Test Blu-ray 4K Ultra HD : La Règle du jeu – Réédition 2025

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La Règle du jeu

France : 1939
Titre original : –
Réalisateur : Jean Renoir
Scénario : Jean Renoir
Acteurs : Nora Gregor, Paulette Dubost, Mila Parély
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h47
Genre : Comédie, Drame
Date de sortie cinéma : 8 juillet 1939
Date de sortie BR/4K : 4 juin 2025

L’aviateur André Jurieu vient de traverser l’Atlantique en solitaire pour conquérir le coeur de Christine, son amour éternel, qui a épousé le Marquis de la Chesnay, un aristocrate parisien. Celle-ci se montrant indifférente à l’exploit, Durieu tente alors de se suicider. Son ami Octave le fait alors inviter chez Christine et son riche époux, pour une partie de chasse en Sologne…

Le film

[5/5]

« La règle du jeu, un des plus grands classiques du cinéma français (« le film des films » selon François Truffaut) a bien sûr été abondamment et intelligemment commenté au fil des ans. Ayons simplement en mémoire que chaque plan, chaque enchaînement ont été réellement pensés, composés, voulus par Renoir. N’oublions pas non plus, sans refaire l’histoire, qu’en 1939, à la veille de la guerre, la peinture de la société de l’époque n’est pas une simple coïncidence.

Avec cette histoire de chassés croisés amoureux chez les représentants de la grande bourgeoisie et parallèlement chez leurs domestiques, Jean Renoir dépeint effectivement une société figée, une société de caste qui, ainsi qu’il l’a dit lui-même, « danse sur un volcan », une société qui respecte tant « la règle du jeu » que rien ne semble pouvoir l’atteindre. La scène finale où, après le drame ayant coûté la vie à André Jurieux, le marquis invite ses amis à rejoindre le château en ne déplorant qu’un malheureux mais simple accident de chasse, est la clôture d’une pièce, où, si chacun a pu jouer, le rideau retombe en excluant ceux qui n’appartiennent pas à cette société. C’est aussi « l’amour léger » de Marivaux cité par Jean Renoir au générique de début du film.

C’est enfin une partie de cartes, une histoire de rois, de reines et de valets où les femmes mènent un bal dont les règles leur échappent finalement. Ces femmes, ce sont Christine, Lisette, Geneviève, Jackie :

– Christine (Nora Gregor), frivole peut-être mais surtout perdue en France, perdue dans cette société (elle est autrichienne et d’une famille d’artiste), perdue en tout cas entre un mari, Robert de la Chesnaye (Marcel Dalio), avec qui les relations ne sont plus que mondaines mais dont elle ne supporte pas de découvrir l’infidélité et le mensonge qui a accompagné son mariage, un amant de cœur, André Jurieux (Roland Toutain), l’aviateur, le héros qui lui fait croire qu’autre chose est possible, un soupirant sans attrait, Saint Aubin qu’elle entraîne quand Geneviève enlace son mari au vu de tous et enfin Octave (Jean Renoir), son ami de toujours, son quasi-frère qu’elle croit aimer d’amour quand son monde s’écroule à l’issue d’une nuit qui la laisse désemparée, comme exsangue.

– Lisette (Paulette Dubost), femme de chambre de Christine à Paris, mariée au garde- chasse du marquis, Schumacher (Gaston Modot), qui lui vit à la Colinière en Sologne. Lisette qui prend prétexte « du service de Madame » pour rester loin de son ombrageux et jaloux époux, et continuer à faire tourner les têtes des hommes. Lisette qui se laisse coquettement courtiser par Octave, Lisette qui sera indirectement la cause du drame de par ses aguicheries avec Marceau, (Julien Carette) l’ancien braconnier devenu domestique.

– Geneviève de Marras (Mila Parély), la mondaine, la maîtresse du marquis qui tient à son amant, par amour ou par habitude elle ne sait, et ne le verrai partir sans drame que si une solution de rechange se présentait à elle en la personne de Jean.

– Jackie enfin (Anne Mayen), trop jeune pour être complètement dans le jeu mais qui observe et pèse ses chances de récupérer Jean.

On ne peut pas ne pas évoquer l’interprétation tant le jeu des acteurs reste aujourd’hui encore extraordinairement actuel contrairement à beaucoup de films d’alors. Il faut absolument et tout particulièrement souligner celui de Nora Grégor qui avec son beau regard noyé dans une incommensurable tristesse et son délicat accent est une Christine des plus sincères. Paulette Dubost, qui nous a quitté en 2011 à plus de 100 ans et 80 ans de carrière, et qui ici est la plus piquante des soubrettes. Mila Parely qui possède l’aristocratique beauté du rôle. Celui de Marcel Dalio, aristocrate un peu faible mais qui sauve la face à chaque fois. Gaston Modot, raide dans sa jalousie, pas forcément injustifiée, et son amour maladroit. Julien Carette, fidèle à la gouaille qui anima tous ses personnages. Odette Talazac qui a tourné avec L’Herbier, Cocteau, Clair, Clouzot, Allégret, Litvak et dont la silhouette imposante lui permet de camper une Charlotte lançant d’un air compréhensif une phrase clef et définitive de la vision des rapports sociaux de tout ce petit groupe « il faut qu’ils (les domestiques) s’amusent aussi ».

La Règle du jeu, c’est un film que l’on voit, revoit sans jamais sans lasser. C’est un vrai film culte qui imprègne tous les cinéphiles mais qui est visible par tous, quel que soit le niveau de lecture que l’on en fasse. Film culte certes mais pas film figé, « musée ». Ses plus de 70 ans laisse espérer qu’une sortie en numérique lui rende aujourd’hui un bel et mérité hommage. »

Extrait de la critique de notre chroniqueur Eric Becart. Retrouvez-en l’intégralité en cliquant sur ce lien !

Le coffret Blu-ray 4K Ultra HD

[5/5]

La Règle du jeu a déjà fait l’objet d’une sortie au format Blu-ray 4K Ultra HD en France, courant 2022. Le rendu Katka était très bon, même si on avait déploré un boost des contrastes qui n’était pas rectifié par un apport mal maîtrisé de la technologie HDR. Aujourd’hui, ce nouveau transfert 4K estampillé Rimini Éditions rectifie les défauts de l’édition précédente, tout en nous proposant une impressionnante sélection de suppléments et un packaging grand luxe. Le film nous est en effet proposé dans un superbe coffret contenant, en plus du 4K et des deux Blu-ray, un livret de 64 pages signé Charlotte Garson, et 4 reproductions d’affiches au format carte postale.

Côté master, il faut avant tout garder à l’esprit que ce film fut tourné en 1939, et que le négatif original a été détruit. La restauration et l’étalonnage ont été effectués par Hiventy, à partir d’un contretype composite, en grande partie nitrate. Rimini a fait retravailler ce master par le laboratoire TCS, dans le but de proposer au spectateur un étalonnage HDR satisfaisant, et d’enrichir la finesse du détail. Le résultat est bluffant : plus propre, plus riche en détail, tout en conservant toujours un aspect argentique très prononcé. Bref, il n’était probablement pas possible d’obtenir aujourd’hui un meilleur rendu 4K pour un film dont le négatif 35MM a été perdu. Du côté des enceintes, on notera en revanche que la bande-son est très similaire à celle qui nous avait été proposée il y a trois ans sur la précédente édition : restaurée par L.E. Diapason à partir d’un contretype son nitrate incomplet et du négatif issu du mixage de 1959, elle est mixée en DTS-HD Master Audio 2.0 mono. L’ensemble est bien équilibré, sans saturation notable : du beau travail !

Mais l’édition Blu-ray 4K Ultra HD de La Règle du jeu sortie sous les couleurs de Rimini Éditions ne se différencie pas uniquement de la précédente en termes de packaging. En effet, l’éditeur nous offre ici une flopée de suppléments, à commencer par le livre de 64 pages signé Charlotte Garson. Elle y reviendra sur la carrière de Jean Renoir, sur le film à proprement parler, du tournage jusqu’à ses thématiques, sur les acteurs ainsi que sur l’héritage du film et ses nombreux admirateurs (François Truffaut, Alain Resnais, Bertrand Tavernier…). Sur les galettes disponibles dans le coffret, on trouvera également « tout plein tout plein » de bonus vidéo, en partie tirés du Blu-ray disponible chez les Éditions Montparnasse depuis 2011, auxquels il a ajouté une large sélection de bonus inédits, dont de nombreuses archives de l’INA. On commencera donc avec un commentaire audio du film par Olivier Curchod, que les amoureux du film connaissent déjà, tout comme ils connaissaient déjà la présentation du film par Olivier Curchod (27 minutes) ainsi que le sujet intitulé « Ma règle du jeu » (16 minutes), qui réunissait des entretiens avec Claude Chabrol, Guy-Claude François, Noémie Lvosky et Eduardo Serra.

Du côté des suppléments inédits, on trouvera une présentation du film par Jean Renoir (6 minutes). Enregistrée pour la télévision en 1962, cette courte pastille permettra au réalisateur d’évoquer l’échec public de son film et les controverses qu’il a suscité à sa sortie, tout en nous dressant une petite note d’intentions. On continuera ensuite avec un sujet d’archive consacré à la reconstitution de La Règle du jeu (10 minutes). Il s’agit d’un extrait de l’émission « Les écrans de la ville » (1965), revenant sur le défi de la « reconstitution » de la version intégrale du film, dont les négatifs ont été détruits pendant la guerre : récupération des copies, montage… On y évoque également sa ressortie dans les salles obscures. On continuera ensuite avec un épisode de l’émission « Cinéastes de notre temps », et intitulé Jean Renoir, le patron : La règle et l’exception (56 minutes). Originellement diffusé en 1967, il s’agit du troisième épisode d’un documentaire-fleuve consacré à Jean Renoir réalisé par Jacques Rivette et monté par Jean Eustache. Intégralement consacré à La Règle du jeu, cet épisode nous propose un retour absolument passionnant sur le film : genèse, tournage, découpage, personnages… Tout y est abordé de façon claire et précise par Jean Renoir.

On continue d’avancer chronologiquement dans les archives de l’INA avec une présentation du film par François Truffaut (23 minutes), tirée d’un épisode de l’émission « Grand écran » en 1972. On y apprendra que La Règle du jeu était le film préféré de Truffaut : il y reviendra sur le tournage du film, son échec dans les salles, sa destruction sous les bombes et sa miraculeuse reconstitution. Le réalisateur de Jules et Jim reviendra ensuite sur le film aux côtés de la critique Yvonne Baby, du scénariste Jean-Loup Dabadie et de l’actrice Alexandra Stewart. On trouvera également une discussion entre Jean Douchet et Arnaud Desplechin (49 minutes), enregistrée en 2014 à la Cinémathèque Française à l’issue d’une projection du film. Ils y évoquent tous deux la relation particulière qu’ils entretiennent avec le film de Jean Renoir, et reviennent sur certains de ses aspects les plus notables, tels que l’absence de personnage principal. On terminera enfin avec une présentation du film par Philippe Roger (39 minutes), basée sur le concept de « musicalité » – un angle original qui lui permet d’aborder en profondeur les chansons et la musique de La règle du jeu, tout autant que le rôle qu’elle occupe dans le film. Pour illustrer son propos, l’éditeur nous propose également un extrait audio de l’opéra-comique « Le déserteur » (4 minutes), que l’on entend à la fin du film.

Note : L’illustration en haut de page est signée Edward Sorel, et servait de jaquette au Blu-ray du film de Jean Renoir édité aux États-Unis dans la collection Criterion. Ce visuel fait partie des cartes postales présentes à l’intérieur du coffret.

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