Berlinale 2020 : Medium

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Medium

Argentine, 2020

Titre original : Medium

Réalisateur : Edgardo Cozarinsky

Scénario : Edgardo Cozarinsky

Distributeur : –

Genre : Documentaire

Durée : 1h11

Date de sortie : –

3/5

Il y a quelque chose de foncièrement audacieux de la part du réalisateur Edgardo Cozarinsky de faire commencer son documentaire Medium, sélectionné au Forum du Festival de Berlin, par plus de dix minutes d’observation de la pianiste Margarita Fernandez à son travail artistique. Le ton est en quelque sorte donné par cette introduction relativement épique d’un film, qui dure à peine plus d’une heure. Car au lieu de dresser le portrait exhaustif de l’artiste argentine nonagénaire, le réalisateur s’emploie à retracer par petites touches son raisonnement créatif, basé sur une compréhension transversale des disciplines artistiques. La musique, le théâtre, les échanges épistolaires : toutes les formes d’expression sont les bienvenues pour participer à cette opération de transmission qui dépasse largement le cadre d’une simple évocation biographique. Au fond, on n’en apprend pas énormément de détails sur la vie de Fernandez, si ce n’est le plus important parmi tous, c’est-à-dire sa soif intarissable, même à son âge avancé, de faire vibrer son corps et son public dans un acte d’abandon complet à la qualité quasiment sacrée de la musique sous toutes ses formes. Une démarche sensorielle et intellectuelle dans laquelle ce documentaire l’assiste avec une élégance notable, sans crier à l’hagiographie, ni frôler l’éparpillement dans le trésor de guerre abondant de joyaux artistiques, rassemblé au cours d’une vie pleinement vécue.

© Constanza Sanz Palacios Films / Lumen Cine Tous droits réservés

Synopsis : Le portrait de la pianiste et artiste Margarita Fernandez, une admiratrice invétérée des compositions de Johannes Brahms et une exploratrice infatigable du no man’s land entre la musique et le théâtre.

© Constanza Sanz Palacios Films / Lumen Cine Tous droits réservés

Aimez-vous Brahms ?

Mieux vaut répondre par l’affirmative à cette question, autrefois si cruciale pour Françoise Sagan, ainsi que dans l’adaptation filmique de son roman par Anatole Litvak en 1961, afin d’apprécier à sa juste valeur Medium. Car la porte d’accès au documentaire de Edgardo Cozarinsky se situe au niveau de l’émerveillement devant ses compositions, placées donc copieusement en exergue de ce portrait nuancé. Or, Margarita Fernandez a beau avoir vu naître sa passion pour la musique grâce aux concerts pour piano du poulain de Robert Schumann, elle a su élargir par la suite son champ d’appréciation, en y incluant également d’autres génies de la musique classique, comme Giuseppe Verdi. Son goût pour la découverte va même jusqu’à la musique expérimentale, représentée ici par la performance d’une composition pour éponges essorées ou un récital aux cadences peu académiques. Bref, il ne nous paraît guère indispensable d’être un fin connaisseur de la musique classique dans ce qu’elle a de plus élitiste pour suivre le cheminement de la mise en scène, davantage placée sous le signe d’un éveil intuitif que sous celui de la quête de l’excellence, réservée en exclusivité à quelques rares élus.

© Constanza Sanz Palacios Films / Lumen Cine Tous droits réservés

Un mélange d’une beauté inhabituelle

En effet, les mélomanes monomaniaques ne seront certainement pas les seuls à tirer leur épingle de ce jeu du croquis cinématographique, accessible à tous en partie, voire dans son intégralité. Il n’y a pas vraiment de début, ni de fin dans le documentaire, juste l’accompagnement libre de la pianiste dans ses souvenirs et surtout ses réflexions par rapport à ce que la musique représente pour elle et comment elle pourra transmettre cet amour de l’art aux autres. La mélancolie et la nostalgie ne trouvent pas tellement leur place ici, en tout cas pas sous leur aspect le plus pathétique. Ils sont au contraire sublimés par une mise en abîme permanente, le destin romantique tourmenté de Brahms y ayant autant lieu d’être que des plans récurrents dont la force contemplative découle de l’inertie trouble de l’eau. Car à peu près tout semble couler de source dans le sixième long-métrage documentaire du réalisateur, dans le mouvement éternel de la connaissance – d’autant mieux assimilée parce que pleinement adoptée – dont Margarita Fernandez s’avère être un formidable passeur. En dépit de sa durée assez brève, Medium arrive alors à nous intéresser à un projet d’envergure créative beaucoup plus ample que la carrière de la pianiste argentine, aussi impressionnante soit-elle déjà à elle seule. Celui de se laisser transpercer par la beauté magnifique de l’art d’où qu’il vienne, peu importe nos circonstances sociales ou personnelles au moment de la réception et, avant tout, peu importe les préjugés que nous pouvons cultiver à l’égard de certains courants à première vue difficiles d’accès.

© Constanza Sanz Palacios Films / Lumen Cine Tous droits réservés

Conclusion

Notre persévérance a finalement été récompensée en cette Berlinale, où le troisième documentaire de notre programme personnel aura été le bon. Medium reste certes un peu trop vague dans son propos pour réellement nous permettre de cerner quelles limites Edgardo Cozarinsky souhaite y fixer au portrait d’une vieille amie artiste. Mais c’est peut-être justement cette ouverture à tous les vents de la création musicale, cette liberté de ton qui ne se refuse à aucune digression utile, qui fait tout l’intérêt du film.

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