le programme quotidien du Festival de Cannes. De la part de Lars Von Trier, on n’en attendait pas moins !

Synopsis : États-Unis, années 70. Nous suivons le très brillant Jack à travers cinq incidents et découvrons les meurtres qui vont marquer son parcours de tueur en série. L’histoire est vécue du point de vue de Jack. Il considère chaque meurtre comme une œuvre d’art en soi. Alors que l’ultime et inévitable intervention de la police ne cesse de se rapprocher (ce qui exaspère Jack et lui met la pression) il décide – contrairement à toute logique – de prendre de plus en plus de risques. Tout au long du film, nous découvrons les descriptions de Jack sur sa situation personnelle, ses problèmes et ses pensées à travers sa conversation avec un inconnu, Verge. Un mélange grotesque de sophismes, d’apitoiement presque enfantin sur soi et d’explications détaillées sur les manœuvres dangereuses et difficiles de Jack.

Une histoire de la violence

Puisque toute la (jeune) réputation du film est basée sur sa mise en scène de la violence, commençons par ce point. Il y a des scènes ultra-violentes dans The House that Jack built, c’est un fait. Une violence esthétique  sans grands tabous, qui cependant aurait pu aller encore plus loin, et qui a fait fuir une petite partie de la salle à chaque escalade dans l’horreur. Mais Lars Von Trier ne se contente pas de montrer de l’hémoglobine et des visages plus vraiment recconnaissable : il fait aussi preuve d’une grande violence psychologique, tant envers les victimes avec lesquelles joue Jack qu’avec le spectateur qui connaît à l’avance le sort de ces mêmes victimes. Une violence provocatrice donc, en cinq tableaux et pas mal de morts. Mais il ne faut surtout pas limiter le long-métrage à un simple spectacle rigolo-gore : pour prendre l’exemple d’un film présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, on est bien loin de la farce plaisante quoiqu’assez innofensive constituée par Mandy (de Panos Cosmatos). C’est une violence provocatrice certes, mais pas gratuite que nous « offre » (un cadeau empoisoné ?) le cinéaste danois : l’imagerie sanglante sert un propos plus large.  Propos qui tomberait un peu à plat sans l’incroyable performance de Matt Dillon qui, non content d’empiler les cadavres dans sa chambre froide, enchaîne plusieurs personnalités au fil de ses « exploits ».

Morceaux choisis

Et si le côté le plus dérangeant du film n’était pas dû à sa violence imagée, mais à sa lourde charge psychologique ? En effet, The House that Jack built est une fable cynique sur la violence de l’Homme, dans laquelle Lars Von Trier s’exprime sans aucun filtre à travers la bouche de son « héros » serial-killer. On espère ainsi qu’il ne pense pas réellement tout ce que dit le terrifiant Jack, mais quoiqu’il en soit l’exercice est passionnant. Le Danois va jusqu’à citer littéralement ses propres films en plein milieu du long-métrage, et faire un clin d’oeil (ou doigt d’honneur, vous choissisez) au Festival. Le questionnement existentiel dans la violence que nous propose le long-métrage ne se fait en effet pas « simplement » au moyen d’images de fiction, mais sinon avec aussi des citations artistiques, qu’il s’agisse de tableaux ou d’images d’archives. Des citations parfois trop présentes, qui en venant illustrer directement les pensées de son personnage principal viennent aussi rajouter des références, des points d’appui, de manière un peu trop explicite. Quoiqu’il en soit, les deux heures et demi de spectacle nihiliste sont paradoxalement … drôles. Le film de Lars Von Trier n’est pas un film d’horreur, sinon une comédie (très) noire sur le Mal, presque honteusement plaisante, qui s’autorise à passer plusieurs fois Fame de David Bowie : comme si le cinéaste tentait de nous emporter avec lui dans son inexorable descente en enfer.

Conclusion

Loin de se limiter à un simple spectacle sanglant, The house that Jack built est une fable cynique et nihilliste, brillamment interprêtée, avec laquelle Lars Von Trier s’exprime sans aucune censure – pour le meilleur et pour le pire. « L’enfer, c’est les autres » dit l’adage de Sartre : autant les emporter aves nous rétorque le Danois.

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