The Insider
États-Unis : 2025
Titre original : Black Bag
Réalisation : Steven Soderbergh
Scénario : David Koepp
Acteurs : Michael Fassbender, Cate Blanchett, Tom Burke
Éditeur : Universal Pictures
Durée : 1h33
Genre : Espionnage
Date de sortie cinéma : 12 mars 2025
Date de sortie BR/4K : 23 juillet 2025
The Insider est un film d’espionnage haletant qui raconte l’histoire d’un couple d’agents secrets, George Woodhouse et sa femme Kathryn. Lorsque Kathryn est soupçonnée de trahison envers la nation, George doit faire face à un dilemme déchirant : protéger son mariage ou défendre son pays…
Le film
[4/5]
Pour les cinéphiles qui se demanderaient pour quelle raison le titre original du film de Steven Soderbergh, Black Bag, a été traduit par un autre titre en anglais, The Insider, il convient de revenir sur la nature du terme « black bag », qui désigne des opérations de renseignement clandestines placées sous le sceau du secret. Ainsi, quand ils sont interrogés au sujet d’opérations dont ils ne peuvent révéler la nature, les agents du renseignement se réfugient derrière le « black bag », ici traduit par le terme « black-out ». Il nous semblait intéressant d’expliciter ce point en préambule, dans le sens où toute l’intrigue du film est articulée autour du mensonge et des faux-semblants, et de la façon dont le « black bag » peut s’insinuer dans la vie privée des agents du NCSC, le National Cyber Security Centre, agence de renseignement britannique.
Dans les premières minutes de The Insider, on apprend qu’il existe une « taupe » au sein du NCSC, et c’est George Woodhouse (Michael Fassbender) qui est chargé de la débusquer. Une shortlist de cinq agents suspects lui est remise : elle comprend sa propre épouse Kathryn (Cate Blanchett), Clarissa (Marisa Abela) et son compagnon Freddie (Tom Burke), James (Regé-Jean Page) ainsi que Zoe (Naomie Harris), la psychiatre du centre. Des liens étroits existent entre ces différents personnages, qui se côtoient – et se déchirent – bien au-delà du travail. Organisé et méticuleux, capable de faire preuve du détachement le plus glacial qui soit, George va donc être amené à chercher qui est le traître potentiel, mais au cœur d’un monde où le mensonge est une seconde nature et où la manipulation règne en maître, il convient de se méfier de tout le monde…
The Insider marque la troisième collaboration entre Steven Soderbergh et le scénariste David Koepp, après KIMI (2022) et Presence (2024). Le scénario du film, qui s’échine à tisser des liens – amoureux ou sexuels – entre différents protagonistes du récit, permet d’ajouter à l’ensemble une bonne dose de tensions supplémentaires au fur et à mesure que l’enquête se déroule. De plus, malgré la tension et les enjeux dramatiques élevés, ce film d’espionnage se démarquera des films du genre grâce à une série de partis pris artistiques forts : à l’exception d’une courte scène de drone, The Insider ne met pas en scène de courses-poursuites palpitantes, d’explosions ou de fusillades minutieusement mises en scène. Tout le sel du film au contraire réside dans son refus du grand spectacle, et dans le fait qu’il se concentre sur un processus méthodique de collecte d’informations, de vérification des théories et de réflexion approfondie pour parvenir à la vérité.
Les cascades, l’action et les gadgets technologiques, qui sont habituellement l’apanage du film d’espionnage contemporain (au point même parfois de se substituer à l’intrigue), sont donc presque totalement absents de The Insider, qui resserre son sujet autour du facteur « humain » au cœur des services de renseignement. La plupart des événements seront amenés au spectateur selon le point de vue de George, et personne ne sera au-dessus de tout soupçon : la personnalité extrêmement rigide du personnage incarné par Michael Fassbender (dont on apprendra qu’il a fait tomber son propre père, lui-même agent du renseignement) fait de lui la personne idéale pour mener ce genre d’enquête. Pour autant, son comportement inflexible et son manque d’empathie le rendent difficile à cerner, tout en attisant la méfiance – voire même une franche antipathie – chez ceux qui le côtoient.
Au-delà de l’espionnage, The Insider est un film qui explore l’impact que peuvent avoir l’infidélité et les mensonges dans une vie de couple. Dès la première séquence du film, on apprendra qu’un des supérieurs de George, Philip (Gustaf Skarsgård), est en difficulté avec sa femme Anna (Kae Alexander) à cause d’une infidélité passée. La vie d’espion rend l’infidélité si facile : il suffit à un agent de dire à sa/son partenaire « Black Bag » pour éviter tout sujet de conversation fâcheux. Et si certains parviennent à maintenir leur engagement dans leur relation, d’autres utilisent allègrement l’expression pour se couvrir, et garder secrètes leurs infidélités. Le scénario de David Koepp développe par conséquent un message sous-jacent concernant la confiance dans une vie de couple : certains ne supportent pas la tension liée aux mystères entourant le « Black Bag », et finissent par se briser. C’est là toute la valeur de l’engagement de George envers sa partenaire et envers la vérité. Et naturellement, il exige cet engagement en retour.
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[4/5]
Tourné en 4K natif, The Insider bénéficie d’une présentation absolument sur Blu-ray 4K Ultra HD, et techniquement, c’est un sans-faute absolu : la galette éditée par Universal Pictures est aussi nette et précise qu’elle le devrait. Le style élégant de la photo du film, signée Steven Soderbergh lui-même, est tout à fait respecté, et le transfert parfait contribue à renforcer l’aspect visuel tout à fait singulier du film, à la fois contemporain et fortement teinté 70’s. Le piqué est d’une précision absolue, les couleurs richement saturées, et la technologie HDR renforce l’impact chromatique de certaines séquences, baignées d’un flot d’éléments lumineux ambrés ou d’éclairages étonnants. Les noirs sont profonds et intenses. Côté son, la VO nous est proposée en Dolby TrueHD 5.1, et l’ensemble nous propose un mixage bien enveloppant et relativement dynamique : même si le film par lui-même n’appelle pas à la démonstration technique, le mixage crée une impression d’espace riche et intéressante, et se révèle équilibré, nuancé et parfois surprenant. La VF, proposée en Dolby Digital 5.1, s’avère soignée, fluide et réaliste, plongeant parfaitement le spectateur dans l’univers du film et le place au cœur de l’action, avec les voix et la musique qui résonnent autour de lui.
Du côté des suppléments, on s’attardera avec plaisir sur un court making of (10 minutes), qui nous permettra d’écouter Michael Fassbender, Cate Blanchett, Pierce Brosnan et les autres acteurs partager leurs réflexions sur le projet, le scénario du film et leur préparation pour leurs rôles. Cette solide featurette sera accompagnée d’un module consacré au production design de The Insider (5 minutes). Les acteurs et la costumière Ellen Mirojnick reviendront sur les vêtements et les décors utilisés dans le film et la façon dont ils ont tenté de valoriser le genre du film d’espionnage. Les deux grands absents de ces deux sujets sont bien entendu le scénariste David Koepp et le réalisateur / directeur photo / monteur du film Steven Soderbergh. Avant de terminer, on se régalera d’une série de trois scènes coupées (6 minutes). La première, une discussion entre George et Freddie, révèle que George a mis le doigt sur l’identité du traître bien avant qu’elle ne nous soit réellement révélée par l’intrigue. La deuxième scène met en scène une discussion entre Kathryn et Anna, suivie par le suicide extrêmement louche de cette dernière. Enfin, la dernière est une séance chez le psychiatre entre Clarissa et Zoe ; si on ignore à quel moment elle se était censée prendre place dans le récit, on imagine bien qu’il puisse s’agir d’une fin alternative.