Vu sur Ciné + : Gentlemen cambrioleurs

0
2087

© 2018 Jack English / Working Title Films / Studiocanal Tous droits réservés

Michael Caine avait vu juste lors de son discours mémorable de remerciements à la cérémonie des Oscars en l’an 2000. Il y disait que ce qui le distinguait de sa concurrence dans la catégorie du Meilleur acteur dans un second rôle, c’était sa qualité de survivant dans un métier hautement compétitif. Or, lui-même n’avait sans doute pas prévu que son illustre carrière allait se poursuivre encore pendant deux décennies entières. Ses films les plus récents ont beau se ressembler un peu, puisqu’il s’agit soit de collaborations avec son réalisateur attitré Christopher Nolan, soit de comédies sur de vieux criminels, il n’y a pas de quoi rougir face à ce dernier chapitre d’une filmographie imposante.

Gentlemen cambrioleurs, que nous avons rattrapé in extremis sur le replay de Ciné + dont il disparaîtra ce soir, s’inscrit parfaitement dans le mouvement crépusculaire, quoique guère solennel, du chant de cygne de l’un des plus grands acteurs du cinéma britannique.

Puisqu’il n’y a pas d’honneur parmi les voleurs, le film de James Marsh se débarrasse assez rapidement des clichés habituels, à l’œuvre dans ce genre de films qui font tous, d’une manière ou d’une autre, l’apologie du crime. Ici, la belle union entre des complices de longue date vole rapidement en éclats. Le regard attachant sur ces petits vieux pas encore prêts à prendre leur retraite n’y a pas davantage lieu d’être. Bien au contraire, l’intérêt principal de l’intrigue, inspirée de faits réels, réside justement dans l’observation malicieuse du climat de méfiance régnant au sein d’un groupe, qui n’a aucunement su s’assagir avec le temps.

© 2018 Jack English / Working Title Films / Studiocanal Tous droits réservés

D’habitude, dans un film de casse, c’est la préparation, puis l’exécution du crime qui importent. Et si la narration ne manque pas d’exploiter les aspects comiques de cette opération hautement lucrative, effectuée avec un certain amateurisme par des vieillards atteints de tous les petits problèmes de santé associés à leur génération, elle s’attarde finalement assez peu sur ces événements, qui avaient défrayé la chronique anglaise au printemps 2015. Ce qui ne veut pas dire que l’on ne passerait pas par toutes les étapes conventionnelles de ce type de vol spectaculaire. Du plan infaillible soumis à une bande de malfrats rendus exclusivement fréquentables par l’âge avancé qu’ils ont atteint, au comptage du butin dans une ambiance tendue, en passant par toutes sortes d’imprévus, auxquels ces vieux spécialistes des coffres forts font face avec plus ou moins de mauvaise foi. En somme, les tontons cambrioleurs ont débarqué !

Sauf que la première partie du titre français du film est à prendre plutôt au second degré. Au fur et à mesure que la belle mécanique du projet commun déraille, chacun cherche en effet à agrandir sa part du gâteau, au détriment des complices d’autrefois, devenus soudainement des rivaux. La touche la plus appréciable du scénario consiste alors à ne réserver le beau rôle à personne parmi ces escrocs minables. Ni à rendre leur quête tardive de la fortune grotesque ou bêtement folklorique, comme cela a été le cas par exemple dans les films de gangsters de Guy Ritchie, depuis Snatch Tu braques ou tu raques jusqu’à The Gentlemen. Non, aucune flamboyance violente ne viendra sauver au moins en termes dramatiques cette bande de bras cassés, qui ne fait plus le poids à soixante ans et au delà.

© 2018 Jack English / Working Title Films / Studiocanal Tous droits réservés

La légèreté initiale du propos tourne ainsi à l’aigreur. Heureusement, cette sorte d’aigreur approfondit l’ambiguïté des personnages, au lieu de les rendre platement antipathiques. A ce niveau-là, la mise en scène de James Marsh se montre assez prodigieuse, alors que la plupart des effets de montage, trop rapides, voire complètement arbitraires, confirment notre avis mitigé sur le travail du réalisateur. Il réussit néanmoins à tirer des interprétations sans la moindre complaisance de Jim Broadbent, Tom Courtenay, Ray Winstone et Michael Gambon, tous finement placés à la marge du type de rôles dans lesquels ils excellent depuis toujours.

Par ailleurs, le rappel de la longévité de leurs carrières respectives intervient assez tard dans le film, quand – au moment où ils vont symboliquement à l’échafaud – de brefs extraits de leurs films d’il y a quarante ans et plus nous signifient leur degré de noblesse cinématographique.

Quant à Michael Caine, il ne livre peut-être pas dans Gentlemen cambrioleurs son interprétation la plus magistrale. Pourtant, son personnage fait appel à la plupart des facettes de l’immense talent de l’acteur. Comme dans ses meilleurs rôles, il y est capable de naviguer avec une aisance jamais en panne d’intensité entre les deux extrêmes de la société britannique : la nonchalance des parvenus d’un côté et de l’autre l’instinct de survie, propre aux prédateurs issus des quartiers défavorisés.

© 2018 Jack English / Working Title Films / Studiocanal Tous droits réservés

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici