Critique : Green Room

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1976

green room afficheGreen Room

Etats-Unis, 2015
Titre original : –
Réalisateur : Jeremy Saulnier
Scénario : Jeremy Saulnier
Acteurs : Anton Yelchin, Imogen Poots, Patrick Stewart, Alia Shawkat
Distribution : The Jokers / Bac Films
Durée : 1h36
Genre : Thriller à tendance gore
Date de sortie : 27 avril 2016

Note : 3/5

Deux ans après Blue Ruin présenté dans cette même section, la Quinzaine des Réalisateurs nous redonnait déjà des nouvelles de son réalisateur Jeremy Saulnier avec Green Room lors de l’édition 2015 du Festival de Cannes.

Synopsis : Après avoir assisté à un acte de violence horrible, un jeune groupe de punk rock se retrouve piégé dans un lieu isolé. Pour survivre, ils vont devoir lutter contre une bande de skinheads bien décidés à éliminer tous les témoins.

Callum Turner, Alia Shawkat et Anton Yelchin
Callum Turner, Alia Shawkat et Anton Yelchin

Punkrockmen V Nazipunksàchiensmen

Un groupe de rock underground se retrouve (déjà, c’est une mauvaise idée) à une fête privée de punks néo-nazis pour gagner 350 malheureux dollars, surtout si l’on se risque à interpréter « Nazi Punks Fuck Off » des Dead Kennedys. Lorsque l’on sait qu’il s’agit de punks néo-nazis à chiens AVEC chiens (très) méchants, il n’est pas surprenant de constater que les quatre musiciens amateurs vont regretter d’avoir interprété cette chanson mais surtout d’avoir vu quelque chose qu’ils auraient mieux fait d’ignorer pour leur maigre cachet qui ne devrait pas leur permettre d’avaler la pilule de leur rencontre pas très drôle avec de dangereux personnages qui n’ont aucun problème avec les exécutions sommaires. Ce film avec des séquences gore troublantes (une main luttant pour garder une porte fermée, l’emploi de chiens à dents acérées) a permis au réalisateur de rendre hommage à son attachement à la musique punk avec humour mais sans ironie, les séquences musicales étant plutôt efficaces. Le contexte néo-nazi plonge les quatre amis dans une ambiance «Blues Brothers dans un bar country» mais avec une issue moins positive, pour eux comme pour leurs ennemis d’une nuit. Le film s’inscrit dans la continuité d’un genre efficace pour le suspense, le film dit «de siège» autant les plus prestigieux exemples que furent Assaut de Carpenter ou La Nuit des morts vivants de Romero que dans des séries B plus méconnues telles que le sobrement titré canadien Siège de Paul Donovan et Maura O’Connell dans les années 80. L’on pourrait citer d’autres titres, oui, l’on pourrait, mais l’on ne fera pas (j’ai un doute sur cette phrase). Le réalisateur en maîtrise les codes, sait les détourner, accélère de façon très pertinente le rythme dans les tentatives illusoires des otages de croire qu’ils pourront fuir en forçant le passage même s’il se laisse parfois piéger par des rebondissements attendus qui atténuent la portée finale de l’oeuvre moins audacieuse qu’elle n’aurait pu l’être.

Green Room Callum Turner Anton Yelchin Alia Shawkat Imogen Poots

Patrick Stewart suprême

Anton Yelchin est à la tête de ce groupe éminemment sympathique piégé au mauvais endroit au mauvais moment. Comme Alia Shawkat, sa partenaire dans le groupe, il a réellement fait partie d’un groupe rock. Le jeune comédien continue sa «spécialisation» dans le genre horrifique / film noir, sa performance s’inscrivant dans la continuité de celles de Fright Night, Only Lovers Left Alive, Odd Thomas ou Burying the Ex avec la même fragilité contredite par une capacité de résistance au pire qui se révèle admirable sur un si large corpus auquel on peut rajouter le plus dramatique Alpha Dog qui le révéla, maltraité par Justin Timberlake. Avec leurs deux partenaires Callum Turner (l’apprenti soldat gauche de Queen & country, double du réalisateur John Boorman) et Joe Cole (petite frappe à la double identité dans le nanar Aux yeux de tous), ils forment un ensemble attachant et l’humour vient pour beaucoup de leur relation fusionnelle. Contrairement à beaucoup de «survival» en huis-clos, le sort de ces innocentes victimes nous touche, ne serait-ce que grâce à la très drôle ouverture. Et chose rare, la troupe qui leur veut du mal a la possibilité d’exister face à eux dont Mark Webber fluctuant dans ses amitiés, Eric Edelstein en grande frappe, Macon Blair gérant du bar dépassé par les événements et évidemment le big boss Patrick Stewart.

Macon Blair et Patrick Stewart
Macon Blair et Patrick Stewart

Probablement jaloux de son vieil ami Ian McKellen qui fut un nazi d’anthologie dans Un élève doué de Bryan Singer, Patrick Stewart est le leader d’un mouvement adepte de la suprématie blanche, prêt au meurtre pour protéger ses intérêts particuliers. Habitué aux rôles de dirigeants positifs, surtout ces dernières années, il est encore plus satisfaisant dans cet emploi inattendu. Notre cher professeur Xavier ne le joue pas comme un monstre convenu de production fauchée mais comme un homme posé et méthodiquement abject le rendant d’autant plus inquiétant. Macon Blair, anti-héros traumatisé par son passé dans Blue Ruin, est ici présent plus brièvement en employé du club où se déroule la fête mortelle et qui a cette belle réplique : « je veux aller en prison » à saisir dans le contexte comme une exclamation pleine de bon sens. Après une série de films autour d’une violence exacerbée, il reste intéressant d’imaginer la trajectoire que souhaite emprunter le cinéaste par la suite car s’il s’inscrit dans la lignée de grands cinéastes du genre, il a le talent pour creuser son propre sillon, même s’il se laisse prendre ici à certains trucs de scénario qui vont à l’encontre de toute logique. En résumé, mise en scène et sens du rythme remarquables, avec une maîtrise brillante de la disposition des personnages dans les décors savamment utilisés, mais une écriture parfois frustrante du style : «non, mais pourquoi réagit-il comme ça, lui ?»

Green Room 01

Conclusion

Inégal dans certains de ses rebondissements mais franchement réjouissant dans l’ensemble (en particulier dans le cadre d’un festival riche en drames feutrés – mais pas que, attention), Green Room fait preuve d’une grande qualité formelle et de caractérisation suffisamment convaincante de ses personnages. Sans atteindre la force de son précédent opus, Jeremy Saulnier confirme un sens du cinéma de genre, à l’égal, au moins potentiellement, d’un Jim Mickle, nouvel habitué, comme lui, de la quinzaine, se révélant parfois très surprenant.

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