Critique : Mon amie Victoria

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Mon amie Victoria

France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Jean-Paul Civeyrac
Scénario : Jean-Paul Civeyrac, d’après un roman de Doris Lessing
Acteurs : Guslagie Malanga, Nadia Moussa
Distribution : Les Films du Losange
Durée : 1h35
Genre : Drame
Date de sortie : 31 décembre 2014

Note : 2,5/5

Cette adaptation d’un roman de Doris Lessing suit plutôt consciencieusement le destin d’une femme moins volage que passive dans les choix de vie qu’elle subit. Ce n’est sans doute pas par hasard que la narration n’a pas opté pour un point de vue direct pour évoquer cette histoire d’une lente et subtile dépossession. La privation de la parole commence dès les premières minutes du film, lorsque Fanny, qui est comme une sœur pour Victoria, accapare la voix off, par le biais de laquelle elle jettera ensuite un regard parfois réprobateur sur l’existence chahutée de son amie. Ce filtre permet néanmoins à Mon amie Victoria de ne pas trop s’égarer dans des états d’âme abstraits, ne serait-ce que grâce à la structure sobre du scénario en quatre chapitres.

Synopsis : Quand elle avait huit ans, Victoria a été hébergée pendant une nuit dans l’appartement luxueux de la famille Savinet. Puisque sa tante était souffrante à l’hôpital, cette fille d’origine africaine a été accueillie par Edouard, le grand frère de son camarade de classe Thomas. Elle n’oubliera jamais les circonstances exceptionnelles de ce séjour dans un milieu très loin de ses conditions de vie modestes. Une fois adulte, elle croise à nouveau Thomas, avec lequel elle a une brève aventure. Sans le dire à la famille Savinet, Victoria accouche d’une petite fille, Marie. Elle croit avoir enfin trouvé l’homme de sa vie en la personne de Sam, un musicien. Mais le destin fera en sorte que son chemin croise une fois de plus celui de Thomas et de sa famille.

Que faire de ma vie ?

La qualité principale du septième film de Jean-Paul Civeyrac est d’évacuer rapidement tout soupçon d’emphase mélodramatique du récit. Pourtant, il y aurait eu de quoi faire, avec ces morts tragiques, ces enfants mal aimés, ainsi que cette ronde d’amants dont aucun ne réussit à remporter entièrement le cœur de Victoria. Le tout sur fond d’une différence de classe qui pèse sur le moral du personnage principal, surtout parce qu’elle sait pertinemment qu’elle ne fera jamais partie de ce monde idolâtré dès son plus jeune âge. Hélas, de cette certitude ne naît aucun sursaut de lucidité, faute d’une quelconque ambition de la part de cette femme, qui se laisse vivre au lieu de prendre fermement en main son avenir et celui de ses enfants. Ainsi, les rares occasions où elle prend une décision importante – comme de garder son premier bébé alors que le père est déjà loin ou de contacter finalement la famille de ce dernier pour lui annoncer très tardivement la nouvelle – constituent le point de départ malheureux d’une suite d’événements qui lui échappe complètement. Elle finit alors par lâcher prise et par céder ce qui lui est le plus cher, sa fille, à une pression sociale à laquelle elle n’a jamais su résister efficacement.

Faites-en ce que vous voulez !

Toutefois, la dimension sociale de l’intrigue se manifeste au mieux d’une façon très discrète. Victoria est une victime à peu près consentante de l’injustice à laquelle elle est prédestinée pratiquement par naissance, soit, mais cette indifférence quasiment viscérale ne se traduit pas par des trouvailles filmiques ingénieuses. Il y a certes cette maison de poupées en carton, qui traverse les générations et les ellipses temporelles avec une certaine élégance narrative. Et puis, la musique contribue à élever les galères successives de la héroïne récalcitrante à un niveau romanesque, qui subjugue par son étrangeté sophistiquée. Mais dans l’ensemble, le film est à l’image de son personnage principal : privé d’une quelconque volonté d’action, au point de devenir simplement spectateur de sa propre vie. Autant de passivité peut éventuellement fonctionner au cinéma, à condition de se mettre au service d’un dessein plus grand sur l’impuissance intrinsèque à l’être humain. Ici, elle est juste illustrée par une mise en scène convenable, qui fait un peu trop facilement l’impasse sur une alternative vigoureuse à autant de résignation noblement supportée.

Conclusion

Mieux vaut prendre son mal en patience avec ce film, qui suit à trois reprises les conquêtes romantiques d’une femme en apparence insensible, avant de se focaliser sur la privation sournoise de ses droits maternels. Ce n’est pas tant le déséquilibre des préoccupations qui nous y gêne, mais l’absence d’un réalisme social cru, qui aurait rendu les errements de Victoria moins complaisants.

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