Critique : Adama

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Adama

France, 2015
Titre original : –
Réalisateur : Simon Rouby
Scénario : Julien Lilti, Simon Rouby et Bénédicte Galup
Acteurs : Azize Diabate, Pascal Nzonzi, Oxmo Puccino, Jack Mba (voix)
Distribution : Océan Films Distribution
Durée : 1h22
Genre : Animation
Date de sortie : 21 octobre 2015

Note : 3/5

Le sujet du jeune homme qui part faire ses preuves loin de sa terre natale, dans une guerre cruelle qui le guérira de toutes ses illusions, résonne avec une urgence nouvellement acquise sur fond d’actualités de l’exode de djihadistes plus ou moins improvisés. Le dessein de ce film d’animation français n’était probablement pas de coller si près aux événements du présent que l’on pourrait presque lui reprocher un certain opportunisme. Ce hasard dans le retour cyclique des faits historiques démontre par contre à quel point l’humanité n’est jamais tout à fait à l’abri de l’horreur de la guerre. Dans ce sens, Adama constitue une belle parabole sur le paradis perdu, par ambition, par ignorance, voire par bêtise, dont les thèmes universels y sont exprimés d’une façon sérieuse. Une certaine maturité d’esprit est en effet requise afin de se retrouver dans cette odyssée de plus en plus pessimiste, avant le basculement in extremis dans le domaine des contes, ce qui rend le film peu adapté aux (très) jeunes enfants.

Synopsis : Le jeune Adama est rempli d’admiration pour son frère aîné Samba. Ce dernier participera prochainement à la cérémonie pour devenir un homme, célébrée par toute la communauté du village encerclé de falaises. Mais Samba rêve d’une vie différente du travail dans les champs. Il veut partir vers le monde des souffles, où règnent les mystérieux Nassaras. Une nuit, il fugue, ne laissant derrière lui que quelques pièces d’or qu’il a gagnées grâce à son engagement auprès des guerriers. Adama se met à sa recherche dans un monde extérieur qui ne lui est nullement familier.

Loin du paradis

L’idylle dans le jardin d’éden n’est que de courte durée au début de Adama. Dans cette vallée isolée, dont le caractère fermé sur lui-même évoquera peut-être au public contemporain l’univers fantastique du Labyrinthe, la vie s’écoule en toute douceur selon des traditions ancestrales. Pareille quiétude n’est pas forcément selon le goût de la jeune génération, qui s’imagine au contraire en explorateur héroïque de l’inconnu. Aussi caricaturale la description de l’immobilisme des aînés peut-elle paraître à première vue, elle dresse pourtant un point de départ hautement paisible, qui deviendra un repère nostalgique de plus en plus lointain, au fur et à mesure que le jeune protagoniste s’approche du cataclysme de la guerre. Depuis ce havre de paix hors du temps, il s’engage ainsi dans un périple dont les aspects aventureux se transforment irrémédiablement en bribes cauchemardesques. L’innocence et la détermination de Adama sont mises à rude épreuve, chaque fois que le décor s’assombrit et que les menaces deviennent plus concrètes. Car l’enchaînement de ces lieux de passage emblématiques, comme le port, le bidonville dans la banlieue parisienne ou l’hôpital près du front, accompagne inextricablement la perte d’importance du protagoniste. Entre la vie sur son lieu de naissance et la mort omniprésente sur le champ de bataille, il parcourt sans relâche un chemin éducatif, qui fera de l’enfant préservé un adulte précoce et meurtri par cette expérience déplaisante.

Toutes les guerres se valent

Cette odyssée, qui relève de moins en moins de l’aventure, puisque elle se confronte de plus en plus amèrement à la réalité, la narration l’évoque avec un minimum de pathos. Elle atteint par ailleurs une valeur universelle grâce à son manque de définition temporelle. Ce n’est que tardivement que nous apprenons par exemple que l’euphorie belliqueuse qui a emporté Samba est celle de la Première Guerre mondiale. A ce moment-là, nous nous sommes suffisamment identifiés à la quête fraternelle d’Adama pour privilégier son aspect personnel au canevas historique que la mise en scène de Simon Rouby ne fait de toute façon qu’effleurer. A l’image d’autres voyageurs imperméables aux influences extérieures parce qu’animées par une idée fixe, le frère cadet ne se laisse jamais décourager durablement, poursuivant ses recherches même dans les environnements les plus hostiles. L’aspect édifiant du récit reste néanmoins mesuré, aussi parce que l’issue logique ne fait guère de doute. La pirouette finale confirme curieusement la noirceur du propos, en s’échappant du massacre des tranchées vers un monde immaculé et désormais imaginaire auquel le retour sera impossible. Enfin, du côté formel, le film poursuit le métissage des influences, à travers une association de techniques d’animation esthétiquement séduisante, quoique légèrement saccadée dans son déroulement.

Conclusion

Il y aurait matière à verser d’innombrables larmes face à ce conte d’un périple déprimant. La noblesse subtile qui transcende ce film d’animation lui permet toutefois d’être un remarquable pamphlet pacifiste. Elle relativise même le fond assez réactionnaire de l’intrigue, qui aurait tendance à donner raison aux avertissements peureux des anciens, au profit de la démarche téméraire d’Adama.

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