Le Miroir

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Photo du film de Jafar Panahi Le Miroir avec Mina Mohammad Khani

L'affiche du film de Jafar Panahi Le MiroirLe Miroir

Iran : 1997
Titre original : Ayneh
Réalisateur : Jafar Panahi
Scénario : Jafar Panahi
Acteurs : Mina Mohammad Khani, Aida Mohammadkhani, Kazem Mojdehi
Distribution : Tamasa Distribution
Durée : 1h34
Genre : Drame
Date de sortie : 21 décembre 2011

Globale : [rating:4.5][five-star-rating]

Un film splendide réalisé en 1997 par Jahar Panahi, cinéaste interdit de travailler dans son pays depuis un an. Un état des lieux sidérant doublé d’un superbe objet de cinéma. Aussi passionnant qu’indispensable.

Synopsis : Une fillette sort de l’école et ne trouve pas sa maman. Elle décide alors de prendre son courage à deux mains (dont une dans le plâtre) pour retrouver son chemin vers les siens. Dans Téhéran aux heures de pointe, le périple s’avère un véritable parcours du combattant pour une enfant qui par ailleurs ne connaît pas par cœur son adresse.

Photo du film de Jafar Panahi Le Miroir avec Mina Mohammad Khani

Splendide et indispensable

Jafar Panahi, cinéaste phare de la Nouvelle Vague iranienne et opposant farouche au régime en Iran, a eu les pires problèmes pour tourner ses films, pourtant souvent primés dans les festivals internationaux et qui ne voient le jour dans son pays que sous le manteau. En février 2010, le gouvernement iranien lui interdit de se rendre au Festival de Berlin. Même sort quelques mois plus tard pour le Festival de Cannes où il doit être membre du jury. Il est alors en prison depuis deux mois. Grève de la faim. Libération sous caution. En décembre 2010, il est condamné à six ans de prison assortis d’une interdiction de réaliser des films ou de quitter son pays pendant vingt ans. Avant la confirmation en appel, il réalise clandestinement un documentaire sur son quotidien et la situation actuelle du cinéma iranien.

Auréolé du Léopard d’Or au festival de Locarno en 1997, et bien que sur nos écrans que le 21 décembre prochain, Le Miroir fut tourné quatorze ans avant Une séparation, d’Asghar Farhadi (énorme succès critique et public en France cette année). Ces années sont pourtant imperceptibles à l’écran, constat attestant l’immobilisme dramatique qui règne en Iran. A travers le beau regard de sa jeune héroïne, Jafar Panahi, à la fin du siècle dernier, dressait un saisissant état des lieux de la société iranienne. Ceci suffirait à faire de ce film un indispensable témoignage. Le cinéaste ne s’est pourtant pas contenté de cet aspect documentaire et livre un authentique objet de pur cinéma où cette cinégénie se met admirablement au service de son propos.

Photo du film de Jafar Panahi Le Miroir avec Mina Mohammad Khani

Un éblouissant plan séquence en ouverture

C’est un étourdissant plan séquence qui ouvre le film. La caméra filme une sortie d’école puis effectue un travelling circulaire montrant Téhéran aux heures de pointe. Vacarme, pollution, femmes voilées, personnes âgées luttant pour traverser une rue dans ce carrefour infernal. Puis elle achève sa rotation à 360° sur l’école désertée par les enfants que les parents sont venus chercher. Ne reste que Mina, bras gauche plâtré, qui attend elle aussi. Personne ne viendra. Commence alors son périple.

Haute comme trois pommes, la gamine se faufile au milieu des véhicules. Petite chose invisible des immenses bus qui la frôlent, elle se tient à un manteau d’adulte, à une burqua. Instinct de survie. Besoin d’avancer, coûte que coûte pour retrouver les siens. Passer un coup de fil d’une cabine téléphonique devient une séance d’escalade. Vaine : personne ne répond. Et pour cause…

La caméra va filmer ce trafic ininterrompu à hauteur d’enfant, bien sûr. Un monde de menaces permanentes, des adultes aveugles. Le décalage est immense. Ce n’est plus un fossé des générations, c’est un gouffre entre deux âges, avec chacun ses préoccupations et, dans la même langue pourtant, deux langages différents… Puis des bus pris dans le mauvais sens, des points de repère qui s’effacent à force d’être confondus. Même certains trottoirs sont trop hauts pour elle. Une solitude invraisemblable.

A mi-parcours, un authentique retournement de situation. Le dévoiler serait sacrilège. Disons simplement que le film suit sa trajectoire narrative tout en la quittant complètement. Le cinéaste réussit l’exploit alors de nous montrer Téhéran et l’Iran sous un autre jour, plus vrai encore que dans la première partie, déjà d’un réalisme criant. Des témoignages glanés au gré des rencontres vont dresser alors un état des lieux sur un pays qui tente de changer, où des voix féminines osent s’élever.

On songe à François Truffaut en regardant ce Miroir. Celui de L’Argent de poche mais aussi de La Nuit américaine. Le « père » d’Antoine Doinel détestait le documentaire et privilégiait l’histoire, la narration, l’émotion. Il parlait et faisait parler les enfants comme personne. Jafar Panahi lui emboite magnifiquement le pas avec cette œuvre forte, poignante, qui crie sa rage face à la violence faite aux femmes dans son pays. En le disant à travers les yeux d’une fillette de 6 ans, il ouvre grand tous les espoirs qu’il continue à fonder en l’humanité malgré les outrages qu’il a subis. Et si comme le fait dire Truffaut à la femme de l’instituteur dans L’Argent de poche « Les enfants se cognent contre tout, ils se cognent contre la vie mais ils ont la grâce et ils ont aussi la peau dure », gageons que cette petite puisse porter sur ses jeunes épaules cette grâce qu’elle a déjà, mais aussi la peau dure qui lui sera nécessaire pour incarner tous ces espoirs.

Résumé

Objectif constat et splendide œuvre de cinéma où chaque plan laisse sourdre un message politique, ce film de 1997 qui ne sort qu’aujourd’hui sur nos écrans bouleverse par sa puissance de suggestion et son indispensable besoin d’exister.

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