Albi 2018 : compétition de courts-métrages

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Il y avait du monde ce matin au CGR Le Lapérouse, où le Festival d’Albi a organisé sa traditionnelle séance de courts-métrages ! Pas moins de cinq classes des lycées de la région y ont assisté, qui avaient de même participé à la sélection des courts en amont et qui ont désigné le gagnant du Prix des lycéens. Et puisque le public fidèle du festival a également répondu présent, la plus grande salle du complexe a rapidement été bondée, obligeant les infatigables organisateurs de tenir une projection supplémentaire en parallèle dans une plus petite salle. Comme quoi, le support numérique a aussi du bon … Hélas, depuis notre dernière expérience en la matière, il y a un an pratiquement jour pour jour, nous ne sommes nullement devenus des spécialistes aguerris en matière de court-métrage. Notre expérience très limitée en ce domaine devrait néanmoins nous autoriser à l’impression globale que les sept films montrés étaient d’une qualité plus homogène que ceux de l’année dernière, rendant l’expérience plus plaisante sur la durée, avant le casse-tête logiquement plus hasardeux de notre vote pour le Prix du public.


Pas de franc favori, ni d’amère déception donc au sein d’une sélection qui a su confirmer nos réserves nullement rédhibitoires à l’égard de la forme filmique du court-métrage ! La plupart des courts au programme se sont en effet contentés d’exploiter au mieux une seule et unique idée, un exercice plus ou moins difficile et couronné de succès, selon le rythme en accéléré ou au contraire plus contemplatif des uns et des autres. Celui qui a finalement eu notre vote, Un réflexe de Zulma Rouge, a fait preuve d’une efficacité redoutable pour conter la torture mentale que représente pour un ouvrier sa routine conjugale et professionnelle. En moins de trois minutes, le tour était joué, grâce à un montage dense et la concision ironique de la mise en scène, aussi tranchante qu’une hache pour découper des poissons et autre menu fretin humain. Nul besoin d’insister sur le harcèlement psychologique par une épouse passablement hystérique, ni sur les frustrations causées par un trajet répétitif et un métier tout aussi barbant : tout y est déjà dit par le visage impassible de Boris Gillot dans le rôle de l’homme désabusé, enfoncé encore un peu plus dans son enfer du quotidien par une bande son, elle aussi particulièrement percutante.


Le sujet hélas dans l’air du temps de l’abus conjugal a de même été traité dans deux autres courts-métrages, les fiers ambassadeurs du cinéma d’animation, toujours aussi bien représenté à Albi. Dans The Ape Man de Pieter Vandenabeele, l’imagination débordante d’un pauvre éboueur solitaire, qui loge dans son appartement minuscule entouré d’un jardin au sommet d’un gratte-ciel – vivement les litiges de voisinage pour infiltrations d’eau et autres dégâts –, lui fait croire que sur le balcon de l’étage supérieur, une demoiselle en détresse se fait maltraiter comme dans les films de son héros préféré Tarzan. Il change alors complètement d’attitude, sur un petit coup musical de Toy-Box, afin de secourir sa Jane supposée. Contrairement au ton comique sans trop d’équivoque dans ce court-métrage-là, celui dans The Stained Club du collectif Supinfocom Rubika est sensiblement plus ambigu. Le jeune Finn y intègre une nouvelle bande de potes, qui ont tous, trois garçons et une fille, des tâches sur le corps. On comprend très vite qu’il s’agit là de victimes d’abus physiques de la part de leur entourage adulte, mais la détresse extrême qui va de pair avec une telle enfance gâchée n’est jamais vraiment exprimée. Tout juste voit-on la main osseuse de la mère de Finn, qui n’y va sans doute pas de main morte pour réprimander sa progéniture, se transformer en un tapis de perles brillantes, au même niveau symbolique pas tout à fait convainquant que la peau couverte de paillettes, là où des bleus devraient dénoncer explicitement ces crimes abjects.


L’enfance était différemment présente dans les deux courts-métrages qui ont le moins remporté notre adhésion, même si Nos enfants de Sarah Suco et Auguste de Olivia Baum restent techniquement d’une facture honnête. Dans le premier, un couple rentre chez lui pour découvrir avec effroi que la nounou y est toujours, mais que leurs enfants ont mystérieusement disparu. Alors que la prémisse dispose d’un certain intérêt, le dénouement est plus bancal, à partir du moment où le suspense s’essouffle abruptement. C’est le genre de court-métrage dans lequel une mise en place astucieuse se solde par une explication laborieuse ou, pire encore, dépourvue de quelque valeur ajoutée que ce soit. Quant à Auguste, il a beau prendre quasiment deux fois plus de temps, sa ligne dramatique n’est pas plus élaborée pour autant. De vieilles querelles de famille s’y cristallisent autour de l’accouchement d’une des filles, prévu au beau milieu du mois d’août, le moment le moins arrangeant de l’année, puisqu’il privera les parents, le frère faussement stressé et la sœur réfractaire à l’engagement sérieux auprès de sa copine bolivienne, pardon, colombienne de la concrétisation de leurs projets d’été respectifs. Là aussi, la conclusion vaguement moralisante relativise le peu d’espoir que la fête de Noël initiale avait su éveiller en nous.


Enfin, ils sont partis bredouille, mais ils auraient aisément mérité remporter un prix dans cette compétition peu inégale : Tête d’Oliv de Armelle Mercat était peut-être l’histoire la plus narquoise à défiler sur les écrans albigeois lors de cette sélection de courts-métrages. Visuellement très inventif, ce film d’animation nous plonge dans la quête fiévreuse d’un scientifique chauve pour retrouver une chevelure abondante. L’expérience réussit au delà de tout espoir, mais aura de graves conséquences, au moins de façon passagère, avec un clin d’œil plutôt ingénieux à Raiponce, avant que l’amour triomphe sur quelques cheveux arrachés. Et puis, Azar de Rafael Brouard et Georges D’Audignon est notre petit coup de cœur sentimental, grâce à la précision avec laquelle il évoque la cohabitation entièrement platonique entre un prof de piano non-voyant et un décorateur et basketteur au physique atypique. Le trait y est certes un peu forcé, lorsque les deux hommes tombent victimes d’une agression homophobe dans un parc, mais avant et après, les réalisateurs arrivent à dépeindre cette relation d’entre-aide désintéressée avec un naturel désarmant.

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