Au-delà des collines

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afficheAu-delà des collines

France, Belgique, Roumanie : 2012
Titre original : Dupa Dealuri
Réalisateur : Cristian Mungiu
Scénario : Cristian Mungiu
Acteurs : Cormina Stratan, Cristina Flutur, Valeriu Andriuta
Distribution : Le Pacte
Durée : 2h30
Genre : Drame
Date de sortie : 21 novembre 2012

Note : 2.5 / 5

En 2007, Cristian Mungiu avait obtenu une Palme d’Or méritée avec 4 mois, 3 semaines, 2 jours, un film choc et juste sur les drames qu’entraîne l’interdiction de l’avortement et sur le drame intime qu’il représente en lui-même. Depuis, on avait eu de ses nouvelles au travers de sa participation aux deux films à sketchs intitulés Contes de l’âge d’or. On attendait avec impatience la sortie d’un nouveau long métrage.

Synopsis : Alina revient d’Allemagne pour y emmener Voichita, la seule personne qu’elle ait jamais aimée et qui l’ait jamais aimée. Mais Voichita a rencontré Dieu et en amour, il est bien difficile d’avoir Dieu comme rival.

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Quand la forme nuit au fond

Dans toute œuvre artistique et, plus encore qu’ailleurs, dans la littérature et le cinéma, on peut porter des jugements, si possible étayés par des arguments, sur le fond et sur la forme. Il peut arriver que ces jugements soient en contradiction l’un avec l’autre. Il arrive aussi régulièrement que ce que l’on perçoit sur le fond paralyse le jugement sur la forme, ou vice-versa. Prenons l’exemple de Au delà des collines, ce film de Cristian Mungiu  qui a obtenu le Prix du Scénario et un double Prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes : pendant 90 minutes, la forme privilégiée par Mungiu est l’étirement des plans, la lenteur. Résultat : l’ennui que génère la forme du film peut facilement arriver à masquer chez le spectateur gagné par l’assoupissement l’intérêt d’un sujet qui, pourtant, est déjà présent. Ce n’est que lorsque la forme prend le parti d’un montage plus nerveux que l’on peut être quasiment certain que le spectateur, s’il s’est réveillé entre temps, arrivera à prendre conscience du fond et, très probablement, à l’apprécier.

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À l’origine, une histoire vraie

Comme c’est souvent le cas (de plus en plus souvent?), le film s’inspire d’une histoire vraie, celle d’une jeune fille qui, en 2005, était venue rendre visite à une amie dans un couvent de Moldavie et qui avait fini par mourir suite à un exorcisme. L’affaire avait fait grand bruit au point que Tatiana Niculescu Bran, une journaliste roumaine travaillant alors pour la BBC, avait publié deux livres sur ce sujet, livres recevant l’appellation de romans non fictionnels. C’est en s’inspirant de ces deux livres que Mungiu a développé le scénario de son film, scénario primé par le Jury de Cannes 2012. En s’inspirant, et non en en suivant scrupuleusement tous les détours, tous les détails. En fait, le plus important pour Mungiu était de mettre davantage d’accent sur l’amour et sur le libre arbitre tout en conservant l’esprit des livres, exempt de manichéisme. L’histoire repose donc sur les rapports de deux jeunes filles, entre elles et avec une communauté religieuse orthodoxe. Ces deux jeunes fille, la vie les a séparées alors qu’existait entre elles une relation très forte. Alina a vécu de petits boulots en Allemagne, Voichita a rejoint une communauté religieuse en Moldavie où, sous la houlette d’un chef religieux charismatique et d’une mère supérieure, vivent de ferventes croyantes. Lorsqu’Alina débarque dans le couvent dans le but avoué d’en extraire son amie, de la faire venir avec elle en Allemagne, elle se voit accusée petit à petit de nombreux pêchés. Il faut dire que la religion orthodoxe en dénombre 464, tous n’étant pas toutefois  aussi graves que ceux relatifs au sexe et au satanisme dont Alina va finir par se voir accusée.

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Quand la religion nuit à la pensée

Les excès des religions et de leurs pratiquants ont déjà été dénoncés au cinéma. Il faut dire que la compétition que se livrent les religions depuis des siècles pour obtenir le titre apparemment très convoité de religion la plus stupide peut fournir de beaux sujets au cinéma. Mis à part le fait que, dans Au delà des collines, la religion stigmatisée est la religion orthodoxe, alors que, dans ce début de 21ème siècle, on parle surtout des intégristes musulmans, l’intérêt majeur du film réside dans le fait qu’il s’attaque plus à la religion qu’à ses pratiquant(e)s. Si ils / elles en arrivent à avoir un comportement qui, progressivement, glisse vers l’horreur absolu, c’est en toute bonne foi, c’est en se contentant de suivre à la lettre, aveuglément, les principes que leur religion leur a mis dans la tête. On peut même presque parler d’une certaine forme de bonté les concernant, puisque leur seul but c’est de sauver l’âme d’une pécheresse et, jamais, la sensation d’avoir commis un crime ne les effleure. Il faut dire aussi que le comportement d’Alina, à la fois fragile et possessive, est devenu petit à petit de plus en plus incontrôlable au point de menacer la survie du couvent.  Si le film de Mungiu est donc assez passionnant au niveau du message, il est par contre éminemment dommage qu’il faille subir une exposition de 90 minutes pour arriver au cœur du sujet. Une exposition lente, aux plans trop longs, aux scènes trop répétitives : il paraît que Cristian Mungiu a coupé 30 minutes de film d’un montage initial qui flirtait avec les 3 heures. Il aurait pu, il aurait dû en couper encore au moins autant sur cette première partie, on aurait tout aussi parfaitement compris pourquoi et comment le drame  finirait par éclater. Une dernière heure filmée cette fois-ci avec un montage totalement différent, plus nerveux, en phase avec la confusion générale qui a pris le pouvoir. Et nos 2 jeunes comédiennes, Cosmina Stratan et Cristina Flutur, qui ont obtenu le Prix d’interprétation féminine de Cannes 2012, que peut-on en dire ? Du bien, certes, mais aussi que ce Prix apporte une nouvelle fois la preuve qu’il y a toujours davantage de premiers rôles masculins que de premiers rôles féminins dans le cinéma mondial et que la compétition pour ce Prix d’interprétation féminine est donc toujours beaucoup plus limitée que celle qui a lieu dans la gent masculine. D’autant plus qu’Emmanuelle Riva se trouvait éliminée d’office du fait de la Palme d’Or attribuée à Amour.

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Conclusion : A la sortie de Au delà des collines, les spectateurs, pour la plupart, se sentent partagés entre 2 sentiments : le regret de s’être laissés gagner par l’ennui pendant plus de la moitié du film ; la satisfaction d’avoir assisté, le reste du temps, à la représentation d’un sujet grave et d’autant plus fort qu’il est  traité sans manichéisme.

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