Interview Lucky McKee (All cheerleaders die)

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Save the cheerleader, save the world. On se souvient de la phrase emblématique de la série Heroes, où du sort d’une pom-pom girl dépendait la survie du monde. Chez Lucky McKee, la pom-pom girl prend une autre dimension, plus intime, plus fun aussi, et permet un regard fin, une nouvelle fois dans l’univers de cet auteur, sur la condition féminine, la violence faite aux femmes, les hommes comme rapaces indécrottables mais dans une approche de divertissement premier degré. Si les co-réalisateurs Lucky McKee et Chris Sivertson ont voulu faire un film pop(corn), ils ne peuvent s’empêcher de capter avec une certaine justesse la réalité de la violence d’un certain type d’hommes et derrière le divertissement, la noirceur des auteurs se mêle à un sens de l’humour subversif se moquant notamment de la représentation de la femme dans le cinéma de genre. Un grand moment de cinéma complexe dans ses ambitions, hélas confiné au Bluray et DVD (bouh les distributeurs, bouh! ) qui sort dans les kiosques le mercredi 19 août 2015.

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Entretien réalisé lors du FEFFS 2013, le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, autrement connu par Lucky McKee sous le sobriquet de «maison». Merci à Lucie Mottier de Dark Star et à l’équipe du festival. Merci à l’indispensable Louise pour la traduction !

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Critique-Film : Votre film est un cas assez rare, mais pas unique, d’«auto remake», l’exemple le plus illustre étant Alfred Hitchcock avec L’Homme qui en savait trop, comment en êtes-vous arrivé à l’idée de tourner une deuxième version de votre tout premier film ?

Lucky Mc Kee: All Cheerleaders Die est le premier long-métrage que Chris Sivertson et moi-même avons réalisé en 1998 – 1999. Nous avons tout fait en commun sur ce projet, ce qui nous a permis d’apprendre deux fois plus ensemble, autant de nos échecs que de nos réussites. Nous nous sommes entraidés et avons découvert concrètement – et en commun – toutes les étapes de la réalisation d’un film. Notre but alors était de faire quelque chose de très léger, de ne pas nous prendre au sérieux et de proposer quelque chose d’énergique. Nous avons ensuite chacun tracé notre route personnelle avec des films plus sombres et une autre dynamique narrative. Récemment nous nous sommes dit que nous avions cette même impression de devenir un peu trop précieux dans notre rapport à la noirceur, repliés dans nos certitudes, et voulions revenir à une façon plus légère et amusante de faire des films, à l’essence de ce qui nous avait donné envie de faire des films au départ mais avec le bénéfice de l’expérience acquise en quinze ans, avec l’ambition de nous ouvrir un peu plus au public. Nous pensions que c’était une bonne idée à cette étape de nos carrières respectives et nous avions besoin de cette dose d’adrénaline, de puiser dans l’énergie de notre jeunesse.

 

CF : Le traitement de l’histoire reste proche de la première version ?

Lucky Mc Kee : L’idée de base reste la même, évoquer la guerre des sexes qui se joue entre joueurs de football américain et pom-pom girls mais le déroulement de l’histoire est différent. Les personnages sont caractérisés avec plus de profondeur. Il reste quelques connexions entre les deux films, deux ou trois scènes quasiment traitées de la même manière mais nous avons changé, Chris et moi, depuis, et pour cette raison il s’agit d’un tout autre film. L’original répond plus aux attentes du public sur le titre alors que le nouveau les déjoue, avec plus de rebondissements et de péripéties. Nous voulions que le film avance à vitesse grand V et glisse d’une tonalité à une autre le plus souvent possible, passant de la noirceur à la lumière, de la légèreté à la tragédie, de la drôlerie à la tristesse avec une touche de romantisme premier degré, sans ironie. Nous voulions traverser les mêmes montagnes russes émotionnelles que peut expérimenter un adolescent.

 

CF : La violence de Terry fait de lui le personnage qui se rapproche le plus d’autres vus dans vos précédents films. On pense à en particulier à Sean Bridgers alias Chris Cleek dans The Woman. Il est le même type de prédateur qui s’en prend à des femmes, de préférence isolées…

Lucky Mc Kee : Pour moi, il se rapproche plus de Ray Pye, le protagoniste de The Lost réalisé par Chris d’après un roman de Jack Ketchum. Mais on ne réalise que vers la moitié du film l’ampleur de sa personnalité, il est très silencieux pendant la première partie. Il se révèle sur le tard. C’est le premier film de Tom Williamson, il est vraiment excellent, très inquiétant.

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CF : Comment avez-vous choisi vos acteurs ?

Lucky Mc Kee : Nous avons eu la chance de travailler avec Lindsay Chag, une grande directrice de casting qui a notamment travaillé avec Mel Brooks. Elle a l’oeil pour dénicher les jeunes acteurs talentueux et ne se contente pas de faire appel aux grosses agences. Elle cherche partout, nous a proposé des centaines d’adolescents à auditionner et donc on a eu ce luxe de pouvoir en voir énormément, jusqu’à trouver les bons acteurs et suivre nos coups de cœur, ceux qui nous semblaient parfaits pour le rôle et l’alchimie du groupe. Nous avons eu le loisir de prendre notre temps pour choisir notre distribution, ce qui est un luxe pour un film indépendant.

 

CF : Certains ont fait évoluer l’intrigue ou la caractérisation de leurs personnages ?

Lucky Mc Kee : Lorsque Chris et moi auditionnons des acteurs, nous cherchons toujours quelqu’un qui va comprendre le projet tel qu’on l’imagine mais aussi l’enrichir de sa personnalité pour apporter une dimension supplémentaire. Le meilleur exemple est certainement Sianoa Smit-McPhee [la sœur de Kodi] qui a radicalement enrichi ce personnage de sorcière et nous fait croire que la magie existe. Avec son mari elle a composé la chanson «Take a bite of my heart» que l’on entend au début du générique de fin.

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CF : Comment avez-vous travaillé la bande originale ?

Lucky Mc Kee : Pour la musique, nous voulions en majorité des morceaux de hip hop et d’electro et pas forcément des morceaux que des gens de mon âge, la trentaine avancée, aiment ou pensent que les ados écoutent. Nous nous sommes vraiment reposés sur Chris en fait. C’est une encyclopédie sur pattes, il maîtrise avec précision l’actualité de la scène contemporaine, il connaît tous les groupes indépendants, dans tous les registres musicaux, sait ce qui marche. Il était notre superviseur musical en fait. Il a trouvé le compositeur de la musique originale (Mads Heldtberg), choisi la majorité des morceaux qui figurent sur la bo. Mon apport à moi sont les morceaux qui viennent d’amis, de gens avec qui j’ai pu travailler dans le passé ou des découvertes personnelles. Mais la majorité de la musique que l’on entend à l’écran est de la responsabilité de Chris, si la bande originale est si réussie c’est vraiment grâce à lui. Ma contribution se imitait surtout à dire si j’aimais ou non telle ou telle chanson ou le moment où elle intervient dans le récit. Il y

 

CF : Il y a un thème qui évoque celui de Krzysztof Komeda pour Rosemary’s Baby

Lucky Mc Kee : Oui, c’est une composition originale pour le film mais c’est clairement une inspiration.

 

CF : Quelles sont vos influences, intentionnelles ou non sur l’écriture ? On pense notamment à Freaky friday – Dans la peau de ma mère, Carrie ou Simetierre ?

Lucky Mc Kee : Je suis content que vous citiez ces références là, on m’évoque parfois des films que nous n’avons pas vu comme Heathers (Fatal Games en VF). J’ai fini par le voir tardivement mais je ne l’ai pas fini. Carrie est pour moi le meilleur film d’horreur se déroulant dans une université. Chris est un fan absolu de Stephen King, il a lu tout ce qu’il a écrit et connaît donc très bien Simetierre en effet. Et il y a sans la moindre hésitation un côté Freaky Friday dans l’histoire. J’aime beaucoup Dangereuse alliance ou Jennifer’s body également, c’est un excellent film fait par des femmes très intelligentes.

 

CF : Comment avez-vous travaillé les effets spéciaux avec Robert Kurtzman ?

Lucky Mc Kee : Plus précisément nous avons travaillé avec sa société. Il supervise le travail de son atelier dans l’Ohio et a envoyé deux de ses collaborateurs les plus doués, David Greathouse et Beki Ingram, sur le plateau pour travailler directement avec nous. Ils ont surtout travaillé sur les effets de maquillage, comme les nombreuses blessures des protagonistes. C’est la troisième fois que je travaillais avec lui et ça s’est bien passé comme toujours. Pour les effets numériques, nous avons fait appel à une autre société. C’est Roger Nall qui les a supervisé, Chris avait travaillé avec lui sur I knew who killed me.

 

CF : Le titre complet se révèle être All cheerleaders die part 1 : c’est une blague ou une promesse ?

Lucky Mc Kee : Non, ce n’est pas une blague du tout, ce film est le premier acte d’une série de films que nous avons planifié. Nous posons beaucoup de questions sans donner de réponses qui restent dans notre escarcelle pour une ou plusieurs suite(s). Nous avons encore beaucoup de choses à révéler sur le pourquoi et le comment de ces pouvoirs magiques notamment. Il nous reste des histoires à raconter sur cet univers que nous avons imaginé. Cela dépendra évidemment de la réception du film pour déterminer quelle sera l’étape suivante, si nous ferons un film pour le cinéma, la télévision, internet ou du pay-per-view.

 

CF : Avez-vous déjà été contacté pour rejoindre l’une des anthologies qui se tournent actuellement ?

Lucky Mc Kee : On m’a proposé The Theater Bizarre 2 mais cela ne s’est pas fait pour le moment…

 

Signalons que depuis cet entretien, Lucky Mc Kee a rejoint l’anthologie Tales of Halloween qui sera notamment présenté au FEFFS 2015, également signé par Darren Lynn Bousman, Axelle Carolyn, Adam Gierasch, Andrew Kasch, Neil Marshall, Mike Mendez, Dave Parker, Ryan Schifrin, John Skipp et Paul Solet.

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